A l’occasion de la journée de la femme ( le 8 mars), j’ai été invitée par une association grecque qui a pour objectif de promouvoir les femmes dans les entreprises et notamment aux postes d’encadrement : je suis intervenue en introduction d’une rencontre internationale organisée à Athènes sur le thème « les femmes grecques citoyennes du Monde »€¦le 13 mars dernier !
Selon moi le plafond de verre qui empêche les femmes d’accéder aux responsabilités doit être combattu en donnant aux femmes la possibilité et la liberté d’être elles-mêmes!
Voici le texte de l’intervention que j’ai prononcée.
Marietta KARAMANLI lors de son intervention en faveur de l’égalité d’accès des femmes aux responsabilités
Tout d’abord, je souhaite remercier les organisateurs de cette manifestation.
Je suis honorée d’être parmi vous ce jour.
Et je suis ravie du thème choisi.
J’ai proposé volontairement un titre « évocateur » pour ne pas dire « provocateur » pour vous parler de mon expérience en essayant de montrer qu’elle n’est pas seulement une question d’opportunités individuelles mais un récit commun à beaucoup de femmes ayant des responsabilités aujourd’hui.
Je partirai du début et de ce qui est a priori « le double handicap culturel » que rencontrent les femmes.
Je suis née dans une famille modeste et, disons le, assez traditionnelle.
Lorsque j’étais enfant, ma mère m’a emmenée visiter bon nombre de monastères pensant qu’à défaut de trouver un bon mari, je ferai en tout état de cause une épouse dévouée au Christ.
Derrière ma petite histoire, apparaît le double handicap des femmes : elles sont associées à la famille (et d’une certaine façon à la sphère privée) et doivent servir , « être en quelque sorte dominée ».
C’est évidemment le contraire des hommes qui sont « appelés », eux, à faire carrière à l’extérieur et à dominer.
De là résulte une double difficulté :
je suis une femme et je me conforme à ce que majoritairement on me demande ; je ne pourrais pas être pour les autres un leader « compétent » ou « complet ».
je suis une femme et je réussis à l’extérieur, cela voudra dire pour beaucoup que je ne suis plus tout à fait une femme comme les autres car je ne corresponds plus à l’idéal véhiculé traditionnellement ; on demandera « qui va garder les enfants ? »
Je tiens à signaler que la première fois où j’ai été candidate à la candidature au sein du Parti Socialiste plusieurs hommes m’ont posé la question.
Cette dualité que l’on demande aux femmes d’assumer constitue, me semble t’il, l’armature de la cage de verre qui empêche, de façon non apparente, il est vrai, les femmes d’accéder à des responsabilités qu’elle soient politiques, exécutives au sein des entreprises ou sociales au sens large du terme.
Alors quoi faire et comment le faire ?
Je repartirai ici de ma propre expérience : trouver sa voie et faire entendre sa voix
Je suis partie de chez mes parents car je voulais faire autre chose.
Je suis partie en France car j’aimais le Français et je voulais apprendre la langue.
Je voulais être indépendante ; cela m’a amené à travailler pour payer mes études.
Mes parents qui ont été des résistants à l’occupation nazie en GRECE m’avaient inoculé inconsciemment, je pense, le virus de l’esprit de résistance, une sorte de « présence à soi », une faculté d’être pleinement soi-même, et non ce que les autres attendent ou exigent de vous.
Cela m’a conduit à être ouverte aux opportunités, à être libre par rapport à ce que les institutions et les autres dirigeants ont voulu ou veulent m’imposer, à être dans une attitude amicale – fraternelle diraient les Français, pour recevoir les difficultés des autres.
Je pense que cette qualité est répandue en GRECE mais paradoxalement il est parfois plus facile de la mettre en évidence et de la mettre en Å“uvre à l’extérieur de notre pays. Peut être la distance avec les siens permet elle de mieux la valoriser et de la faire partager ?
En tout état de cause, cette capacité m’a conduit à faire de la politique d’abord comme conseillère municipale, puis comme ayant des responsabilités dans une structure de coopération intercommunale, puis à être conseillère générale puis aujourd’hui députée.
Mais je vais rassurer les hommes ici présents et inquiéter, légèrement j’espère, les femmes participantes, cela n’a jamais été de soi.
On n’attaque pas une femme parce que c’est une femme mais parce que c’est une femme qui gagne et qui peut prendre la place d’un homme dont la vocation comme on l’a vu est celle d’un compétiteur donc un gagnant.
A chaque fois, il m’a fallu asseoir une crédibilité nouvelle en réalisant un « challenge » et c’est parce que les résultats en ont été visibles que j’ai eu le droit non pas à une nouvelle responsabilité mais le droit à ne pas être « éliminée » de la compétition.
De la sorte, j’ai pu tracer mon chemin et faire un sillon.
Quelle leçon tirée de cette expérience et comment la partager ?
Il y a trois leçons possibles : psychologique, sociale et économique
Psychologique : si les femmes sont majoritaires en nombre bien souvent, elles sont minoritaires en influence. Néanmoins, cette influence peut être déterminante.
La psychologie ou plutôt les expériences menées à l’appui nous enseignent que si un sujet a tendance à se conformer à l’avis majoritaire bien souvent l’avis minoritaire a une influence réelle sur la perception de ce même individu. On parle d’influence indirecte ou latente.
Exemple qui n’a rien à voir avec le sujet du jour mais vous aidera à comprendre ce raisonnement : on demande aux gens d’apprécier la réalité de l’amplitude d’un angle géométrique de 70 % en fonction de ce que les autres pensent ( on leur fait voir cet angle et on leur dit une majorité dit qu’ils est de 90 degrés et une minorité dit qu’il est de 70 degrés : une majorité de ceux interrogés pensent qu’il est de 90 degrés ; puis on leur demande d’apprécier le poids que pourrait représenter cet angle devenu une portion de fromage sans qu’on leur dise ce que les autres en pensent (vous me suivez.. ?). Et bien, in fine les personnes interrogées donnent un poids conforme à un angle de 70 degrés.
Je pense que ce qui se constate dans ces expériences peut se vérifier dans la réalité : progressivement des exemples, peut-être minoritaires, de femmes en responsabilités permettent de construire une autre représentation de la place et du rôle des femmes.
Ma seconde leçon est sociale : le management qu’il soit d’entreprise, politique ou collectif doit apprendre à reconnaître et apprécier les différences de genres comme des qualités positives qui servent les buts de l’organisation. Cela doit se traduire par un discours et par des dispositifs qui l’illustrent.
Ma troisième leçon est économique : en excluant les femmes des responsabilités, l’organisation et la collectivité perdent et supportent un coût énorme. On se prive de l’éducation, des qualifications, de l’expérience de nombre de femmes alors même que les défis à relever pour les organisations sont énormes et nécessiteraient la participation de tous et de toutes à tous les niveaux.
Que retenir de ce bref propos ?
Une seule chose : les femmes peuvent beaucoup et ont ce qu’il faut pour faire ce beaucoup.
Il leur suffit d’être elles-mêmes et pleinement elles-mêmes et de ne pas renoncer à ce qui fait leur différence personnelle et de genre.
Mesdames, Messieurs, Chers Organisateurs, je vous remercie pour votre attention et suis disposée à répondre à vos questions.
Marietta KARAMANLI