Marietta KARAMANLI « La crise de l’endettement public est une crise qui dure, menace l’euro et ne concerne pas seulement la Grèce »

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Depuis mardi dernier, j’ai été sollicitée à de nombreuses reprises par des télévisions et radios pour commenter la crise grecque et le sommet du G20.
Il y a eu d’abord la décision de l’actuel Premier Ministre Grec Georges Papandréou de soumettre à référendum le plan proposé par l’Union européenne, puis le sommet du G20 enfin le vote de confiance de l’Assemblée Nationale grecque au Gouvernement pour trouver une issue.
Je souhaite faire, ici, un point sur cette crise et vous donner mon point de vue sur les décisions de l’Union puis du G20.
Retrouvez mes propos sur les chaînes TV : I>tele et BFMTV


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I La crise grecque est une crise ancienne et qui dure

1 En mars 2010 l’économiste Thomas PIKETTY écrivait « la crise est avant tout la conséquence du fait que les contribuables grecs se sont subitement retrouvés à payer des taux d’intérêt de plus de 6% sur leur dette publique. La production intérieure de la Grèce est de l’ordre de 200 milliards d’euros. Les 10 plus grandes banques mondiales gèrent chacune des actifs supérieurs à 2 000 milliards d’euros. Une poignée d’opérateurs de marché peut décider en quelques secondes d’imposer un taux d’intérêt de 6% plutôt que de 3% sur un titre particulier – précipitant ainsi un pays dans la crise. »
Mais cela fait 24 mois que la situation s’aggrave.
2 La Grèce est dans la situation d’une personne endettée à qui les créanciers (les marchés financiers à l’ombre desquels s’abritent les spéculateurs) font payer une prime de risque en augmentant à chaque échéance le coût du crédit.
3 Les réformes quelles qu’elles soient ne peuvent avoir les effets souhaités en aussi peu de temps.
4 Sur le fond l’accord de la semaine passée contient encore beaucoup d’obscurités. En particulier, on ignore comment le Fonds européen de stabilité financière (FESF) sera financé.
De plus appeler les Chinois à acheter de la dette européenne est étrange !
Les accords avec les banquiers privés (sur la décote de 50% de la dette grecque) sont également incertains.
Sur le fond, la stratégie est la même: elle conduit à instaurer des politiques de rigueur dans tous les pays d’Europe, et donc à tuer la croissance.

II L’idée d’un référendum a été une bonne chose

1 L’objectif était de permettre à la GRECE de purger une partie du problème de façon démocratique et souveraine.
Il n’est donc pas anormal et encore moins « insultant » comme l’a déclaré un responsable UMP que le peuple se prononce.
2 Par ailleurs la majorité parlementaire du gouvernement était étroite ; il suffisait de quelques défections pour que le projet de loi nécessaire ne soit pas adopté.
L’opposition de droite était au pouvoir depuis 5 ans quand la nouvelle majorité a été désignée en octobre 2009. Elle a creusé le « trou » et ne demande que des élections pour revenir aux responsabilités.
3 Comme le dit Pascal LAMY, directeur de l »Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ce n’est pas dans « l’intérêt des créanciers de conclure avec un gouvernement affaibli qui risque d’être renversé et de ne pas tenir ses engagements »
3 On a dit que le moment était mauvais€¦mais les enjeux étaient du fait de la montée des taux de plus en plus importants€¦et leur importance en change la nature ; ils engagent les générations futures ce qui suppose que les citoyens soient conscients et choisissent entre les avantages et les contraintes de la zone ‚¬ ou sa sortie€¦ sachant qu’il n’y pas de dévaluation possible pour un seul pays !
Comme le dit l’économiste André Orléan « L’appel au référendum met sur le devant de la scène l’écart existant entre le temps de la démocratie et le temps de la finance. »

III Les enjeux sont nombreux et ne doivent pas être circonscrits à ce seul pays

1 La question de fond reste celle de savoir si on veut modifier les traités européens.
Il faudrait en effet modifier les traités. La banque centrale européenne (BCE) doit pouvoir racheter de la dette des Etats. Elle est la seule arme sérieuse dont disposent les Européens aujourd’hui.
2 Actuellement les Etats ne peuvent qu’emprunter sur les marchés alors que la BCE refinance des banques à des taux très bas et celles-ci prêtent ensuite à des taux élevés!
Le problème de la Grèce n’est pas seulement celui de son endettement c’est celui des taux et cela concerne tous les Etats et l’Union Européenne.
3 La Grèce aurait pu rembourser si les taux ne s’étaient pas envolés et son déficit est alors devenu abyssal.
Il ne s’agissait pas à l’origine de rembourser à sa place mais de maintenir sa dette à un niveau acceptable. Aujourd’hui la question reste posée ! Je soutiens l’idée d’obligations émises collectivement ce qui ne « gomme » pas la part de chaque Etat dans la dette et les oblige pour celle-ci mais un tel mécanisme les soustrairait pour partie à la spéculation.
4 De façon plus générale il faut impérativement revenir sur la financiarisation de l’économie. Malgré les mesures annoncées, un effondrement de la zone euro n’est « pas totalement exclu aujourd’hui ».
A ce titre je souhaite rappeler que depuis de nombreux mois j’ai pris plusieurs initiatives : j’ai cosigné et défendu la proposition de résolution des députés socialistes demandant l’instauration d’une taxation financière en Europe ; j’ai demandé au nom de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe une meilleure taxation de la richesse, principe retenu et voté par cette assemblée ; j’ai aussi demandé au gouvernement de faire en sorte que les activités de dépôt des banques soit séparée des activités de marché.
Pour l’heure aucune de ces orientations n’a été retenue par les Chefs des Etats en place mais les faits étant têtus, les réponses devront évoluer.