« Tractations formelles ou informelles entre députés soutiens du Chef de l’Etat et députés RN pour garder des postes au sein des instances de l’Assemblée Nationale, la politique vue comme un exercice pour que rien ne change ! » par Marietta KARAMANLI

Un article du quotidien Libération relate les tractations formelles ou informelles entre députés soutiens du Chef de l’Etat macronistes et Députés RN pour garder des postes au sein des instances de l’Assemblée Nationale et ne pas respecter le principe de blocs majoritaires au sein des commissions et des délégations. J’en en ai été la témoin

Fidèle à mes convictions et à la nécessité de garder visibilité et lisibilité à l’action, je ne peux que constater que le Front républicain est interprété de façon très variable… c’est surprenant s’agissant d’institutions où a priori l’ex majorité et les députés d’extrême droite ne partagent pas du tout la même vision et s’affrontent au moins facialement!

Ainsi va la politique vue comme un exercice pour garder des postes…

L’article de Libération du 3 octobre 2024 par Victor Boiteau et Nicolas Massol, publié le 3 octobre 2024 à 11h40

https://www.liberation.fr/politique/a-lassemblee-petits-arrangements-entre-macronistes-et-figures-du-rn-20241003_MFHDT5GC4NAKHGBJZPKWJTJF2A

Trois jours après l’ouverture du procès du Rassemblement national (RN) pour le détournement de près de sept millions d’euros de fonds publics au Parlement européen, le parti d’extrême droite décroche la présidence de la commission… chargée de vérifier les comptes de l’Assemblée nationale. Avec les voix du bloc central. Discrète instance du Palais-Bourbon, composée de quinze députés désignés proportionnellement aux groupes politiques, cette commission était jusqu’alors occupée par Marie-Christine Dalloz (LR). Mercredi, son siège était remis en jeu.

La partie se joue en trois tours, les deux premiers à la majorité absolue, le dernier à la majorité relative. Candidat face à Sébastien Chenu (RN), ancien vice-présidente de l’Assemblée, le socialiste Philippe Brun arrive en tête aux deux premiers tours. Au troisième, patatras : égalité, 5 voix partout. Comme le veut le règlement, c’est le plus âgé qui l’emporte : le député RN du Nord, 51 ans, rafle la mise. Chez les socialistes, où l’on fait les comptes, tollé immédiat. Avec 3 députés en commission, le groupe de Marine Le Pen a forcément reçu des voix de l’ex-majorité pour battre Brun. Marie-Christine Dalloz assure à Libération avoir voté blanc. Une cadre du groupe EPR certifie aussi qu’aucun élu du groupe n’a soutenu Chenu. Stella Dupont, qui a annoncé mercredi avoir quitté le groupe macroniste, s’est abstenue. Tout comme son collègue David Habib (Liot). Restent Félicie Gérard (Horizons) et Philippe Vigier (Modem). «J’ai choisi le plus expérimenté, a assumé Vigier auprès de l’AFP. Il est normal que tous les groupes politiques aient des représentants à l’Assemblée.» Chez les socialistes, ça grince sévèrement… «Ces gens ont été élus grâce au front républicain, mais s’abstiennent entre un socialiste et un RN, se hérisse Arthur Delaporte. Ils veulent sauver leur peau quoi qu’il en coûte.»

«Ces gens n’aiment pas perdre»

Tous les accords ne sont pas à double sens. Mercredi, encore, le RN a bien cru être en mesure de décrocher une vice-présidence au sein de la délégation aux droits des femmes. Candidate à sa succession, Véronique Riotton (Ensemble pour la République, nouveau nom du groupe Renaissance) a fini par bénéficier des voix lepénistes face à l’écologiste Marie-Charlotte Garin. «Pour nous, Riotton était un moindre mal et Emmanuel [Taché de la Pagerie, le référent du RN pour la délégation, ndlr] nous avait indiqué que lors de la précédente mandature, l’ambiance de travail était apaisée», raconte Edwige Diaz, députée RN de la Gironde. Elle poursuit : «Un certain nombre de macronistes sont venus nous demander si on allait bien voter pour eux pour la présidence mais sitôt après l’avoir obtenue, c’était : ‘Courage fuyons !’. Certains ont quitté la salle, d’autres ont voté blanc ou même NFP !» Dégoûté par l’absence d’échanges de bons procédés, Emmanuel Taché finit par se fâcher tout rouge. Il retire sa candidature au poste de secrétaire et quitte la salle en lançant un sonore «bonne partouze» au front républicain reconstitué pour l’occasion. «Ces gens n’aiment pas perdre», s’agace après coup Marie Charlotte Garin, députée du Rhône.

