Marietta KARAMANLI « Europe : un nouveau traité et quatre défis »

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Le 19 septembre dernier, je suis intervenue lors des journées parlementaires réunissant les députés, sénateurs et députés européens socialistes français lors de la table ronde organisée sur le thème « un nouveau cap pour l’Europe ».
J’ai indiqué à cette occasion qu’il y avait quatre défis à porter et gagner.

 Le premier défi a été et est de mettre en place des instruments qui garantissent une gestion, disons, partagée des dettes et protège de la spéculation et parallèlement de donner des garanties pour que les Etats et les institutions financières gèrent prudemment l’argent prêté.

 Le second défi c’est de retrouver de la croissance et de la redistribution.

 Le troisième défi est celui des initiatives à poursuivre ou entreprendre.
J’ai plaidé pour une Europe qui protège davantage :

  l’environnement et l’avenir (chez les jeunes),

  les consommateurs (dans la population en général),

  les entreprises et l’emploi (chez les salariés).

 Enfin la quatrième défi est celui de l’affirmation des droits du Parlement Français face aux instances européennes.
Concernant le nouveau traité, j’ai rappelé quelques évidences.
Ce traité prévoit notamment que le déficit structurel annuel des
administrations publiques ne doit pas dépasser 0,5 % du produit intérieur brut, cette limite étant un objectif à moyen terme. (1)
La convergence. dans certains cas, prévoit que ce solde peut atteindre 1 % du PIB.
Il faut relativiser la « nouveauté » de ce dispositif.
La fameuse « règle d’or » est déjà dans les traités, depuis Maastricht comme le plafonnement du déficit public à 3 % et l’obligation de maintenir une dette publique inférieure à 60 % du PIB.
Souvenons-nous que ces règles n’ont pas été respectées par les Etats qui les avaient instituées.
Les politiques d’austérité extrême mises en Å“uvre dans plusieurs l’ont été sans nouveau traité.
L’enjeu n’est donc pas dans le traité à venir lui-même mais dans le rapport de force entre Etats pour mettre en Å“uvre des politiques publiques et économiques favorables à la croissance et à une Europe plus sociale.
L’arrivée d’un nouveau Président de la République en France s’est accompagnée de la décision du Conseil Européen d’un engagement de fonds à hauteur de 120 milliards d’euros pour soutenir la croissance et de la mise en place d’une taxation des échanges boursiers.
Ces deux dispositifs, bien qu’encore insuffisants, vont dans le bon sens. Il faut donc poursuivre. La dénonciation ne sert pas quand elle ne débouche sur aucune amélioration significative.

(1) La notion de déficit structurel peut être interprétée comme étant le déficit qu’il y aurait si l’augmentation du PIB était optimale c’est à hors facteurs conjoncturels de ralentissement.


discours de Marietta Karamanli lors des journées… par PartiSocialiste


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Le texte ayant servi de support à mon intervention le 19 septembre dernier aux journées parlementaires des députés, sénateurs et députés européens socialistes français

Mesdames et Messieurs les Ministres, Cher-e-s Collègues, Cher-e-s Ami-e-s,

C’est à la fois un honneur et un défi que d’avoir la responsabilité de conclure un débat riche.
Un honneur car il nous appartient de retranscrire aussi fidèlement que possible l’esprit d’un échange.
Un défi car il nous faut lui donner un sens partagé et renouvelé.
Heureusement pour nous le thème de notre plènière est sans ambiguïté, il s’agit d’ « Un nouveau cap pour l’Europe ».
Le cap c’est la direction de l’avant du navire vers un point et, de façon commune, une nouvelle direction.
L’histoire de ces quatre dernières années nous montre que les gouvernements ont appris mais avec retard et difficultés.
L’histoire de ces derniers mois nous montre qu’il faut concilier volonté et durée.
La volonté ne doit pas s’émousser avec le temps.
La durée doit nous aider à convaincre.

Nos débats nous ont montrés qu’il nous faut faire entrer de l’air frais dans la maison Europe.
Nous le savons la crise de la zone ‚¬ est née d’une crise financière.
Des inégalités ont préparé la crise de l’endettement privé qui est devenue depuis une crise de l’endettement public€¦
La situation de plusieurs pays ne serait probablement pas la même aujourd’hui si les institutions et une majorité de gouvernements européen n’avaient pas tergivers逦

Il y a eu et il y a un quadruple défi.

Le premier défi a été et est mettre en place des instruments qui garantissent une gestion, disons, partagée des dettes et protège de la spéculation et parallèlement de donner des garanties pour que les Etats et les institutions financières gèrent prudemment l’argent prêté.

Plusieurs Etats, dont l’Allemagne, ont accepté en contrepartie d’une surveillance budgétaire au sein de la zone euro et la réalisation de la transposition de la fameuses « règle d’or ». Cela renvoie au fameux traité relatif à la stabilité, la croissance et la convergence (TSCG) dont nous débattons.

Le second défi c’est de retrouver de la croissance et de la redistribution.

Le troisième défi est dans un système international où nous ne décidons pas seuls de prendre des initiatives et de faire bouger les lignes.

Le quatrième défi est celui de la souveraineté partagée.

