« Réforme des Institutions de la Vème République : un projet en trompe l’Å“il€¦pourquoi j’ai voté contre» par Marietta KARAMANLI

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Le 21 juillet dernier, le Congrès c’est à dire l’Assemblée Nationale et le Sénat, réunis à Versailles, ont adopté le projet de loi constitutionnelle de modernisation des Institutions de la Vème République.
Je n’ai pas voté ce projet estimant qu’il s’agissait d’un projet en trompe l’Å“il ; il ne donne pas de pouvoir supplémentaire aux parlementaires ( comme par exemple en matière d’intervention extérieure des forces armées ou de délégation de leur pouvoir au Gouvernement) et est même susceptible de remettre en cause leurs prérogatives ; il ne traite pas au fond de certaines questions fondamentales comme l’indépendance de la justice ou la défense des droits des citoyens et usagers ; il laisse de côté la réforme de l’élection du Sénat qui en l’état ne respecte pas le principe « un électeur, une voix ».


A titre principal, trois raisons m’ont conduite à refuser de soutenir le dispositif proposé.
Si une majorité de parlementaires s’est ralliée à ce projet, les journaux font état de bon nombre de « marchandages » entre le pouvoir exécutif et les parlementaires qui ont apporté leur soutien final au projet après en avoir refusé la logique ou certaines dispositions€¦ce qui est une sorte d’hommage du vice à la vertu quand on veut affirmer la souveraineté du Parlement !
Pour ma part, ma décision était prise depuis plusieurs semaines€¦motivée par trois raisons principales€¦

1D’une part, l’affirmation du Président de la République de redonner du pouvoir au Parlement était contredite par plusieurs faits€¦si le texte affirme que les assemblées seront mieux associées à l’exercice du pouvoir, l’essentiel des modifications vise à les faire « discuter » sans qu’elles n’aient un pouvoir de décision soit de proposition (conforme) soit de validation par le vote€¦ c’est par exemple le cas en matière d’engagement des forces armées Françaises en cas de conflit (article 13 de la loi et article 35 de la Constitution) ou encore en matière d’avis sur les propositions de nomination du Président de la République à certains emplois ou fonctions ( article 4 de la loi et 13 de la Constitution).

L’affirmation que le Parlement discute plus et mieux de la loi est contredite par la pratique même des délégations « furtives » faites par l’Assemblée Nationale à la demande du Gouvernement donnant à ce dernier le pouvoir de faire la loi sur un sujet déterminé pour une période donnée€¦j’ai lors de la discussion déposé un amendement tendant à limiter cette pratique (voir document joint).

De plus, la pratique du droit d’amendement aujourd’hui garanti par l’article 44 de la Constitution est renvoyé par la nouvelle loi au règlement interne des assemblées ( article 18 de la loi et article 44 de la Constitution) qui en déterminera les conditions d’exercice€¦rien n’empêchera une majorité de décider que les amendements discutés en commission ne pourront plus l’être en séance ce qui serait contraire à la fois à la liberté et la transparence des débats au sein des Assemblées.

2 D’autre part, sur plusieurs sujets de fond, la loi constitutionnelle n’apporte aucune avancée supplémentaire significative se contentant de modifications « cosmétiques ».

Il en ainsi en matière d’indépendance de la Justice. L’occasion était donnée d’affirmer l’indépendance du parquet ( les magistrats qui décident des poursuites pénales) vis à vis du pouvoir exécutif et de faire en sorte que le pouvoir disciplinaire à leurs égards soit confié à une instance collégiale€¦à la fin de la réforme c’est encore le Ministre de la Justice, juge et partie, qui pourra décider seul€¦

La loi créé un défenseur des droits ( article 31 de la loi et titre XI bis de la Constitution) qui existe déjà sous la forme d’un médiateur et de plusieurs autres institutions de protection des droits des citoyens et usagers ( comme le contrôleur général des lieux de privation de liberté dont le principe a été voté quelques mois plus tôt). Certes constitutionnaliser un tel recours n’est pas mauvais en soi€¦mais là encore ce qui importe pour les citoyens et les usagers ce sont les conditions concrètes de saisine (la facilité d’accès !) et les moyens humains et matériels dont ces institutions disposent pour donner suite à leurs demandes. [[Je remarque qu’il aurait été possible pour la loi d’affirmer la place et le rôle d’un tel défenseur dans le contrôle des fichiers et du suivi électronique des personnes ce que la majorité s’est bien gardé de faire ; l’actualité récente avec la mise en place d’un fichier EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale) visant les personnes physique ayant exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif nous rappelle que la tenue de tels fichiers sur les personnes peut attenter aux libertés.]]

3 Enfin la modernisation des Institutions nécessitait non seulement une loi constitutionnelle mais aussi une transformation du mode de désignation des 348 sénateurs qui sont élus au suffrage universel indirect selon un système « archaïque » où chaque voix des élus qui votent pour désigner les sénateurs ne représente pas le même nombre de citoyens€¦la démocratie reste fondamentalement un système où chaque électeur en « vaut » un autre !

Lors de la discussion de la proposition de loi déposée par les socialistes sur l’élection du Sénat, j’avais défendu le 20 mai€¦ 2008, sans succès face à la majorité UMP, la parité au Sénat€¦deux mois après les mêmes ont voté une modification de l’article 1 de la Constitution dont je vous redonne le texte « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. ».( mon intervention en séance copier, coller et cliquer sur le lien http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080159.asp – INTER_10)

A lui seul, cet exemple illustre bien le caractère en trompe l’Å“il de la loi votée en grande pompe le 21 juillet dernier€¦si on est attaché à un principe pourquoi ne pas chercher à le mettre en Å“uvre dès qu’on en a l’opportunité.
Une majorité a affirmé des principes, la députée socialiste que je suis aurait préféré que la loi et la pratique y donnent corps réellement.

Marietta KARAMANLI

Pour être la plus claire lisible sur le sujet, je livre à votre lecture :

  mon intervention en séance publique en première lecture ( copier, coller et cliquer sur le lien : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2007-2008/20080162.asp – INTER_41),

  le point de vue publié avec 13 autres nouveaux députés, élus en 2007, paru dans Libération le 21 juillet dernier copier, coller et cliquer sur le lien (http://www.liberation.fr/rebonds/340006.FR.php),

  les amendements que j’ai proposés en deuxième lecture du projet de loi ; amendements repris et défendus par le Groupe des Députés Socialistes, Radicaux et Citoyens dont je suis membre ; ils illustrent, à leur façon, le caractère constructif et positif de la démarche des députés de l’opposition (document à télécharger).