Le 19 février 2013, j’ai voté comme 314 de mes collègues député(e)s le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Ce texte est selon la plupart des analystes et experts » tout sauf anodin pour les banques ».
Plusieurs associations s’étaient mobilisées en vue que la séparation des activités de dépôt et d’investissement soit effectivement réalisée.
De mon côté, j’avais pris position depuis plus trois ans en faveur d’une meilleure régulation des activités bancaires et un cloisonnement pertinent de leurs différentes activités.
Le projet de loi adopté en première lecture présente de réelles avancées, améliorées par la discussion parlementaire que le ministre de l’économie avait souhaité ouverte permettant ainsi des améliorations.
L’article 1er du texte pose notamment le principe qu’il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les activités de négociation sur instruments financiers faisant intervenir leur compte propre, sauf exceptions prévues.
Dans une lettre aux associations et collectifs m’ayant écrite, je fais le points sur les différents progrès qu’apporte le texte adopté à savoir : première loi adoptée en Europe ( la loi anglaise peut-être plus « régulatrice » a vu son application reportée à dans cinq ans), tenant compte des activités des banques françaises, meilleur contrôle des crédits aux « Hedge Funds », encadrement du « trading haute fréquence » , renforcement des pouvoirs du régulateur qui devient aussi autorité de résolution
Il est à noter que la discussion parlementaire a permis l’adoption d’un amendement à l’initiative de la rapporteure du projet de loi donnant au ministre de l’économie le pouvoir, s’il le juge nécessaire, d’élargir le périmètre de la filialisation à l’activité dite de « tenue de marché »(voir le texte de l’article).
Autre avancée : un amendement des députés socialistes et écologistes a été adopté obligeant les établissements de crédit à publier des informations sur leurs activités pays par pays, ce qui place là encore la France en situation pionnière dans la lutte mondiale contre les paradis fiscaux.
Au final un texte qui trouve un point d’équilibre et constitue une avancée significative.
L’objectif est clair et la démarche est progressive.
Marietta KARAMANLI
Les principales observations de ma lettre sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Madame, Monsieur,
Vous avez bien voulu appeler mon attention…sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Vous indiquez notamment que vous souhaitez notamment « confier vos dépôts à des banques de dépôt séparées des banques d’affaires » et demandez « un contrôle efficace de l’activité des grandes banques ».
Vous continuez en précisant qu’une « mobilisation de la société civile et de spécialistes de l’économie (Finance Watch en particulier), se manifeste avec la proposition d’amendements – améliorant fortement la séparation entre activités de dépôt et activités d’affaires et exigeant la publication, pays par pays, des activités des filiales des banques (lutte contre les Paradis Fiscaux) »
Sur ma position concernant la nécessité de progresser sur le cloisonnement des activités bancaires je ne peux que vous renvoyer à mes interventions faites dès 2010 à l’occasion de la commission d’enquête sur « les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies », à laquelle j’appartenais.
J’avais le 15 septembre 2010 suggéré lors des auditions que la crise devrait nous inciter à « travailler sur le cloisonnement des activités des banques de dépôt et des banques d’investissement » Sur le fond, je me félicite donc d’être parmi les premiers parlementaires à avoir soulevé cette question et en avoir fait une possible orientation économique.
Sur les grandes orientations
Le projet de loi qui a été discuté par l’Assemblée Nationale constitue une évolution notable pour apporter une réponse structurelle aux dysfonctionnements du secteur financier. Il s’agit d’une des premières lois en Europe sur ce thème.
Nombreux sont ceux qui se sont opposés à ce début de nouvelle régulation arguant qu’elle allait mettre l’économie française en difficulté et menacer le financement de nos entreprises.
A bien des égards le projet adopté constitue un point d’équilibre.
Un point d’équilibre
Comme l’a rappelé mon collègue Pierre-Alain MUET, elle va aussi loin qu’il est possible pour engager tous les pays européens sur la même route sans prendre le risque de mettre notre système bancaire en difficulté. La crise bancaire de 2008 a signé l’échec de la régulation prudentielle. En effet, pendant des années, on a cru que pour accompagner le développement des marchés financiers, il suffisait de continuer à réguler le bilan des banques, ce faisant, on a totalement oublié que toutes les opérations de marché se développaient hors bilan. Or ces opérations ont conduit à une multiplication incontrôlée de produits dérivés, « une montagne de dettes qui s’est écroulée lorsque les anticipations des marchés se sont retournées ».
