Le 29 novembre dernier, j’ai présenté avec Monsieur Hervé GAYMARD, député et co-rapporteur, devant la commission des affaires européennes un rapport sur ce qu’on appelle le » Cycle de DOHA ».
Il s’agissait d’une Conférence ayant eu lieu à Doha en novembre 2001 qui fixait un agenda ambitieux de vingt et un sujets composant le « programme de Doha pour le développement » (PDD), dépassant les enjeux classiques et limités des négociations dans le cadre du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade en français : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) dont l’objet était essentiellement de réduire les droits de douane
Six questions ont retenu notre attention : les objectifs du cycle de DOHA, ce qu’il a permis, les raisons du blocage, la place de l’OMC ( organisation mondiale du commerce), la situation actuelle, et les proposition en vue de relancer les négociations internationales.
Le rapport fait plusieurs propositions pour aider à sortir de l’impasse les négociations. RAPPORT D’INFORMATION DÉPOSÉ PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1) sur les négociations du cycle de Doha et l’avenir de l’Organisation mondiale du commerce,
ET PRÉSENTÉ PAR M. Hervé GAYMARD et Mme Marietta KARAMANLI,
Députés à télécharger ci-après).
Notre résolution adoptée à la suite par la commission :
rappelle l’avantage que représente l’OMC en tant qu’institution centrale chargée de relever les défis de la gouvernance économique mondiale, en liaison avec les autres institutions internationales et considère comme un avantage l’organisation sous son égide de négociations multilatérales ne laissant pas en tête à tête des Etats ayant des pouvoirs très différents ce qui dans le cadre d’une négociation bilatérale serait de nature à causer des dommages aux plus faibles,
pointe l’enjeu qui n’est plus la libéralisation des échanges sur lesquels ont achoppé mais la régulation ; si l’OMC crée du droit cela en fait un levier pour avancer dans le sens d’un développement d’échanges plus équitables et plus durables,
juge indispensable une mise en Å“uvre rapide de mesures en faveur des pays les moins avancés sur plusieurs points : un accès au marché en exemption de droits et quotas pour au moins 97 % des lignes tarifaires,
appelle à la prise en compte des questions de sécurité alimentaire et de lutte contre la volatilité de prix agricoles,
considère comme impérative la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux,
soutient les réformes de gouvernance de l’OMC et la mise en Å“uvre d’une véritable coordination avec les autres grandes institutions internationales,
suggère que l’OMC réfléchisse à un mécanisme de compensation multilatérale entre les Etats excédentaires et les Etats déficitaires liant plus directement commerce, dette et finances, et ce, dans le cadre de la gouvernance économique mondiale.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES, Mardi 29 novembre 2011,
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission,
La séance est ouverte à 16 h 45,
I. Examen du rapport d’information de M. Hervé Gaymard et de Mme Marietta Karamanli sur l’évaluation du cycle de Doha
Mon intervention
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Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.
Le cycle de Doha est effectivement à un point de rupture. Des avancées dans la négociation ont pourtant été faites : sur les questions agricoles, sur les Pays les moins avancés ou sur les importations de médicaments génériques. Les raisons du blocage des négociations sont nombreuses. Ainsi le traitement spécial et différencié pour les pays en développement n’est plus opérationnel car il est trop global et trop centré sur les exportations. Par ailleurs, les Etats sont très réticents à l’égard de la régulation multilatérale.
Nos propositions rappellent d’abord l’avantage que représente l’OMC en tant qu’institution centrale chargée de relever les défis de la gouvernance commerciale mondiale. Cette institution ne laisse pas en tête-à-tête des Etats qui ont des pouvoirs de négociation asymétriques. Nous rappelons aussi que l’enjeu n’est pas la libéralisation des échanges mais leur régulation. L’OMC peut être un levier pour avancer vers des échanges plus équitables et plus durables. La mise en Å“uvre de mesures en faveur des pays les moins avancés (PMA), comme l’accès au marché en exemption de droits et quotas pour au moins 97 % des lignes tarifaires, est une priorité. La prise en compte des enjeux de sécurité alimentaire, de volatilité des prix agricoles, des considérations environnementales et sociales constitueront une nouvelle étape dans la réforme de la gouvernance qui se fera en coordination avec les autres institutions internationales.
