« Crédits de l’Etat pour la sécurité des Français en 2018, un effort supplémentaire était possible  » par Marietta KARAMANLI

Mon point de vue

 

Le 3 novembre 2017 je suis intervenue dans la discussion du projet de budget de l’Etat pour 2018 concernant le vote des crédits de la mission « Sécurités ».

J’ai eu l’occasion de souligner que les efforts faits de la précédente législature pour augmenter les moyens et notamment le nombre de forces de la police  avaient été payants avec  une hausse de 4 100 agents entre 2012 et 2017 (après la diminution forte connue sous le quinquennat précédent entre 2007 et 2012).

Les évolutions à venir s’appuient sur des modifications d’emplois avec des emplois dédiés aux fonctions administratives, techniques et scientifiques.

De son côté le programme « Gendarmerie nationale «  connaît juste un maintien de ses crédits.

J’ai souligné trois points de vigilance.

  • Que la continuité de l’augmentation annoncée des moyens soit réelle. Le projet de budget est un acte de prévision et d’autorisation mais pas le constat de ce qui sera fait. Une des premières décisions du nouveau Gouvernement avait été d’annuler près de 500 millions d’euros de dépenses inscrites au profit du ministère de l’intérieur. Les annulations auront été moindres au final, puisqu’elles n’ont pas excédé 200 millions d’euros en 2017. Une vigilance particulière est néanmoins nécessaire tout au long de l’exercice budgétaire pour en vérifier la pérennité.
  • Que la France renforce ses effectifs mis à disposition des forces de sécurité aux frontières européennes où arrivent de nouvelles voies migratoires.
  • Que les crédits dédiés à la sécurité civile (et pas seulement les crédits d’investissement) affectés à la préparation et aux interventions spécialisées des moyens nationaux soient augmentés ; ils sont équivalents en 2018 à ceux inscrits en 2017. De nombreuses installations à risque existent dans notre pays, je pense notamment aux soixante installations nucléaires françaises, dont certaines apparaissent plus vulnérables que d’autres et à proximité desquelles vivent des populations en nombre. Il ne faut pas relâcher nos efforts.

Face aux besoins de sécurité notamment ceux énoncés ici, j’ai, au nom des députés socialistes, refuser de voter les crédits affectés à la missions « sécurités » que j’ai estimés insuffisants. J’ai considéré que si le niveau des crédits proposés s’inscrit dans la continuité, face aux enjeux de protection de tous les citoyens, une augmentation supplémentaire des moyens aurait pu être gagée sur une absence de diminution des ressources de l’État au profit des personnes vraiment très riches… « la protection de tous valait probablement un effort supplémentaire de quelques-uns« .

Marietta KARAMANLI


Le texte de mon intervention en séance

Assemblée nationale, XVe législature, Session ordinaire de 2017-2018,  Compte rendu intégral, Deuxième séance du vendredi 03 novembre 2017

 

Mme Marietta Karamanli.

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, chers collègues, les crédits de la mission « Sécurités » pour 2018 montrent une continuité de l’action de l’État, qui s’illustre par le renforcement des moyens de la police tel qu’il a été engagé sous la précédente législature. Les effectifs réels de la police ont augmenté de plus de 4 100 agents entre 2012 et 2017.

Concernant le détail des actions prioritaires, l’analyse met en évidence, au programme 176 « Police Nationale », une baisse des dépenses de personnel en crédits de paiement des actions « Ordre public » et « Sécurité publique » respectivement de 4 % et de 2 % par rapport aux crédits inscrits au projet de budget pour 2017. Cette baisse est pour partie compensée par une hausse d’environ 90 millions d’euros des dépenses de personnel de l’action « Police des étrangers et sûreté des transports internationaux ».

Parallèlement, c’est la structure même des emplois qui devrait continuer à être modifiée, puisqu’une partie des créations de postes annoncées se portera sur les emplois administratifs, techniques et scientifiques. Le rapporteur de la commission des lois note cette évolution.

