Marietta KARAMANLI  » Rendre compte des problèmes humains, matériels et sociaux posés par l’immigration aux pays du Sud amène à demander à l’Europe et aux Etats membres une gestion plus solidaire des frontières »

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Le 8 janvier 2014, devant la commission des affaires européennes, j’ai rendu compte avec mon collègue Charles de la Verpillière, député UMP, de notre mission en Grèce, fin juillet 2013, sur la question de l’immigration et du traitement des demandes d’asile des migrants.
Pourquoi la Grèce ? Tout simplement parce que 80 % des étrangers en situation irrégulière interpellés dans tout l’espace Schengen entre 2010 et 2012 avaient pénétré par la Grèce, qui ne représente pourtant que 2 % de la population de l’Union européenne.
Cette mission nous a permis de rencontrer de nombreux responsables politiques, administratifs, policiers, les représentants de l’agence européenne « Frontex » et des responsables d’organisations non gouvernementales.
Nous avons abordé la question de l’amélioration des conditions de d’accueil des migrants, celle du traitement de leurs demandes d’asiles, ou le sujet de la lutte contre les réseaux mafieux qui prospèrent sur la misère et l’espoir humains.
Nous avons noté des progrès significatifs réalisés depuis plusieurs mois : création de centres d’accueil et de rétention pour les primo-arrivants ou mise en place d’une organisation régionale d’examen des demandes d’asile.
Nous avons pris acte des opérations policières d’envergure réalisées contre les réseaux sur les lieux frontaliers « sensibles » (fleuve, mer…).
Nous avons pu identifier des insuffisances.
Certains points sont restés dans l’ombre comme la situation des mineurs isolés.
En tout état de cause, nous sommes convaincus que

 les problématiques d’immigration irrégulière revêtent de nombreux aspects et relèvent de politiques qui doivent être mieux coordonnées,

 une gestion plus solidaire des frontières est nécessaire.


Marietta KARAMANLI et Charles DE LA VERPILLIERE à la frontière Greco-Turque, devant la partie franchissable à pied fermée par une clôture entre les deux pays

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Commission des affaires européennes, mercredi 8 janvier 2014
I. Communication de Mme Marietta Karamanli et M. Charles de la Verpillière sur les enjeux actuels de la politique de l’Union européenne en matière d’asile et d’immigration

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur.

Avec Marietta Karamanli, nous souhaitons vous informer du déroulement de notre mission en Grèce sur la politique de l’Union européenne en matière d’asile et d’immigration.

Pour ma part, je traiterai essentiellement quatre points : un rappel sur les bases juridiques de la politique européenne en matière d’asile, un bilan de ce que nous avons fait dans le cadre de notre mission en 2012, les évolutions récentes, essentiellement au cours de l’année 2013, et, enfin, la situation en Grèce à la date de notre mission.

Sur le droit européen en matière d’asile, suite au Conseil européen de Tampere en 1999, une première phase a été mise en Å“uvre, avec une première vague de textes : une directive relative au statut des réfugiés dite « qualification », une directive relative aux procédures de traitement des demandes d’asile dite « procédure », une directive relative aux conditions d’accueil (logement, éducation, accès aux soins) des demandeurs d’asile dite « accueil », et un règlement dit « Dublin II » qui a pour objet précis de fixer les règles permettant de déterminer quel est l’Etat membre responsable du traitement de la demande d’asile : quel que soit l’endroit où cette demande est déposée, c’est en principe le premier Etat européen dans lequel le demandeur a pénétré en Europe qui doit examiner cette demande d’asile.

A partir d’octobre 2008, sous présidence française, il a été décidé de mettre en place une nouvelle phase d’harmonisation, plus ambitieuse, pour arriver à la création d’un véritable régime d’asile européen commun, avec trois objectifs : assurer un niveau de protection élevé, permettre une réponse harmonisée au niveau communautaire, lutter contre le détournement de procédures et les demandes abusives qui viseraient à utiliser le statut de réfugié à des fins migratoires.

C’est à ce moment-là que la Commission des affaires européennes nous a confié une mission d’information, qui nous a amené à déposer un rapport d’information le 23 novembre 2012. L’Assemblée nationale a ensuite adopté une résolution européenne sur le régime d’asile européen commun, examinée successivement par la Commission des affaires européennes et la Commission des lois. Cette résolution insistait sur une idée d’équilibre entre la nécessité d’accorder des nouvelles garanties aux demandeurs d’asile et celle de ne pas embouteiller complètement ces procédures, afin de préserver leur efficacité. Il convient également de rappeler que tous les pays ne sont pas égaux face à la demande d’asile : la France est par exemple le deuxième pays européen en matière de demandes d’asile, avec une procédure qui est déjà très complète, et d’autres pays, comme le Luxembourg, pourraient renforcer leurs procédures.

