Le 11 octobre, membre de la commission des lois, je suis intervenue dans le débat, en séance publique, visant à examiner et adopter une proposition de loi valant simplification du droit et allégement des démarches administratives.
Cette proposition est, comme le terme de « proposition » le signifie en droit parlementaire, un texte d’origine parlementaire c’est à dire l’oeuvre d’un député. Je ne peux que le regretter car ce texte au motif de simplifier diverses dispositions et d’alléger les démarches auprès de l’administration constitue un immense « fourre-tout « dont il est difficile d’apprécier la portée.
Nous avons du mal à estimer si ce qui est modifié l’est dans le bon sens. Par ailleurs, bon nombre de solutions proposées sont en fait celles de groupes professionnels qui défendent leur seul point de vue. Surtout l’ampleur des matières traitées et la diversité des dispositions techniques abordées constituent un obstacle à un débat approfondi, serein et le plus équilibré possible.
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises ici , il faut moins de lois, plus de lois simples et accessibles au plus grand nombre et plus de dispositions visant non la justesse technique mais la justice de la loi. Très concrètement j’ai constaté que la proposition de loi revenait, à juste titre, sur une précédente disposition d’une autre loi de simplification ayant créé le régime social des indépendants dont le processus de gestion découpé entre plusieurs organisations et mal pensé a été à l’origine de nombreuses difficultés pour les professionnels assurés! Autrement la loi de simplification revient sur une autre loi de simplification ayant compliqué le vie des publics concernés!
J’ai aussi noté que la proposition discutée modifiait des dispositions du code du travail qui interprétées par le juge garantissaient convenablement les droits des salariés en matière d’augmentation du temps de travail sur une période courte en subordonnant celle-ci à leur accord ce qui ne sera plus le cas avec le nouvelle loi.
Au final cette proposition , complexe, risque plus de compliquer le droit que de le simplifier, de diminuer les droits plus que de les garantir.
En la matière la majorité conservatrice à l’Assemblée nationale devrait suivre ce qui lui demandait la même majorité au Sénat… »abandonner les lois générales de simplification »…
Assemblée nationale, XIIIe législature, Session ordinaire de 2011-2012 Compte rendu intégral, Première séance du mardi 11 octobre 2011
Simplification du droit et allégement des démarches administratives
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
Mme la présidente.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette nouvelle proposition de loi est la quatrième du genre.
Elle comprend un peu moins de cent articles. La majorité avait décidé, en début de législature, de faire de la simplification du droit l’un des fils conducteurs de son action. Dont acte. Mais la simplification aurait pu amener à constater qu’il y a trop de lois, que la loi doit être redimensionnée, qu’elle doit poser des principes clairs et essentiels, et qu’elle peut vivre par une interprétation libre et novatrice du juge. Rien de tel ici puisque, au contraire, le législateur entreprend de réécrire simultanément une multitude de dispositions et revient sur des solutions jurisprudentielles garantes de principes posés par la loi. J’en dirai quelques mots plus tard.
La précédente proposition de loi dite de simplification du droit, qui avait pour objet l’amélioration de la qualité du droit, avait essuyé les critiques, notamment, de nos collègues sénateurs. Pour mémoire, le rapporteur pour avis de la commission économique avait déclaré que « s’agissant des différentes dispositions de cette proposition de loi, force est de constater leur caractère fourre-tout et l’absence d’unité de ce texte ». Il avait ajouté : « Au-delà des différentes dispositions de cette proposition de loi, il me semble essentiel que le débat qui nous réunit aujourd’hui soit le dernier de ce type. » Son avis n’a, à l’évidence, pas été entendu !
Par ailleurs, cette proposition suscite des interrogations.
Je ne prendrai qu’un seul exemple : l’article 31. Celui-ci dispose : « Le régime social des indépendants assure le recouvrement amiable des cotisations et contributions mentionnées à l’article L. 133-6 dont sont redevables les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales. » En matière de recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants, la caisse de base du RSI aura donc une compétence pleine et entière en matière de recouvrement amiable des cotisations. Elle aura la simple faculté et non l’obligation de déléguer ses compétences.
C’est l’ordonnance du 8 décembre 2005 qui a créé le régime social des indépendants, ou RSI, ordonnance prise en application de la loi du 9 décembre 2004 dite, elle aussi, « de simplification du droit ». Ladite ordonnance a prévu le principe d’une délégation de la collecte des informations et du traitement de la déclaration du RSI aux URSSAF. Cette réforme, éclatant un processus d’ensemble entre plusieurs organisations, a entraîné des problèmes en cascade pour les assurés. Aujourd’hui, on revient, par une loi de simplification, sur une autre loi de simplification qui, censée diminuer le nombre d’interlocuteurs, a compliqué la vie des assurés. Nous aurions aimé avoir la garantie que la nouvelle organisation allait s’accompagner de mesures propres à assurer la gestion des dossiers et la simplicité réelle des relations entre le régime et les assurés.
Cette proposition de loi suscite aussi des inquiétudes.
Le texte prévoit d’autoriser les entreprises à « augmenter le nombre d’heures de travail sur une courte période sans que cette augmentation constitue une modification du contrat de travail », autrement dit sans que le salarié puisse s’y opposer.
Actuellement, l’employeur qui souhaite mettre en place un mécanisme d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année doit, en principe, le faire en application d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou d’un accord de branche. Cependant, même si l’aménagement du temps de travail est prévu par un accord collectif, la Cour de cassation considère que l’employeur doit recueillir l’accord exprès de chaque salarié concerné. Pour lever l’obstacle de cette jurisprudence protectrice, la mesure proposée vise à préciser expressément dans la loi que la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail.
Mes chers collègues, il est clair que cette proposition de loi rate son objectif de donner un cadre durable à la simplification du droit, modifie des dispositions qui devaient elles-mêmes simplifier la vie des professionnels mais sans s’inquiéter de leur mise en Å“uvre concrète, et tend à fragiliser des relations contractuelles qui, pour vivre hors du seul cadre de la loi, n’en ont pas moins reçu l’assentiment du juge.
Il conviendrait donc d’entendre ce que nos collègues du Sénat€¦
M. Michel Issindou.
Oui, bonne idée !
Mme Marietta Karamanli. €¦et ceux de votre majorité nous ont dit : « Notre discussion doit marquer le point final des lois générales de simplification. »
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)