Projet de loi sur les OGM : mon opposition « durable » en l’absence de garanties sur l’alimentation, l’environnement et la biodiversité par Marietta KARAMANLI

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Je vous livre, ici, les raisons de mon opposition à l’actuel projet de loi sur les OGM.
Je fais état des démarches réalisées , il y a déjà quatre ans, alors que j’étais conseillère générale de la SARTHE m’intéressant à la sécurité des aliments et qui m’ont amenée à demander au Ministre des Affaires Européennes de prolonger le moratoire qui avait été décidé cinq ans plus tôt par l’Union Européenne. Mon opposition a été constante en l’absence de réponse circonstanciée de la part de l’Etat.
La position adoptée par le groupe socialiste à l’Assemblée Nationale, auquel j’appartiens, comme députée me conforte dans mon analyse initiale.

1) A titre personnel et dès 2004, j’avais écrit au Ministre des Affaires Européennes pour lui demander que le moratoire décidé en 1999 au niveau de l’Union Européenne sur les plantes ayant subi des modifications génétiques soit prolongé.
Je faisais valoir que, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, établissement public national, dont la mission est d’évaluer les risques sanitaires et nutritionnels, pour toutes les catégories d’aliments destinés à l’homme ou à l’animal, avait été saisie le 1er avril 2004 du dossier. Elle avait rendu un avis le 15 avril 2004 au terme duquel elle confirmait un précédent avis en date du 23 novembre 2003 et concluait en disant qu’en « toute rigueur pour éliminer toute possibilité d’effets inattendus il conviendrait d’évaluer l’impact d’une consommation régulière » du dit produit, qui a connu une transformation génétique, « par une étude de toxicité / tolérance chez le rat et une étude de toxicité /alimentarité chez un animal d’élevage », études qui ne sont pas rendues obligatoires par la réglementation. Autrement dit, elle maintenait ses réserves sur la non toxicité du produit au nom de la sécurité alimentaire.
Je rappelais que si le risque est peu ou pas évaluable en la matière, le bénéfice de la consommation par les personnes est, lui, inexistant puisqu’il existe des produits disponibles sur le marché ayant des qualités égales ou supérieures et que nous ne sommes pas dans une situation de bénéfices / risques comme on la connaît dans le cas des médicaments autorisés où les individus ont alors un bénéfice supérieur aux risques à l’utilisation du produit. En ce qui concerne les dangers potentiels de ces techniques, il apparaît que les recherches en matière de connaissance du génome des plantes en sont encore à leur balbutiement.
Dans ces conditions, je lui demandais

 d’assurer la sécurité des aliments,

 de clarifier la hiérarchie des expertises scientifiques en faisant prévaloir un avis circonstancié tenant compte d’un véritable rapport « bénéfices / risques », le bénéfice n’étant pas, ici, démontré,

 d’imposer un large débat au sein de l’Europe et de donner la possibilité aux citoyens de se prononcer sur la production et la consommation des OGM.
D’hier à aujourd’hui ma position n’a pas changé. Je déplore donc la teneur des dispositions du projet de loi gouvernemental actuel et je m’y oppose.

2) Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l’Assemblée Nationale auquel j’appartiens a lui aussi exprimé son opposition au projet.
Il a déposé dans ce sens une motion d’exception d’irrecevabilité visant à en refuser l’examen motion qui a été refusée par la majorité UMP.

Ce débat touche en effet à des enjeux essentiels : notre alimentation, notre environnement, et le devenir de la biodiversité.

Avec mes collègues, je considère que nous ne disposons pas du recul nécessaire pour évaluer les risques que ces cultures présentent. A ce titre, l’article premier qui réalise l’affirmation conjointe de la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM est un trompe l’Å“il puisque la coexistence est impossible ; cet article favorise donc la liberté des pro-OGM au détriment de ceux qui les refusent.

De plus je pense que l’analyse économique du Gouvernement n’est pas la bonne : la plus-value que les productions agricoles assurent à la France, comme à l’Europe, provient pour l’essentiel des productions de qualité attachées à un terroir et que la généralisation des cultures OGM sera incompatible avec les cahiers des charges et les démarches de labellisation qui définissent les appellations d’origine contrôlée, les indications géographiques protégées ou les labels. Ainsi, l’agriculture conventionnelle de même que l’agriculture biologique seront-elles, dans une large mesure, menacées.

Enfin, j’estime qu’aucune garantie n’est donnée en matière de non brevetabilité du vivant : avec la possibilité donnée de cultiver les OGM seront cultivées en priorité des plantes qui s’inscrivent dans le schéma de développement de produits dont les industriels et semenciers auront la seule propriété ; il existe un risque clair de dépendance des agriculteurs, des consommateurs et de l’ensemble du pays vis-à-vis d’entreprises bénéficiant de droits exclusifs sur des biens qui devraient rester communs et d’un large accès.

L’ensemble de ces raisons nous ont amenés à demander le non examen du projet et, comme mes autres collègues du groupe, je ne le voterai pas.

Marietta KARAMANLI