La semaine dernière le 12 octobre l’Assemblée Nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A. On soupçonne cet élément de modifier le système immunologique, d’avoir un effet négatif sur le développement et d’être cancérigène.
J’étais cosignataire de ce texte dont l’objet est d’interdire l’utilisation et, en amont, l’importation, l’exportation et la commercialisation de tout conditionnement alimentaire contenant cette substance chimique.
Comme je l’ai rappelé le 6 octobre en séance publique, avant le dépôt de cette proposition je suis intervenue à plusieurs reprises interrogeant la ministre de la santé sur la dangerosité de ce composant chimique qui « passe » dans le sang.
Ma première question date de mai 2008 soit il y a plus de trois ans et demi.
Plus récemment j’ai interrogé le gouvernement sur la mise en oeuvre des recommandations faites par l’ANSES, une agence d’Etat, (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) préconisant de ne pas faire chauffer les récipients contenant ce composant.
Le Gouvernement avait promis un nouveau rapport pour le début 2011 qui n’est pas venu.
Pour ces motifs, et en adoptant cette proposition de loi, les députés font en quelque sorte pression pour qu’une information soit rendue obligatoire auprès des consommateurs en attendant la mise en oeuvre opérationnelle de l’interdiction.
Dans mon intervention, consciente des enjeux économiques, j’ai indiqué qu’il fallait donner du temps aux entreprises qui n’avaient aucune autre solution technique équivalente mais avec un échéancier de mise en conformité et à la condition que l’Etat émette les dites précautions utiles. Il est à noter qu’une étude faite aux Etats-Unis montre que les entreprises abandonnent l’utilisation de ce produit plus rapidement que les autorités publiques ne le réglementent, de peur de procès et de voir les consommateurs se détourner de leurs produits
Autrement dit ce texte était nécessaire et est équilibré. Il faut attendre maintenant son adoption par le Sénat.
Très vigilante sur cette question, je ne manquerai de vous en informer.
Assemblée nationale, XIIIe législature, Session ordinaire de 2011-2012
Compte rendu intégral, Deuxième séance du jeudi 6 octobre 2011
« Conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A »
Mme Marietta Karamanli.
Cette proposition de loi vise à interdire l’utilisation et, en amont, l’importation, l’exportation et la commercialisation de tout conditionnement alimentaire contenant du bisphénol A.
Rappelons que cette proposition intervient alors que la France a pris du retard dans le durcissement de la réglementation, et que nous devons agir dans le cadre d’une application raisonnée du principe de précaution.
Il y a trois ans et demi, le 5 mai 2008, j’interrogeais la ministre de la santé sur la dangerosité du bisphénol A utilisé pour la fabrication des contenants alimentaires.
Trois semaines auparavant, l’office public de santé du Canada avait classé le bisphénol A au rang de substance dangereuse et en limitait l’utilisation.
Selon le gouvernement canadien, des études avaient déterminé que la principale source d’exposition des nouveau-nés et des nourrissons se produisait en cas d’exposition des contenants à une température élevée.
La ministre française venait alors de demander un avis à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments €“ AFSSA.
Le retard pris pour mettre en oeuvre des recommandations en direction des consommateurs
En mars 2010, j’écrivais à nouveau à la ministre pour lui demander quelle suite elle entendait donner à la recommandation, faite quelques mois auparavant par l’AFSSA, d’éviter de chauffer à forte température les biberons ou récipients contenant des aliments, notamment liquides.
Cette recommandation tendait à confirmer l’existence d’un risque pas ou peu connu des familles, et pour lequel une information claire et suffisante devait être faite en direction des acheteurs et des utilisateurs de produits contenant du BPA.
Dans sa réponse, la ministre faisait valoir que la loi du 30 juin 2010 suspendait la mise sur le marché de biberons produits à base de BPA jusqu’à l’adoption d’un avis motivé de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail €“ ANSES €“ et m’indiquait que le Gouvernement soumettrait un rapport au Parlement, au plus tard le 1er janvier 2011.
En août 2010, j’écrivais à nouveau à la ministre en lui demandant comment elle comptait mettre en Å“uvre l’avis de l’ANSES qui recommandait d’étiqueter systématiquement les ustensiles ménagers en contact avec les aliments et contenant du BPA €“ boîtes en plastique notamment €“ afin d’éviter leur utilisation pour un chauffage excessif des aliments.
La ministre m’a répondu qu’il convenait, je cite, de « poursuivre le travail d’expertise afin de mieux caractériser le risque », mais n’annonçait aucune mesure d’information des consommateurs malgré l’avis de l’agence.
Que faut-il inférer de ces échanges ? Un retard, non seulement à interdire le bisphénol A, mais encore à informer simplement les consommateurs des mesures à prendre pour éviter toute réalisation d’un risque certes potentiel, mais nullement imaginaire.
Face à ce retard, il est nécessaire de poser une interdiction motivée par une application raisonnée du principe de précaution.
Appliquer le principe de précaution
La plupart des avis publiés par les diverses autorités impliquées dans la sécurité alimentaire indiquent que l’exposition de la population au BPA, y compris celle des jeunes enfants, ne semble pas inquiétante pour la santé.
Toutefois, ces mêmes avis s’accordent à considérer que des incertitudes persistent.
Le principe de précaution renvoie à un devoir de prudence que l’État ou les autorités administratives doivent mettre en Å“uvre.
Adapter le délai de mise en oeuvre en prenant les garanties nécessaires
C’est vrai, la question du délai de mise en Å“uvre, initialement prévue au 1er juillet 2012, se pose. Il sera peut-être repoussé, nous verrons plus tard.
Une étude publiée en 2010 aux États-Unis montre que l’industrie, face aux risques de détournement des consommateurs et de litiges, s’adapte plus rapidement que le régulateur.
La date proposée pourrait être revue à deux conditions : que les entreprises ne puissent se prévaloir d’aucune autre solution technique équivalente dans le délai imparti €“ mais avec un échéancier de mise en conformité €“ et que le Gouvernement, dont c’est la responsabilité, mette en Å“uvre l’avis de l’ANSES rendant obligatoire toute l’information utile aux consommateurs.
Ainsi pourraient être garanties la sécurité des consommateurs et l’adaptation de l’industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président.
La discussion générale est close.