Marietta KARAMANLI à l’Université d’été du PS » Pour une nouvelle étape de la démocratisation de l’université et de l’amélioration de l’enseignement supérieur »

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Samedi dernier, j’ai participé à La Rochelle à l’université d’été du Parti Socialiste. Vice-Présidente du groupe des députés socialistes à l’Assemblée Nationale en charge de l’enseignement supérieur, j’étais invitée à intervenir aux côtés de Bertrand MONTHUBERT, secrétaire national, à un atelier consacré à « Transformer l’université pour la réussite des étudiants ».
Au-delà de la question des moyens sur laquelle je reviendrai dans un prochain article, j’ai notamment plaidé pour une nouvelle étape de la démocratisation de l’université et de la qualité de l’enseignement supérieur. En 2010, 27 % des étudiants étaient enfants d’ouvriers ou d’employés contre 53 % des jeunes actifs de la même classe d’âge.
Plus inquiétante encore est la baisse de la proportion des enfants de ces mêmes catégories socio-professionnelles chez les étudiants entre 2006 et 2010 ; celle-ci serait en effet passée de 35 à 31 %.
J’ai dressé quatre grands domaines d’action en vue de lutter contre l’échec scolaire : d’abord il faut donner un meilleur statut social aux étudiants et faire progresser intelligemment l’orientation : les bons élèves retardent d’autant la mise en chantier d’une orientation qui ne parle pas, alors que ceux « en difficultés » sont prématurément sollicités pour choisir un parcours avec peu d’espoir de bifurcation en cas d’erreur durant une période où rien n’est solide. Parallèlement il faut mieux prendre en compte l’ensemble des filières qui, à côté de l’Université même, accueillent la moitié des bacheliers (STS, IUT, écoles) et consolider l’enseignement supérieur professionnel.
Complémentairement, il faut que les universités fassent un effort pour mieux former l’ensemble des enseignants et intervenants dont les publics étudiants sont d’origines et de formations diverses ; enfin il faut améliorer l’évaluation des étudiants ; l’évaluation actuelle des étudiants n’est souvent pas un point d’appui pour faire progresser les étudiants ni pour leur faire partager les exigences qu’on a à leur égard€¦Plusieurs propositions peuvent être faites.
Comme je l’ai dit « C’est au prix d’un triple effort d’organisation, de moyens et de qualité que l’autonomie réelle sera à même d’être synonyme de confiance au service de l’efficacité et de la justice sociale du pays et au bénéfice de tous ».


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Extraits de mon intervention à l’Université d’Eté du PS – La Rochelle – le 27 août 2011
Atelier 17 : Transformer l’université pour la réussite des étudiants

Ce matin nous évoquons la transformation de l’université avec un objectif celui de la réussite des étudiants.
Le mot « transformation » me plaît car il évoque à la fois l’action (les actions à mener) et les résultats que nous en attendons.
Le choix du mot est loin d’être anodin
Le verbe €œtransformer€, primitivement €œtresformer€ (du XIIe au XIVe siècles), est formé du préfixe €œtrans€, une préposition latine signifiant €œau travers de€.
Le mot forme, lui, vient du latin €œforma€ qui est une métathèse (interversion de lettres) du nom morfé (grec μορφη / morfê) qui désigne à l’origine l’apparence puis rapidement l’identification et enfin une réalisation particulière concrète.
De sorte que le verbe €œtransformer€ signifie un €œchangement complet€, allant de part en part.
Certains penseront c’est bien le PS€¦ils ou elles parlent mais que proposent-ils ou proposent-elles?

J’y viens.
Evoquer une transformation revient à envisager un changement qui ne pourra être que complet€¦
Transformer nécessite donc de traiter des questions d’organisation et des problèmes de moyens ce qu’on pourrait désigner comme « l’ordre matériel » mais aussi de changer des façons de penser et de faire, ce qui évoque là un ordre culturel.
….

…Ayant parlé des moyens et de l’organisation, donc de l’ordre matériel, je voudrais dire quelques mots de l’ordre culturel€¦
Cet ordre culturel touche à la fois à la question de la reproduction sociale et à celle de la transmission des savoirs et des connaissances.

Les jeunes issus de milieux modestes restent largement sous-représentés dans l’enseignement supérieur.
En 2010, 27 % des étudiants étaient enfants d’ouvriers ou d’employés contre 53 % des jeunes actifs de la même classe d’âge.
Plus inquiétante encore est la baisse de la proportion des enfants de ces mêmes catégories socio-professionnelles chez les étudiants entre 2006 et 2010 ; celle-ci serait en effet passée de 35 à 31 %.
Parallèlement, la part des enfants de cadres et de professions intellectuelles serait passée de 32 % à 36 %.
Il y a donc une dégradation de la représentation des enfants des classes populaires dans l’enseignement supérieur.