Que s’est-il passé en 2013 ? La refonte des textes dans le cadre de cette deuxième phase d’harmonisation a été achevée puisque nous avons maintenant quatre textes nouveaux. La directive « qualification » a été adoptée en décembre 2011, et prévoit une meilleure prise en compte du besoin de protection lié au genre et à l’orientation sexuelle. Un bureau européen d’appui en matière d’asile a été mis en place, et un programme européen commun de réinstallation a été adopté. La directive « accueil » vise à harmoniser les normes d’accueil des demandeurs de protection internationale, et tend à approfondir les droits et garanties offerts aux demandeurs d’asile, en prévoyant notamment une meilleure prise en compte des besoins particuliers des personnes vulnérables, notamment aux enfants. La directive « procédures » instaure un encadrement du délai d’examen des demandes, limité à six mois et éventuellement prolongé à 9 mois pour les cas complexes. Ces deux directives ont été adoptées le 26 juin 2013.

Le nouveau règlement refondant les règles de Dublin II, adopté le 26 juin 2013 également, prévoit que les demandeurs d’asile ne seront pas transférés dans des pays de l’Union où il existe des défaillances systémiques qui pourraient entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant. C’est ce point qui va nous amener à parler de la Grèce. En effet, en janvier et décembre 2011, un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme puis un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne ont jugé qu’on ne pouvait pas, par application du règlement de Dublin II, décider de renvoyer un demandeur d’asile en Grèce, car les conditions de rétention des demandeurs d’asile et d’examen de leurs demandes n’étaient pas conformes aux droits de l’homme. Ce nouveau règlement prévoit donc une dérogation lorsque le retour dans le pays d’entrée risquerait d’exposer le demandeur d’asile à un traitement dégradant ou inhumain. La refonte des textes relatifs à l’asile s’est donc achevée en 2013, peu après la date prévue, décembre 2012.

Parallèlement, le drame de Lampedusa a malheureusement ramené l’immigration illégale sous le feu des projecteurs. L’Union européenne a essayé de développer ces instruments dans ce domaine, et dispose déjà de l’agence Frontex, chargée de la surveillance opérationnelle aux frontières extérieures de l’Union européenne. La mise en Å“uvre du Système européen de surveillance des frontières (Eurosur) a été accélérée par ce drame de Lampedusa, au cours duquel plus de 300 migrants venant d’Afrique ont trouvé la mort. Une « task force » a également été mise en place par la Commission européenne sur le sauvetage et la sécurité en mer entre l’Espagne et Chypre. Les travaux de cette task force ont été présentés le 4 décembre 2013 par la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Cécilia Malmström. Certaines options particulières sont envisagées : renforcer les capacités de Frontex et d’Europol, aider à la réinstallation de réfugiés, en particulier les réfugiés syriens, dans les pays voisins du conflit, mettre en place des « corridors humanitaires » en délivrant des visas humanitaires aux personnes en danger directement depuis les consulats des Etats membres dans les pays tiers.

J’en arrive à la situation en Grèce au moment de notre mission de juillet dernier : la Grèce est en première ligne sur les questions d’immigration illégale.

En effet, du fait de la longueur de ses côtes €“ 16 000 km €“ elle est très exposée à cette immigration.

La Turquie joue également un rôle dans la pression migratoire à la frontière grecque pour diverses raisons : politique libérale des visas, pratiques commerciales et tarifaires de Turkish Airlines qui relie les principales villes du Maghreb, du Proche-Orient, d’Asie centrale et du sous-continent indien à Istanbul pour un très faible coût.

Enfin, la situation économique de la Grèce fait qu’elle n’a pas les moyens financiers, humains, matériels de faire face à une immigration si importante, ce qui s’est traduit en 2010 par des conflits entre des clandestins et la population grecque, et s’est également reflétée dans la montée du parti Aube Dorée.

Selon les estimations de FRONTEX, 80 % des étrangers en situation irrégulière interpellés dans tout l’espace Schengen entre 2010 et 2012 y avaient pénétré par la Grèce. Cette route migratoire est donc particulièrement importante même par rapport aux routes transitant par l’Espagne ou par Lampedusa.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Dans le cadre de ces travaux, nous nous sommes donc déplacés deux jours en Grèce. En effet, de nombreuses auditions sur ces problématiques avaient souligné l’importance de cette frontière dans l’immigration illégale en Europe, mais également sur la situation humanitaire des demandeurs d’asile pointée par la CJUE et la CEDH, qui a amené à la révision du règlement de Dublin II.

