Marietta KARAMANLI « Donner plus de légitimité et mieux garantir l’indépendance aux directeurs des grandes agences sanitaires »

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A l’occasion de l’examen par la commission des lois, du projet de loi organique (loi qui met en Å“uvre les dispositions de la Constitution) visant à appliquer l’article 13 de la Constitution, modifié en 2008, je suis intervenue pour souligner l’opportunité qu’il y aurait eu à prévoir que la nomination de plusieurs dirigeants des grandes agences sanitaires entre dans le cadre prévu par l’article 13 modifié.
Celui-ci dispose en effet que le pouvoir de nomination du Président de la République fera l’objet, pour certains emplois ou fonctions, d’un avis public des commissions permanentes compétentes des deux assemblées du Parlement. Ainsi, le Président ne pourra procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs des commissions représentera au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés. Si cette modification est plutôt de l’ordre de l’apparence dans la mesure où le Parlement, ne disposera pas véritablement de la capacité de s’opposer aux propositions présidentielles, elle aurait pu néanmoins concerner davantage de nominations, rendant de la sorte une possible révocation plus difficile.
Une nouvelle fois, la réforme des institutions opérée en 2008 s’avère une occasion gâchée de limiter l’exercice du pouvoir « personnel » fût il celui du Président de la République.


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Extrait de l’audition
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République Mercredi 15 septembre 2009 Séance de 14 heures 15 Compte rendu n° 78

Mme Marietta Karamanli.

Il est prévu que la commission compétente en matière de santé sera appelée à émettre un avis sur la nomination du président du collège de la Haute autorité de santé. On peut s’étonner que cette disposition ne soit étendue à aucun directeur général d’une autre grande agence, en particulier celui de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), qui exerce des pouvoirs importants au nom de l’État.

En 2004, Martin Hirsch, alors directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, déclarait que le responsable d’une agence de sécurité sanitaire devait « veiller à l’indépendance et à l’autonomie de son organisme », qu’il était « souvent soumis à des pressions économiques, politiques et sociales ».
Pour sa part, Didier Tabuteau a considéré que le mandat de trois ans confié par le Président de la République au directeur de l’AFSSAPS devait « protéger le directeur et son autonomie » et ne pouvait « être remis en cause sauf dans des circonstances exceptionnelles ».
À propos du limogeage du directeur de l’AFSSAPS, Bernard Kouchner déclarait quant à lui que l’on avait « réussi à établir une autonomie des agences pour que l’on puisse parler et critiquer au nom de la santé publique » et faisait part au ministre de la santé et à Matignon de « sa surprise et sa réprobation ».
Dans ces conditions, la nomination de directeurs généraux des grandes agences sanitaires ne pourrait-elle pas faire l’objet d’une procédure d’avis des commissions compétentes des assemblées, ce qui contribuerait à renforcer leur légitimité mais aussi celle du Parlement, garant des intérêts des citoyens dans ces domaines particulièrement importants ?

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement, ministre.

Je peux comprendre les critiques de M. Urvoas quant au texte de la Constitution révisée, mais il ne s’agit pas ici de revenir sur ce vote mais d’appliquer ce qui a été voté.
J’ai bien entendu ce que vous avez dit de l’étude d’impact. Ce n’est pas moi qui l’ai réalisée mais je ne manquerai pas de transmettre votre demande à mes collègues. Alors que nous nous efforçons de modifier les méthodes de travail, il me paraît en effet essentiel de donner au Parlement davantage de moyens d’investigation, de contrôle, d’évaluation et d’initiative. Dans cette perspective des efforts doivent être faits, du côté du Gouvernement, mais aussi du Parlement.
Les dispositions que nous examinons marquent un véritable progrès, ne serait-ce que parce que rien n’était prévu auparavant€¦ Je pense, comme Jean-Christophe Lagarde, que le simple fait de procéder à une audition publique est déterminant pour vérifier les compétences et les qualités d’un candidat.
Si la commission pour la transparence financière de la vie politique ne figure pas dans la liste, c’est tout simplement parce que cela nous aurait semblé indélicat dans la mesure où elle est composée de magistrats dont nous n’avons aucune raison de douter qu’ils répondent aux critères essentiels de compétence et d’indépendance€¦
Nous nous efforçons en effet d’accélérer la mise en Å“uvre de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Après le texte qui a été adopté hier et celui que nous examinons aujourd’hui, vous serez prochainement saisis de celui relatif au Conseil supérieur de la magistrature. S’agissant de celui qui permettra la mise en Å“uvre du référendum à l’initiative d’un cinquième des parlementaires et d’un dixième des électeurs inscrits, les arbitrages interministériels ne sont pas encore achevés, mais nous ne perdons pas de vue cet objectif.

C’est au regard du grand nombre des agences intervenant dans le domaine de la santé et du rôle essentiellement technique de la plupart d’entre elles que le gouvernement a choisi de ne pas soumettre la nomination de leurs responsables à la présente procédure. Toutefois, la Haute autorité de santé, le Haut conseil des biotechnologies, l’INRA, l’INSERM et quelques autres figurent dans la liste, ce qui répond au moins en partie à votre attente, madame Karamanli.