Je terminerai sur la proposition d’engager une réflexion sur la mise en place d’un mécanisme de compensation multilatérale entre Etats excédentaires et Etats déficitaires, au travers duquel certains Etats pourraient être incités à rétablir leur balance des paiements et d’autres pourraient, dans certaines limites, obtenir des facilités de paiement. Cette proposition est sans doute pleine d’espérance mais l’avenir impose de faire preuve d’imagination et d’Å“uvrer pour plus de coordination entre Etats.
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Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.
Il y a clairement un enjeu dans les négociations actuelles car elles doivent permettre de faire face au risque de protectionnisme. Tout échec pourrait l’attiser. Le G20 s’est d’ailleurs penché sur la question puisque, comme le mentionne les conclusions de son dernier sommet, les Etats se sont engagés à retirer toute nouvelle mesure protectionniste. L’OMC a donc un rôle important à jouer dans la mise en Å“uvre des conclusions et il faut croire tant à l’avenir du rôle de cette Organisation qu’à celui du G20 en la matière.
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Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.
Nous pouvons en effet clarifier l’articulation des paragraphes 11 et 12 de la proposition de résolution, dont M. Gaubert souligne qu’elle peut prêter à ambiguïté en encourageant les accords partiels, secteur par secteur, ce qui reviendrait à acter un accord agricole alors que d’autres contreparties pour l’Union européenne seraient oubliées. Dans notre esprit, tel ne pourrait évidemment pas être le cas.
La résolution adoptée par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale
Puis la Commission a approuvé la proposition de résolution suivante :
« L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’accord de Marrakech du 15 avril 1994 instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC),
Vu la déclaration de la Conférence ministérielle de l’OMC adoptée à Doha le 14 novembre 2001,
Vu les objectifs du Millénaire pour le développement des Nations unies adoptés en septembre 2000 dans le cadre de l’Organisation des Nations unies,
Considérant que le Programme de Doha pour le développement s’est donné pour objectif, d’ouvrir de nouvelles perspectives commerciales, de renforcer les règles multilatérales et de remédier aux asymétries des échanges internationaux afin d’y intégrer les pays en développement, notamment les pays les moins avancés (PMA),
Considérant que, depuis la Conférence ministérielle de juillet 2008, aucune avancée dans les négociations n’a été possible et qu’aucun accord sur les questions en suspens ne sera vraisemblablement conclu lors de la huitième conférence ministérielle qui se tiendra du 15 au 17 décembre 2011,
Considérant que les Etats membres du G20 ont, dans leur communiqué final du 4 novembre 2011, renoncé à appeler une nouvelle fois à la conclusion réussie du cycle de Doha,
Considérant que l’enlisement des négociations et le recours accru aux accords commerciaux bilatéraux et régionaux porte atteinte à la crédibilité de l’OMC et au système multilatéral, favorise l’unilatéralisme et crée des rapports de force défavorables aux pays en développement,
Considérant, d’une part, l’interférence accrue entre les enjeux commerciaux et les défis environnementaux, sociaux, monétaires, d’accès aux matières premières, de souveraineté et de sécurité alimentaire et, d’autre part, la spécificité institutionnelle de l’OMC consistant en un système de règles et de procédures encadrées par un mécanisme de règlement des différends,
1. Est convaincue de l’avantage que représente l’OMC en tant qu’institution centrale chargée de relever les défis de la gouvernance commerciale mondiale, en liaison avec les autres institutions internationales et considère fondamentale l’organisation, sous son égide, de négociations multilatérales ne laissant pas en tête à tête des pays ayant des pouvoirs de négociation asymétriques, ce qui dans une négociation bilatérale est de nature à causer des dommages aux pays les plus faibles ;
2. Souligne que, plus que la libéralisation des échanges sur lesquels ont buté et échoué les négociations, l’enjeu pour le système commercial multilatéral est désormais leur régulation ; la création de règles de droit par l’OMC constitue un levier pour avancer dans le sens d’un développement d’échanges plus équitables et plus durables ;
3. Rappelle son attachement au « consensus de Genève » qui place le développement au cÅ“ur des préoccupations du cycle de Doha ainsi que la nécessité de mettre en place un traitement spécial et différencié pertinent, de renforcer les programmes d’aide au commerce et d’engager une réflexion sur une différenciation entre pays en développement ;