Première piste
Lutter contre cette exclusion suppose d’agir sur plusieurs leviers.
L’un des plus importants est celui du statut social des étudiants.
Il faut une politique sociale étudiante digne de ce nom qui permette aux plus modestes d’accéder à l’enseignement supérieur.

Il faut aussi adapter l’orientation qui se joue en amont.
Il faut faire progresser intelligemment celle-ci : les bons élèves retardent d’autant la mise en chantier d’une orientation qui ne parle pas, alors que ceux « en difficultés » sont prématurément sollicités pour choisir un parcours, avec peu d’espoir de bifurcation en cas d’erreur durant une période où rien n’est solide.

J’en viens maintenant à €¦La transmission des savoirs et connaissances. Une de nos priorités doit être de lutter contre l’échec universitaire. Je citerai juste quelques chiffres et tracerai quelques pistes 80 % des bacheliers généraux obtiennent leur DEUG, dont 50 % en deux ans, contre seulement 40 % des bacheliers technologiques (18 % en deux ans) et 15 % des bacheliers professionnels (7 % en deux ans).

Deuxième piste pour y faire face…
On ne doit pas écarter de la réflexion et de nos propositions l’ensemble des filières qui à côté de l’Université même, accueillent la moitié des bachelier


 les sections de techniciens supérieurs (STS), qui accueillent plus de 100 000 bacheliers chaque année,

 les instituts universitaires de technologie, qui en comptent environ 45 000,

 ou encore les écoles, notamment celles des filières sanitaires et sociales.
Toutes ces formations, sélectives ou non, représentent l’enseignement supérieur court.
On ne peut réformer les premiers cycles si on ne prend pas en compte ces autres filières.
Je pense qu’il faut consolider l’ensemble de notre enseignement supérieur professionnel sans avoir pour objectif de créer sans cesse des filières nouvelles parce qu’elle serait incapable de rénover l’ensemble !
Quand les IUT et les STS ont été créés dans les années 1960, à quatre ans d’intervalle, on pensait, à l’époque, qu’ils allaient fusionner…

Troisième piste : Un autre enjeu important est celui de la qualité de la formation et de l’enseignement.

Il est clair que l’excellence vient et viendra du nombre d’enseignants et de chercheurs bien formés, motivés, et reconnus.
Elle viendra aussi de la qualité des moyens pédagogiques déployés.
Je le dis ici clairement les universités doivent s’intéresser à la formation de leurs enseignants y compris ceux qui interviennent comme vacataires, allocataires,€¦ qui enseignent notamment en première année.

Les progrès des étudiants en difficulté passent donc aussi par la formation à l’enseignement de tous les intervenants qui enseignent à l’université.
Nous devons avoir l’ambition de faire des tous les professeurs et enseignants des « ponts » selon l’expression de Nikos KAZANTSAKIS, qui invitent leurs élèves à les franchir !

Enfin les universités doivent se saisir du dossier stratégique de l’évaluation des étudiants.

Quatrième piste : il faut aussi revoir les modalités de l’évaluation.
Un rapport officiel du Ministère (de juillet 2007), très stimulant montre que l’évaluation actuelle des étudiants n’est pas un point d’appui pour les faire progresser ni pour leur faire partager les exigences qu’on a à leur égard€¦ Il propose plusieurs pistes très intéressantes : simplifier les modalités d’évaluation, les rendre cohérentes avec les objectifs de la formation, définir un contrôle continu efficace, mettre en place un contrôle qualité de l’évaluation etc€¦

Enfin aux efforts à faire en matière de formation des enseignants et d’évaluation des étudiants, il faut ajouter le soutien à donner au développement par les équipes de recherche et d’enseignement, elles-mêmes, d’objectifs et de normes de qualité évaluables de leur travail.
De telles modalités d’évaluation devraient évidemment tenir compte des moyens mis en Å“uvre par les universités et de la pluralité des disciplines académiques.

C’est au prix d’un triple effort d’organisation, de moyens et de qualité que l’autonomie réelle sera à même d’être synonyme de confiance au service de l’efficacité et de la justice sociale du pays et au bénéfice de tous.

Je vous remercie de votre attention.

Marietta KARAMANLI