Des orientations adaptées à la nature principale de chaque système bancaire
Ce constat a été à l’origine des réflexions de M. Volcker et de M. Vickers, qui ont inspiré respectivement la réforme américaine et celle menée au Royaume-Uni et de M. Liikanen, dont le groupe de travail a fait des propositions de réforme pour l’Union européenne.
La réforme américaine consiste à interdire la spéculation pour compte propre.
La réforme Britannique s’est parfaitement adaptée à l’économie anglaise : une économie de marchés financiers à l’intérieur de laquelle la banque de dépôt est préservée. L’effectivité de la réforme est néanmoins reportée à dans cinq ans.
M. Liikanen, pour sa part, a proposé un système adapté à l’économie de l’Europe continentale caractérisée par des banques universelles qui, si elles se livrent à des activités de marché, sont fondamentalement des banques de dépôt. Les travaux ont conduit a proposé de cantonner l’activité de spéculation en conservant ses propriétés à la banque de dépôt.
Le projet de loi français
La force du projet français est d’avancer en instaurant un cadre et en faisant en sorte qu’il soit rempli progressivement.
Le ministre de l’économie et des finances avait, par ailleurs, invité les députés à améliorer le texte en faisant usage de leur droit d’amendement.
Des améliorations substantielles ont donc été apportées.
Sur la filialisation des activités pouvant servir (à) la spéculation
Le projet de loi pose le principe à son article 1er qu’il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les activités de négociation sur instruments financiers faisant intervenir leur compte propre, sauf exceptions prévues : fourniture de services d’investissement à la clientèle ; compensation d’instruments financiers ; la couverture des risques de l’établissement de crédit ou du groupe, au sens de l’article L. 511-20, à l’exception de la filiale mentionnée au présent article. Les filiales mentionnées au I ne peuvent réaliser les opérations Les opérations de négoce à haute fréquence taxables au titre de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts ; Les opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.
Un amendement à l’initiative de la rapporteure du projet de loi a été adopté donnant au ministre de l’économie le pouvoir, s’il le juge nécessaire, d’élargir le périmètre de la filialisation à l’activité dite de tenue de marché. Celle-ci consiste à acheter et vendre des stocks d’actions ou autres produits financiers sur un marché pour être en mesure de répondre à tout moment aux demandes des investisseurs. Le ministre pourra ainsi fixer un seuil, exprimé en proportion du produit net bancaire, au-delà duquel la tenue de marché sera séparée des autres activités. Le législateur ne définit pas lui-même ce seuil mais laisse au pouvoir politique, réglementaire, la possibilité de le faire en cas de besoin.
Au lieu de dire que tout est spéculatif et doit être filialisé, ou que rien n’est spéculatif ni ne doit être filialisé, a donc été posée la question de ce qui, en réalité, est spéculatif et de ce qui ne l’est pas.
Sur la limitation des risques
Un autre amendement excluant toute couverture de la filiale par la maison mère a été adopté.
Sur la transparence
Dans le même ordre d’idées, un amendement des députés socialistes et écologistes a été adopté obligeant les établissements de crédit à publier des informations sur leurs activités pays par pays, ce qui place là encore la France en situation pionnière dans la lutte mondiale contre les paradis fiscaux.
Sur les autres avancées
Le projet de loi tel qu’adopté permet, par ailleurs, de mieux contrôler les crédits aux « Hedge Funds », d’encadrer davantage le « trading haute fréquence » et, renforce les pouvoirs du régulateur qui devient aussi autorité de résolution.
Au final comme l’ont exprimé plusieurs experts, la réforme est « tout sauf anodine pour le secteur bancaire français ».
J’ai voté comme 314 autres députés cette réforme qui est à la fois un point d’équilibre et un pas décisif.
Espérant avoir répondu à vos interrogations et restant à votre disposition, je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs, à l’assurance de mes salutations les meilleures.