Chez les macronistes, on feint de ne pas voir ces petites tractations de cuisine parlementaire. «Il n’y a pas de deal», jure, main sur le coeur, une cadre du groupe. Qui ajoute : «Le RN se reporte sur nous parce qu’on leur file des rapports, des missions.» L’ancienne porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot, députée des Hauts-de-Seine et membre de la délégation, donne sa version : «La vérité, ce n’est pas où vont les votes du RN, car ça, on ne le maîtrise pas. Mais bien qui appelle à avoir leurs votes, ou qui votent pour eux. Je ne suis ni dans le premier cas, ni dans le deuxième.»

«Il est beau le barrage…»

D’autres petites tractations ont pourtant été observées mercredi. Candidate à sa succession à la délégation aux droits des enfants, Perrine Goulet (Modem) a été réélue. «Avec des élus absents, Liot et EPR, elle aurait perdu sans les voix du RN», rapporte un député de la délégation. En contrepartie, argue ce même élu, la députée RN Caroline Parmentier a obtenu un siège de vice-présidente.

Même manège pour la commission des affaires européennes. Aux deux premiers tours, la socialiste Marietta Karamanli dépasse de deux voix le macroniste Pieyre-Alexandre Anglade. Le candidat LR Julien Dive se maintient au troisième tour. Côté RN, 10 des 12 voix se reportent sur Anglade… «Il est beau le barrage…», s’irrite la socialiste Anna Pic.

Si l’extrême droite se réjouit de la situation, elle s’efforce de la relativiser. «En effet, il n’y a plus de barrage républicain bidon mais il ne faut pas tout surinterpréter, minimise Jean-Philippe Tanguy, numéro deux de Le Pen au sein du groupe. Au premier mandat, on avait eu deux vice-présidences de l’Assemblée mais presque aucun poste au sein des commissions. Cette fois, c’est plutôt l’inverse qui se profile.» De fait, en 2022, le parti d’extrême droite n’avait obtenu que trois secrétariats de commissions. Après les dernières législatives, la réactivation du front républicain dans les urnes s’est prolongée à l’Assemblée avec l’éviction de Sébastien Chenu et Hélène Laporte de leur poste au perchoir. Le soutien passif du RN au gouvernement Barnier a changé la donne, rendant possibles les échanges de bons procédés dans les commissions.

La lune de miel pourrait se poursuivre la semaine prochaine, lors de l’élection du bureau de la commission des affaires sociales. Dans les couloirs de l’Assemblée bruit la rumeur d’un deal entre le candidat Horizons, Frédéric Valletoux, et le RN Thomas Ménagé, vice-président de la commission. Les deux hommes ont été aperçus discutant à la buvette, en compagnie de Sébastien Chenu. Candidate initiale de l’ex majorité, Charlotte Parmentier-Lecocq, députée du Nord, n’avait pas l’air de plaire aux lepénistes qui ont passé le message : si c’est elle, ils ne refuseront de trancher avec la gauche. «Les lignes rouges à l’échelle du gouvernement marchent aussi pour les présidences de commissions, confirme Ménagé. Parmentier-Lecocq a un comportement déplaisant à notre égard, donc s’ils veulent avoir une chance de garder la présidence de commission ils savent quoi faire. Je crois qu’ils ont entendu le message.»

De fait, la candidate a fini par retirer sa candidature au profit de Valletoux qui, quelques jours plus tard, sur France 2, estime que, s’il a «toujours combattu le RN […], ce serait une erreur fondamentale de ne pas les inclure dans les échanges entre les groupes parlementaires». Cahier des charges rempli ? Contacté par Libé, l’ancien ministre, qui a bénéficié du désistement républicain dans sa circonscription, conteste toute forme de «deal» et avance que Parmentier a retiré sa candidature car elle savait prochaine sa nomination comme ministre déléguée chargée des personnes handicapées. Faux, lui oppose un député du bloc central : «Quand Charlotte s’est retirée, personne ne parlait même encore de ce ministère. Il est clair que c’est elle qui mène le combat contre le RN dans les Hauts-de-France et qu’elle n’a jamais pris de gants avec eux donc elle a eu une fatwa sur sa tête.» De son côté, Sébastien Chenu, député dans le même département que l’ex-candidate, assume avoir voulu la bloquer mais nie toute forme de contrepartie. Tout en ayant été élu mercredi président de la commission d’apurement des comptes de l’Assemblée avec les voix du bloc central.