Marietta KARAMANLI « Lutte contre les violences faites aux femmes : il faut mieux suivre l’évolution des violences au sein des familles et mieux évaluer les mesures décidées »

Menschliches_Auge_18px.gif

Le 17 janvier dernier la commission des lois de l’Assemblée Nationale auditionnait les auteurs M. Guy Geoffroy, rapporteur et Mme Danielle Bousquet, co-rapporteure, d’un rapport d’application de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Ce fut l’occasion pour moi de rappeler que souvent les violences intra-familiales (dans les couples) sont peu révélées et de m’interroger sur le fait savoir si la loi a permis aux femmes plus facilement de s’en libérer et de porter plainte si nécessaire.
Par ailleurs de nombreuses mesures ont été préconisées et certaines mises en oeuvre mais, en l’état, le suivi de leur déploiement et de l’atteinte des objectifs fixées paraît limité.
Ici comme ailleurs la réalité des mesures et des progrès réside dans l’exécution de ce qui est décidé.


Menschliches_Auge_18px.gif

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mardi 17 janvier 2012
Séance de 14 heures 25

Compte rendu n° 27, Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président

€“ Présentation du rapport d’application de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (M. Guy Geoffroy, rapporteur ; Mme Danielle Bousquet, co-rapporteure)

Mme Marietta Karamanli.

Je souhaite en premier lieu féliciter nos collègues Guy Geoffroy et Danielle Bousquet pour le travail important de contrôle de l’application de la loi du 9 juillet 2010 qu’ils viennent de mener ; je pense d’ailleurs qu’il faudra continuer à évaluer les suites du vote de cette loi. Après avoir entendu attentivement nos deux rapporteurs, j’aurai deux questions à leur poser.

Une enquête faite en 2007 ou 2008 €“ si je ne me trompe pas €“ sur le cadre de vie et la sécurité montrait que les femmes sont autant exposées aux violences physiques et sexuelles à l’intérieur du cadre familial qu’à l’extérieur : 3,3 % des femmes âgés de 18 à 59 ans déclaraient alors avoir été victimes d’au moins un acte de violences au sein de leur ménage, contre 3,4 % en dehors du cadre familial. Cette étude, menée juste avant le vote de la loi, montrait que les violences conjugales étaient peu révélées : un cinquième des victimes de violences physiques et un tiers des victimes de violences sexuelles auraient alors renoncé à porter plainte, à faire une main courante ou à se tourner vers les associations. Peut-on quantifier précisément les avancées que la loi a permises en cette matière ?

La deuxième question a trait au suivi des soixante et une préconisations du rapport d’information que vous aviez établi pour lutter contre les violences faites aux femmes : dispose-t-on d’un instrument de suivi précis de la mise en application de chacune de ces préconisations ?

M. Étienne Blanc.

A-t-on une idée précise de la proportion de mesures de protection qui aboutissent, s’agissant des couples mariés, à l’ouverture d’une procédure de divorce ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur.

Sur cette dernière question, la réponse est non ; tout au plus sait-on, comme l’évoquait Danielle Bousquet, que certaines juridictions semblent privilégier la procédure de divorce, quand elle fonctionne bien, plutôt que d’avoir recours à l’ordonnance de protection. En revanche, le croisement des deux procédures ne peut à ce stade être établi et analysé.

L’ordonnance de protection est une procédure qui n’implique ni dépôt de plainte, ni engagement d’une procédure de divorce, ne serait-ce que pour les couples non mariés€¦ Cette procédure nouvelle fonctionne très bien à Bobigny, grâce à une excellente collaboration des différents acteurs ; elle pourrait donc, sur ce modèle, très bien fonctionner partout ailleurs, pour peu que cet outil soit mieux connu ! En tout cas, la réussite de Bobigny valide la loi.

Je souhaiterais maintenant apporter quelques éléments de réponse à Mme Marietta Karamanli. Avec un recul de seulement un an, il est difficile d’avoir une appréciation précise des suites données aux différentes préconisations contenues dans le rapport d’information, notamment pour celles de ces propositions qui ont vocation à s’appliquer sur le long terme. Mais il est vrai que notre déception vient de l’absence de création d’un observatoire dédié aux violences conjugales. Lors du vote de la loi, il nous avait été objecté que l’observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale pourrait jouer ce rôle ; or, on constate aujourd’hui que ce n’est pas pleinement le cas, sans doute faute de moyens€¦

Mme Danielle Bousquet, co-rapporteure.

Faute de moyens, cela nous a été clairement dit !

M. Guy Geoffroy, rapporteur.

En tout état de cause, nous manquons d’éléments pour apprécier la situation et savoir si c’est l’aggravation du phénomène qui fait qu’on en parle plus ou bien si c’est le fait de davantage en parler qui fait prendre conscience de la gravité du phénomène des violences conjugales€¦ Nous manquons aussi de recul sur l’évolution de la perception qu’ont les victimes des violences subies et sur celle des pratiques des professionnels.

Mme Danielle Bousquet, co-rapporteure.

Au-delà des différents points de vue que l’on peut avoir sur ces questions, il ne fait pas de doute que nous manquons d’outils d’évaluation ; les enquêtes de victimisation ne sauraient suffire. Nous manquons d’un outil, qu’il soit dédié ou non à la question des violences conjugales. L’observatoire de Seine-Saint-Denis fonctionne bien : il analyse les données et fait d’utiles propositions€¦ Il est d’ailleurs au fondement du travail partenarial qui a été engagé dans ce département.