Il faut rappeler que, en ce qui concerne les immigrés illégaux arrivés récemment en Grèce, les procédures d’obtention d’un statut légal sont entravées par le manque de moyens administratifs. La crise économique et sociale a accru les difficultés d’intégration de ces immigrés, comme le montre la multiplication des actes de violence raciste. Ce sont deux constats que nous avons pu tirer dès le début de notre mission.

Début 2013, un plan ambitieux sur l’immigration et l’asile a été mis en place, afin d’améliorer le traitement des demandes d’asile notamment (moins de 1% des demandes d’asile faites en Grèce aboutissent avant appel, contre 14,5 % en France et 30 % en Allemagne).

Dès l’été 2012, des opérations policières avaient été dépêchées afin de sécuriser la frontière, avec des résultats concluants.
La première opération, sous le nom d’«Aspida » (bouclier) a consisté à dépêcher 1 800 policiers le long du fleuve qui sépare la Grèce et la Turquie, l’Evros, effectif ramené à 1 200 par la suite.
Cette opération a été appuyée par Frontex €“ opération « Poséidon Land ». De juillet 2012 à juin 2013, l’opération « Xenios Zeus » €“ accueillir l’étranger €“ a mis l’accent sur les contrôles en zone urbaine, le déploiement de patrouilles terrestres et fluviales, ainsi que sur l’envoi d’un contingent de 2 000 policiers à la frontière de l’Evros. En 2012, une clôture de 12,5 kilomètres a été construite sur la partie franchissable à pied de la frontière avec la Turquie.

Début 2013, un plan national sur l’immigration et l’asile a été mis en place, pour traiter d’une manière plus globale le flux d’immigration clandestine et construire un système d’asile conforme aux normes européennes. Ce plan comporte plusieurs axes.

Tout d’abord, une meilleure surveillance des frontières terrestres gréco-turques : au premier semestre 2013, les interpellations d’étrangers en situation irrégulière ont baissé de 57% par rapport à la même période en 2012 €“ la présence policière a donc eu un véritable effet de dissuasion sur les filières de clandestins

Ensuite, l’augmentation des capacités de rétention : l’objectif est de doubler les capacités totales des six centres existants actuellement, tout en fermant des centres indignes, inhumains

Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de visiter un de ces centres à la frontière avant la Turquie, ainsi qu’un centre de primo-arrivants : les conditions de vie n’étaient effectivement pas les mêmes, avec des cellules de 60 personnes pour le premier !

L’augmentation du nombre de retours est également un objectif de ce plan.

Enfin, ce plan doit permettre- la mise en place d’un système d’asile aux normes européennes : la mise en Å“uvre de la loi de 2011 visant à créer un service de premier accueil, un service d’asile et une autorité de recours a été accélérée, et doit permettre à la Grèce d’améliorer le traitement des demandes d’asile grâce à la nomination de fonctionnaires civils formés à cet effet. Ce nouveau service est opérationnel depuis juin 2013, et doit à terme prendre le relais des autorités de police. Des centres de premier accueil, destinés à héberger pour une durée maximale de 24 jours les primo-arrivants dans de bonnes conditions, vont progressivement être ouverts. Le premier est opérationnel depuis avril 2013.

Le coût de ces mesures est estimé à 500 millions d’euros, dont 50 % seraient financés par la Grèce et 30 % par des fonds européens.

Plus de 70 millions ne sont toujours pas financés. La Grèce souligne régulièrement qu’elle supporte un surcoût lié à sa situation géographique, et a plaidé contre les règles de Dublin II lors de la réforme de la politique de l’asile, en émettant l’idée d’une répartition des demandeurs dans les pays européens en fonction du poids démographique et des capacités financières de chacun.

Nous avons rencontré deux ministres, le ministre de l’ordre public, M. Dendias et le ministre de la marine marchande et de la mer Egée, M. Varvitsiotis.

Depuis que la clôture a été réalisée, un redéploiement des forces a été nécessaire, en prenant en compte à la fois l’armée €“ la marine €“ et la police – la coordination de ces deux forces a d’ailleurs posé des difficultés.

Nous avons rencontré Frontex, qui nous a fait part du travail mené sur place et de la nécessité de continuer à plaider pour que Frontex continue à avoir des opérations sur cette frontière.