Dans le programme 152 « Gendarmerie nationale », la hausse des crédits de personnel de l’action « Ordre et sécurités publics » est limitée à 1 %, ce qui correspondrait à peine à un maintien des crédits dédiés si l’hypothèse d’une inflation à 1, 2 % se vérifiait en 2018.

En juillet 2017, une des premières décisions du nouveau Gouvernement a été d’annuler près de 500 millions d’euros de dépenses inscrites au profit du ministère de l’intérieur. Les annulations auront été moindres au final, puisqu’elles n’ont pas excédé 200 millions d’euros en 2017. Dans ces conditions, une vigilance particulière sera nécessaire tout au long de l’exercice budgétaire pour en vérifier la pérennité.

Les mesures en faveur des personnels doivent être sanctuarisées et le protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers pour les années 2016 à 2022, conclu au début de l’année 2016, devra bien être mis en œuvre.

Le renforcement des dispositifs de police chargés de la lutte contre l’immigration irrégulière vise à empêcher le franchissement des frontières et à reconduire les migrants en infraction. Il passe notamment par l’appui de notre pays aux polices des frontières des États où arrivent en Europe des routes migratoires. Une agence européenne dotée d’un corps de gardes-frontières et de garde-côtes a été créée. Le dernier Conseil européen a préconisé le renforcement de ses actions. J’appelle fortement votre attention pour que cette priorité se traduise par une augmentation réelle des moyens apportés au pot commun de ces nouvelles institutions, alors que quelques dizaines d’agents seulement ont été mis à disposition jusqu’à maintenant. Nous devons bien comprendre que c’est aux frontières de l’Europe que se joue une partie de notre sécurité.

Ma dernière observation concerne le programme « Sécurité civile ». Si l’on s’en tient aux seuls crédits de paiement, l’augmentation totale de 5 % des crédits inscrits s’explique, pour une large part, par une hausse des crédits d’investissement, qui font un bond de près de 30 millions d’euros. Les crédits affectés à la prévention et à la gestion des risques diminuent, eux, de 2 %. De leur côté, les crédits dédiés à la préparation et aux interventions spécialisées des moyens nationaux sont équivalents par rapport à ceux inscrits en 2017.

Dans les deux cas, la situation apparaît contrastée, alors même que de nombreuses installations à risque sont recensées dans notre pays. Les changements climatiques en cours, les actes de malveillance ou de terrorisme, les négligences dans l’entretien et la gestion d’installations dangereuses peuvent être à l’origine d’une grave crise. Je pense, entre autres, aux soixante installations nucléaires françaises, dont certaines apparaissent plus vulnérables que d’autres et à proximité desquelles vivent des populations en nombre. Notre effort ne doit pas stagner, mais au contraire être au niveau des enjeux de notre monde industriel où les catastrophes de large échelle, mêmes improbables, sont possibles.

Trois idées résumeront ici mon propos. Il convient, d’abord, de mener une politique pérenne en faveur de la sécurité en étant vigilant, non seulement sur les inscriptions budgétaires, mais sur leur bonne exécution, au bon niveau décidé. Parallèlement, l’État doit renforcer sa coopération européenne dans le domaine de la sécurité aux frontières communes. Enfin, le développement de la sécurité civile doit être poursuivi, en termes non seulement d’investissements, mais aussi de moyens adaptés aux grandes crises et catastrophes que les évolutions de notre monde incertain génèrent.

Au final, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission, considérant que si le niveau des crédits s’inscrit dans la continuité, une vigilance particulière doit s’exercer sur la réalisation du budget, menacée fortement en 2017. Mais notre position est surtout déterminée par le fait que, face aux enjeux de protection de tous les citoyens, une augmentation supplémentaire des moyens aurait pu être gagée sur une absence de diminution des ressources de l’État au profit des personnes vraiment très riches. En cela, notre vote prend en compte la dimension globale du budget de l’État. Autrement dit, la protection de tous valait probablement un effort supplémentaire de quelques-uns.

 

Source image : capture photographique d'après la vidéo de la séance sur le site de l'Assemblée Nationale