4. Considère indispensable une mise en Å“uvre immédiate de mesures en faveur des pays les moins avancés sur les points suivants : un accès au marché en exemption de droits et quotas pour au moins 97 % des lignes tarifaires, conformément à ce qui avait été décidé lors de la conférence de Hong Kong en 2005 ainsi que la poursuite de l’effort des pays développés pour suivre le modèle européen de l’initiative « Tout sauf les armes », la suppression des subventions au coton, un traitement spécial et différencié et l’amélioration du système de règles d’origine dans le sens d’une plus grande transparence et d’une simplicité accrue ;
5. Estime que des progrès rapides pourraient être réalisés dans l’agenda de Doha, d’une part, sur les négociations relatives à la facilitation des échanges qui ont un impact positif sur la baisse des coûts de transaction et la prévention des abus et d’autre part, sur des sujets d’accès aux marchés non agricoles (NAMA) dans certains secteurs, comme les biens et services environnementaux ;
6. Juge qu’aucune avancée ne peut être envisagée si les Etats membres de l’OMC n’engagent une réflexion sur l’évolution de leurs situations économiques respectives depuis le lancement du cycle de Doha et demande aux pays émergents d’assumer une partie du coût de la négociation, en fonction de leur poids effectif dans l’économie mondiale ;
7. Soutient que les préoccupations relatives à la protection de l’environnement et du climat, ainsi que celles relatives aux normes sociales minimales inscrites dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux du travail de l’Organisation internationale du travail de 1998, doivent être articulées avec les règles du commerce international, dans la mesure où le préambule de l’OMC fait expressément mention d’un objectif de développement durable ;
8. Tout en se félicitant de la création du système d’information sur les marchés agricoles dans le cadre du G20 agricole, regrette que les questions de sécurité alimentaire et de lutte contre la volatilité de prix agricoles fassent défaut dans l’agenda de Doha, demande que les règles limitent le droit des pays exportateurs de restreindre leurs exportations, sauf pour ce qui est nécessaire pour permettre un approvisionnement suffisant et juge nécessaire que l’OMC participe à l’élaboration d’un code de bonne conduite pour les cessions d’actifs agricoles ;
9. Estime que les restrictions à l’exportation de ressources naturelles stratégiques dont la disponibilité est limitée et pour lesquelles il n’existe aucune source d’approvisionnement alternative doivent être soumises aux règles du commerce international ;
10. Souligne les risques de protectionnisme déguisé que constituent des politiques de change ne correspondant pas aux fondamentaux des économies et invite l’OMC et le Fonds monétaire international à coopérer pour mettre en place un instrument opérationnel sur les changes ;
11. Rappelle que l’Union européenne a, en matière agricole, établi ses lignes rouges sur la base du « paquet » de juillet 2008 mais estime prématuré de conclure un accord séparé sur les questions agricoles dans la mesure où cela priverait l’Union européenne de marges de manÅ“uvre dans des domaines offensifs comme les services et des indications géographiques ;
12. Estime indispensable d’engager des réformes sur le fonctionnement et la gouvernance de l’OMC, en préférant aux négociations par cycle, un processus régulier d’élaboration et d’actualisation de la règle de droit respectueux de l’équilibre des concessions réciproques, en mettant en place un comité exécutif, en examinant les possibilités d’alternative à l’engagement unique ( accords plurilatéraux et accords de masse critique), en assurant plus de cohérence entre engagements multilatéraux et accords commerciaux régionaux et en perfectionnant le mécanisme de règlement des différends pour plus de transparence et une meilleure prise en compte des spécificités des pays en développement ;
13. Demande aux Etats membres de l’OMC de favoriser la mise en place de liens institutionnels avec les autres institutions internationales : l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) ainsi que le Fonds monétaire international (FMI) ;
14. Invite le G20 à demander au Fonds monétaire international (FMI), en liaison avec l’OMC et la Banque mondiale, d’engager une réflexion sur la mise en place d’un mécanisme de compensation multilatérale entre Etats excédentaires et Etats déficitaires, en liant les problématiques du commerce, de la dette et des finances. »