Nous avons également rencontré – des ONG travaillant sur les questions d’asile et d’immigration, et notamment les responsables d’associations de défense des droits des migrants, ainsi que des migrants eux-mêmes.

Sur l’immigration illégale, les constats ont été partagés par le directeur des étrangers de la direction de la police, le ministre de la marine marchande et le directeur de la police d’Oresteiada : ils ont insisté sur le fait que l’Union européenne doive continuer à appuyer la Grèce sur ces questions.

Sur la question de l’asile, la directrice de l’asile a présenté le nouveau service régional de l’Attique, qui est placé sous son autorité et compte 100 personnes €“ avocats, travailleurs sociaux, traducteurs. Il a enregistré 1 046 demandes d’asile entre le 7 juin et le 19 juillet. Ces demandes proviennent de ressortissants de 52 pays différents, les plus représentés étant l’Afghanistan, le Pakistan, la Géorgie. C’est un projet pilote, qui ne fonctionne pas encore de manière totalement opérationnelle : à terme, il devrait pouvoir traiter 32.500 demandes par an. Malgré les difficultés de mise en place, nous avons noté une véritable volonté d’agir.
Nous avons également visité le service de premier accueil de Fylakio. Il n’accueille pour le moment que 63 immigrés €“ dont beaucoup de jeunes majeurs, pour une capacité de 240 personnes. Nous avons rencontré des interprètes, qui essayent de constituer des dossiers de demande d’asile. Les demandes, très importantes, de visas de retour, sont difficiles à obtenir, faute d’accord donné par les pays d’origine. Les responsables ont mentionné la priorité donnée à l’information des migrants, condition préalable à tout exercice de compréhension de leurs droits.

En revanche, s’agissant des mineurs isolés, sujet important dans le cadre de la prise en charge des migrants illégaux ou des demandeurs d’asile, aucun élément permettant à une idée des progrès accomplis n’a été porté à notre connaissance. Nous souhaitons continuer à travailler sur cette question.

Nous souhaitions souligner que cette mission a permis de réaliser l’importance des efforts effectués par la Grèce en matière d’asile et d’immigration, malgré un contexte économique, social et géopolitique très compliqué. Nos interlocuteurs, notamment au Gouvernement, ont clairement souligné qu’ils étaient très volontaires sur ces sujets mais qu’ils avaient besoin d’un accompagnement de l’Union européenne, notamment financier.

Comme nous l’avons rappelé précédemment, 80 % des étrangers en situation irrégulière interpellés dans tout l’espace Schengen entre 2010 et 2012 y avaient pénétré par la Grèce, qui ne représente pourtant que 2 % de la population de l’Union européenne. D’une manière plus générale, environ 90 % des étrangers en situation irrégulière en 2012 ont pénétré dans l’Union européenne par les routes de l’Est de la Méditerranée €“ Grèce, Chypre €“, du centre de la Méditerranée €“ Italie, Malte €“, de l’Ouest de la Méditerranée €“ Espagne, Portugal €“ ou par la frontière entre l’Albanie et la Grèce. Ces flux de population sont considérables comparés à la population des pays concernés, et représentent pour ces derniers un coût qui rend nécessaire la solidarité européenne.

Il convient également de rappeler que les problématiques d’immigration irrégulière revêtent de nombreux aspects et relèvent de politiques qui doivent être mieux coordonnées.

Une gestion plus solidaire des frontières est nécessaire. Les évènements de Lampedusa montrent bien que si on ne s’attaque pas à ces réseaux mafieux, ces problèmes risquent de nous occuper longtemps encore.

J’espère que les élections européennes à venir, ainsi que les travaux qui vont suivre sur Eurosur, permettront de répondre à certaines de ces questions.

M. Joaquim Pueyo.

Dans votre communication vous indiquez que l’Union européenne a enregistré 332 000 demandeurs d’asile en 2012. D’où viennent ces demandeurs d’asile ?

De plus, que sait-on de ceux pénètrent dans l’Union européenne illégalement ? Par exemple, en France, des Tunisiens en situation irrégulière demandent l’asile : si on accorde l’asile à des ressortissants de tels pays, est-ce que cela ne veut pas dire qu’il faudra absorber toute la population d’un pays ? Par exemple, des Afghans viennent encore en Europe : ils veulent aller à Calais. Faut-il accorder le droit d’asile alors que nous sommes théoriquement allés en Afghanistan pour pacifier ce pays ? Est-ce que vous considérez qu’il faut instruire des demandes d’asile qui viennent de la Turquie ? Est-ce que vous pensez que l’on a les moyens de reconduire à la frontière les déboutés du droit d’asile ? Je pense qu’il serait également intéressant que notre commission s’intéresse au sujet des centres d’accueil de demandeurs d’asile.