I Le premier défi

Je rappellerai qu’il a fallu près d’un an et demi pour que l’on considère qu’il faille instituer le MES à la suite du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF), instrument d’urgence conçu pour une durée temporaire !
S’est posée la question du rôle de la Banque Centrale Européenne.
Il y a un peu moins d’un an nous avions eu à discuter, je dirais déjà, au sein de notre groupe du projet de traité.
Pour eux, l’élément central était, comme pour moi, la BCE.
A été notée sa résistance à créer de l’argent afin de stabiliser les rendements obligataires des Etats membres endettés, contrairement à ce qu’a fait la Réserve Fédérale américaine (ou FED).
Progressivement la BCE a changé de politique sans, il est vrai, en expliciter clairement les modalités.
Elle a changé face aux faits qui sont, comme le disait Lénine, têtus !
Ces derniers jours elle a décidé d’un nouveau programme dit d’ « opérations monétaires en prise ferme » (Outright Monetary Transactions ou OMT).
Elle a pris soin de ne fixer aucun plafond à ses interventions, dans le but de dissuader les marchés d’en tester les limites.
Elle a pu emporter l’adhésion à son projet en insistant sur le fait qu’elle n’aiderait que les pays s’étant engagés à mener des réformes.
N’omettons pas d’indiquer que cette inflexion peut-être modeste a fait l’objet d’un nouveau recours en Allemagne.
S’agissant de ce premier défi je pense que l’élection d’un nouveau Président en France et donc le vote des Français à répétition en faveur d’autres initiatives a déverrouillé la situation
Cette évolution n’était pas dans les traités actuels ni d’ailleurs dans le traité à venir, elle a été dans le rapport de forces.

II Le second défi que nous avons est de « retrouver de la croissance et de permettre une redistribution efficace »

En, l’état les dispositions relatives au Système européen de banques centrales (SEBC) et de la Banque centrale européenne (BCE) fixent comme étant leurs missions

 la stabilité des prix
Et

 le soutien aux politiques économiques générales dans l’Union
L’article 2 du traité de l’Union précise toujours que ces politiques ont pour objectif « niveau d’emploi élevé et une croissance durable ».
Pourquoi citer ces dispositions ? Et bien pour affirmer que l’enjeu est dans les politiques publiques menées plus que dans les dispositions du traité.
L’enjeu est dans les priorités à mettre en Å“uvre et dans l’interprétation faite des dispositions actuelles ou futures.
Notons que les politiques d’austérité extrême mises en Å“uvre dans plusieurs l’ont été sans nouveau traité.
Rappelons que la fameuse « règle d’or » est déjà dans les traités, depuis Maastricht comme le plafonnement du déficit public à 3 % et l’obligation de maintenir une dette publique inférieure à 60 % du PIB.
Souvenons-nous que ces règles n’ont pas été respectées par les Etats qui les avaient instituées.
L’enjeu n’est pas dans le traité à venir lui-même mais dans le rapport de force entre Etats pour mettre en Å“uvre des politiques publiques et économiques favorables à la croissance et à une Europe plus sociale.
Ne nous trompons pas de combat :

  la lutte n’est pas entre les partisans et les opposants au traité, sinon comment expliquer que la plupart des partis de gauche de gouvernement en Europe n’en fassent pas le combat de l’Europe à venir,

  la lutte est entre d’une part entre ceux qui disent nous sommes pro-européens et progressistes nous résistons à la surenchère visant le démantèlement de l’Etat providence, et ceux qui font croire que l’Europe ne peut être que récessive et inégalitaire, qu’ils en soient convaincus ou utilisent cet argument pour éviter de dire comment ils feraient seuls.

III Le défi des initiatives à poursuivre ou entreprendre

Evidemment la première initiative a été celle de François HOLLANDE de réintégrer la préoccupation de la croissance dans l’agenda européen.
Le deuxième volet des initiatives me paraît devoir concerner la finance. Il nous être actifs sur la surveillance des banques, la protection des fraudes et bulles spéculatives, le renforcement de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (estimée à 1000 milliards d’‚¬ sur l’Europe) qui est et doit rester une préoccupation de la France.
Le troisième volet est celui des initiatives pour redonner une perspective à l’Union.
Nos concitoyens ont une difficulté à connaître et comprendre les institutions de l’Europe.
Je crois que l’Europe doit marcher sur ses deux pieds

 d’un côté les Etats et leurs institutions nationales qui ne doivent pas seulement avoir à entériner des décisions dont la logique et l’équilibre peut leur être défavorable
et

 d’un autre des institutions dont le fonctionnement reste complexe et somme toute lointain.
Il faut faire preuve d’innovation et amener les deux niveaux à mieux travailler ensemble.
Enfin la demande est forte d’une Europe qui protège davantage :

  l’environnement et l’avenir (chez les jeunes),

  les consommateurs (dans la population en général),

  les entreprises et l’emploi (chez les salariés).
Nos politiques publiques doivent être dans ces domaines massives.
Nous devons y répondre.

IV Le quatrième défi est celui de la souveraineté partagée.

Nous devons affirmer les droits du Parlement Français face aux instances européennes.
Il faut aussi que la Commission publie les méthodes, hypothèses et paramètres qui sous-tendent ses prévisions macroéconomiques et budgétaires et les transmette aux parlements nationaux ; la publication est prévue par une directive du Conseil sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres mais pas encore respectée
Il faut affirmer que le Parlement sera en mesure de donner un avis sur les évaluations des répercussions sociales des recommandations faites.
Il faut permettre l’audition des membres de la commission par le parlement Français notamment sur les actions annuelles de surveillance annoncées dans les différentes initiatives.
Il est important aussi que les instances de l’Union respectent le principe de subsidiarité.

Marietta Karamanli
Vice-Présidente de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale