« Mes questions sur les priorités d’investissement ferroviaire, d’incitation au report du trafic routier vers le rail et de priorités de l’Europe en matière de services aux usagers » par Marietta KARAMANLI

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Le 22 octobre 2013, j’ai participé au sein de la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale à une table ronde organisée sur la projet de liaison ferroviaire transfrontalière entre Lyon et Turin (Italie).
Cette rencontre a été pour moi l’occasion d’évoquer certaines questions qui concernent l’ensemble des projets ferroviaires.
En effet ce projet aura des incidences directes sur les autres projets français.
Le coût de la partie transfrontalière a été estimé dans le cadre du nouvel accord intergouvernemental franco-italien du 30 janvier 2012 à 8,5 milliards d’euros.
La seule construction du tunnel sous les Alpes devrait coûter 8,5 milliards d’euros, dont 2,9 milliards pour l’Italie et 2,2 milliards pour la France, le solde de 3,4 milliards devant être à la charge d’une Union européenne qui a du mal à s’entendre sur son enveloppe budgétaire 2014-2020.
La ligne doit permettre de basculer de la route vers le rail le transport de marchandises à travers les Alpes, augmentant considérablement le volume de fret entre les deux pays.
La commission nationale dite Mobilité 21 « pour un schéma national de mobilité durable » a fait le choix de disjoindre de ses simulations financières l’impact d’une poursuite du projet de liaison ferroviaire binationale Lyon-Turin : aucune possibilité de financement d’autres projets par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ne serait plus alors ouverte avant 2028 ou 2030, sauf si de nouveaux moyens étaient dégagés.
L’autre inquiétude vient du tonnage de marchandises circulant entre la France et l’Italie, par le rail et par la route, qui n’a fait que décroître et ce, avant même le début de la crise économique. La ligne ferroviaire historique, celle qui passe par le tunnel du Mont-Cenis, sous-utilisée, serait suffisante.
Le projet au-delà des critiques, je dirais, plutôt habituelles : révision des prévisions, atteinte à l’environnement, report incertain du trafic routier, et équilibre économique pose deux interrogations plus larges.
D’une part la place que l’on donne au trafic transnational dans la politique des transports nationaux, seuls deux Etats font un peu exceptions la Suisse et l’Autriche et de ce point de vue les financements européens restent limités dans leur ensemble.
D’autre part il y a une composante « voyageurs » du projet qui ne doit pas être oubliée ou minimisée elle pose la question du modèle de la ligne LGV française fondée sur une massification du trafic sur une ligne nouvelle et des gains de temps démultipliés sur d’autres liaisons, (Paris-province ou Paris-Londres) encore faut-il que ces liaisons soient entretenues et performantes ce qui n’est pas toujours le cas !
Ce modèle connaît ses limites avec la liaison de grandes villes de deuxième entre elles rang où le cadencement n’est plus le même ce qui met en cause le modèle économique de ce type de lignes. Dans ce cas la liaison nouvelle ouvrirait un nouveau débouché à la région française comme nÅ“ud ferroviaire.
Mes trois questions sont donc le financement disponible pour d’autres investissements une fois celui-ci financé, la réflexion sur les outils pour reporter le trafic routier avec le ferroviaire, la question des objectifs et priorités de la politique européenne des transports ferroviaires en termes de services aux usagers et à l’économie.
Ces trois questions se reposeront, à coup sûr, lors de prochains débats.


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Extraits des débats en commission

Commission des affaires européennes, mardi 22 octobre 2013
17 heures,

I. Table ronde sur « Projets européens d’infrastructures de transports : le Lyon-Turin en débat », avec la participation de Mme Anne Houtman, chef de la Représentation de la Commission européenne en France, M. Christian Descheemaeker, membre de la Cour des comptes, ancien président de la 7e chambre, M. Hubert du Mesnil, président du conseil d’administration de Lyon Turin Ferroviaire, M. François Lépine, vice-président délégué du Comité pour la Transalpine, et de M. Daniel Ibanez, de la Coordination des opposants au projet de ligne Lyon Turin

Mme Marietta Karamanli.

Il convient en effet de ne pas minimiser la composante « voyageurs » du projet puisqu’elle participe du modèle économique des lignes à grande vitesse, dont on sait qu’il est fondé sur la massification du trafic.

Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, ce projet ne risque-t-il pas de limiter les autres projets d’investissements ferroviaires sur l’ensemble du territoire ? La Cour des comptes appelle à des mesures contraignantes de report du trafic transalpin routier vers la voie ferrée ; quel est l’état de la réflexion en ce domaine ? Enfin, si la liaison Lyon-Turin pose question, c’est aussi parce que les objectifs de la politique européenne de transport ferroviaire se limitent à la libéralisation des transports et à la création d’une nécessaire cohésion territoriale. Il faudrait aussi qu’une volonté politique fortement affirmée s’exprime en faveur d’autres objectifs : le service aux usagers et le service rendu à l’économie européenne. En matière d’investissements dans le ferroviaire, l’Union doit se positionner plus clairement sur le plan politique.