La Présidente Danielle Auroi.

Sur les Syriens, on sait que beaucoup de pays – dont la France – les accueillent au compte-goutte. Pouvez-vous approfondir cette question ? Lorsque j’étais députée européenne, j’ai vécu les noyés au large de la Sicile, puis de Malte €“ où j’ai beaucoup travaillé sur les centres d’accueil, puis les frontières terrestres du Maroc et les camps dans le désert, puis les Canaries. Sur le Sud de l’Europe, on voit donc bien qu’il y a toujours une volonté d’aller travailler en Europe, qui reste très attractive, notamment la Grande-Bretagne. Pourtant, la solidarité nécessaire des pays de l’Union européenne reste très limitée, malgré les efforts faits avec la mise en place de Frontex et d’Eurosur.

La position de la Grèce est très compréhensible, mais la façon dont sont traité les migrants en Grèce est inadmissible : j’ai des exemples de jeunes femmes que l’on a arrêté dans la rue à qui on a fait passer sans leur accord des tests VIH et que l’on a renvoyé en Turquie sans autre forme de procès, alors que certaines d’entre elles étaient mineures. Il est nécessaire de lutter bien plus contre le trafic d’êtres humains, qui est sous-jacent à ces questions, dont profitent certains Etats et certaines entreprises dans certains Etats. Il serait donc intéressant de se demander dans de futurs rapports quelles perspectives s’ouvrent pour la solidarité interne à l’Europe sur ces sujets ? D’autre part, quels rapports doit-on avoir avec les pays d’origine ? Cela me scandalise lorsque j’entends certains affirmer que si l’on secoure ces migrants entre les deux rives, cela risque d’inciter à plus de migrations illégales.

M. Philippe Armand Martin.

Je suis inquiet que l’Union européenne ait réagit aussi tardivement face au drame de Lampedusa. Est-ce que l’Union européenne a agi en amont en ce concertant avec les nouveaux Etats de migrations, comme la Lybie par exemple ?

Sur la solidarité, certains Etats se sentent clairement moins concernés. Y a-t-il véritablement une volonté d’agir fermement pour éviter de nouveaux drames comme celui de Lampedusa ?

Vous avez souligné les efforts faits par la Grèce. Est-ce que les moyens européens mis en place aujourd’hui sont suffisant pour aider la Grèce mais également Chypre, du fait de sa frontière avec la Turquie ? Je suis également inquiet du fait qu’aucune réponse ne vous ait été apporté pendant votre mission sur les mineurs isolés.

La Présidente Danielle Auroi.

N’oublions pas également que de nombreux drames similaires ont lieu entre les Comores et Mayotte.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Sur la question de l’origine des demandeurs d’asile, selon Eurostat, l’Afghanistan représente 8 % des demandeurs, en deuxième position la Syrie, avec 7 % des demandeurs. Plus de 2,3 millions de personnes ont fui la Syrie depuis le début du conflit en mars 2011 et le Liban et la Jordanie accueillent respectivement 720 000 et 520 000 réfugiés. Une grande partie se trouve également en Turquie.

La question de l’asile soulève à mon avis deux questions : comment définir une liste de « pays sûrs » ? Pour l’instant ces listes sont encore définies de manière bilatérale, et je plaide pour une évolution de ces listes par rapport à la situation mondiale et aux conflits. Les problématiques autour de l’asile doivent vraiment être prises en charge au niveau européen et non au niveau national.

Il me semble que nos travaux futurs devraient porter sur les axes de travail définis en décembre dernier : la surveillance des frontières, l’assistance aux pays du Sud, la lutte contre les trafics, la réinstallation des réfugiés, les actions avec les pays tiers et de transit. Frontex, Europol, les corridors humanitaires sont également des sujets sur lesquels il reste encore des interrogations et que nous devons approfondir.

Sur la question de la volonté des États pour progresser sur ces thèmes, il faut continuer : l’Union européenne s’est faite par des petits pas successifs !

M. Charles de La Verpillière.

Sur la notion de « pays sûrs », la règle est qu’aucune demande d’asile ne peut être rejetée a priori parce qu’elle émanerait de tel ou tel pays : si quelqu’un se présente en disant être persécuté par le Luxembourg, il faut traiter sa demande ! La différence réside principalement dans les procédures applicables si les demandeurs sont originaires de pays considérés ou non comme sûrs, mais l’examen de la demande doit être individualisé.