Marietta KARAMANLI s’inquiète de l’avenir du programme ERASMUS pour la mobilité des étudiants

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A l’occasion de la présentation, devant la commission des affaires européennes, le 13 novembre dernier d’un rapport d’étape sur le dispositif « ERASMUS » élaboré par ma collègue députée, Mme Sandrine Doucet, en vue d’examiner son extension et sa démocratisation, j’ai souligné la nécessité de trouver une solution à son maintien.
Le programme dit ERASMUS (pour European Region Action Scheme for the Mobility of University Students) a pour objectif l’échange d’étudiants et d’enseignants entre les universités et les grandes écoles européennes. Dans ce cadre, une bourse est attribuée aux étudiants dont le montant varie en fonction du coût de la vie dans le pays d’accueil.
Selon le Président de la commission des budgets du Parlement européen, les caisses du Fonds social européen seraient vides et les programmes qui en dépendent seraient, tour à tour, en cessation de paiement si les Etats ne leur viennent pas rapidement en aide.
Parmi eux figure le programme ERASMUS.
La question de son financement reste posée avec les incertitudes relatives à l’adoption du budget européen pour 2013, question sur laquelle je reviendrai.
J’ai, par ailleurs, souligné l’opportunité de solliciter les collectivités territoriales, comme les régions en France et dans les autres Etats membres pour, le cas échéant, venir compléter l’aide européenne au profit des étudiants.
De façon générale la communication d’étape a souligné les évolutions envisagées par l’Europe : un programme plus large , des enveloppes budgétaires dédiées à plusieurs actions mais avec une possibilité de les fondre (fongibilité), une dénomination sous un vocable anglais…et, malgré l’ objectif de progression des moyens budgétaires nécessaires, la question de la pérennité des moyens. Concernant l’extension une formule de prêt serait envisagée et réservée aux master 2 (bac + 5).
Sur ce sujet important pour faire l’Europe et la faire aimer, les intentions ne suffisent, il y faut de la volonté et des moyens.
J’y serai attentive.
Marietta KARAMANLI


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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES, Mardi 13 novembre 2012

Présidence de Mme Marietta Karamanli, Vice-présidente,
puis de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30

I. Communication de Mme Sandrine Doucet sur la démocratisation d’Erasmus

Mme Sandrine Doucet.

J’ai souhaité aujourd’hui faire une communication d’étape sur Erasmus devant votre commission, compte tenu à la fois des difficiles négociations budgétaires en cours et de l’importance même de ce programme, comme des propositions de réformes avancées par la Commission européenne.

L’auberge espagnole, le film de Cédric Klapich, succès populaire, et néanmoins vecteur d’une démocratisation d’Erasmus, risque de n’être plus qu’un souvenir pour étudiants nostalgiques, si le Comité de conciliation entre le Parlement et le Conseil ne trouve pas de consensus pour accorder une rallonge budgétaire aux 90 millions d’euros manquants pour financer les programmes des années 2012 et 2013.

Quant au projet de règlement instituant Erasmus pour tous, qui doit être voté en Commission culture du Parlement européen, le 26 novembre, il risque de ressembler davantage aux Poupées russes, si les propositions de la rapporteure Mme Doris Pack sont suivies par la Commission, à savoir un redécoupage de l’ensemble des programmes à l’intérieur d’une enveloppe globale, sans que pour autant, l’ensemble du programme paraisse identifiable à travers le nouveau vocable suggéré « Yes Europe » pour Youth, Education and Sport.

Le nouveau programme, pour 2014-2020, agrège, en effet, aux différents programmes pour l’éducation, Erasmus, Comenius, Grundtvig et Leonardo da Vinci, un programme spécifique pour la jeunesse ainsi qu’un programme spécifique pour le sport.

L’éducation, comme vous le savez, n’est ni une compétence exclusive de l’Union européenne, ni une compétence partagée, mais, aux termes du Traité, une compétence d’appui. Cette précision juridique et sémantique n’est en rien anodine. Elle met en exergue deux éléments : tout d’abord en cas d’assèchement budgétaire des financements en provenance de l’Union européenne, les agences nationales des différents Etats membres pourraient suppléer l’Union européenne, temporairement, pour financer ces programmes. Deuxièmement, l’action de l’Union dans ce domaine est possible, mais elle n’est pas véritablement obligatoire.

Dans le cas qui nous préoccupe, la pérennité du financement des programmes Erasmus pour l’année 2012 et pour l’année 2013, et le vote de crédits substantiels pour le projet de règlement Erasmus pour tous, programme de financement pluriannuel pour 2014-2020, n’est dès lors, en rien assuré, et repose clairement sur la volonté des Etats membres, en situation de crise financière et budgétaire, d’accepter une rallonge budgétaire pour financer les engagements qu’ils ont voté en 2006, et de ne pas obérer l’avenir en ce qui concerne les perspectives financières pour 2014-2020.

Dit autrement : le risque d’une renationalisation de la politique d’éducation, de la mobilité dans l’enseignement supérieur, de la mobilité des travailleurs européens est clairement à redouter. Ce sont bien des interlocuteurs inquiets que nous avons rencontrés lors des auditions que nous avons menées en amont de cette communication.

Ces inquiétudes pourtant ne sauraient s’expliquer. La stratégie « Europe 2020 » fait de la mobilité des travailleurs ainsi que de l’acquisition d’un haut niveau de qualification une des clés d’une croissance durable. Il semble dès lors paradoxal que les programmes Erasmus, par là nous entendons par souci de simplification sémantique, l’ensemble des programmes relatifs à l’éducation, répondant parfaitement aux objectifs d’une stratégie ayant été définie au plus haut niveau, soient l’objet de marchandages, sur des montants relativement peu élevés, alors qu’ils représentent un pourcentage relativement faible eu égard à l’ensemble du budget européen.

En effet, les programmes relatifs à l’éducation et à la mobilité ne répondent pas uniquement aux préoccupations légitimes consistant à assurer une « croissance intelligente, inclusive et durable », ils permettent également la fondation d’une identité et d’une citoyenneté européennes.

A ce titre, l’objectif d’une démocratisation des programmes Erasmus s’avère donc plus qu’essentielle, outre le respect du principe d’égalité inhérent à toute tentative de démocratisation, dans la mesure où il innerve la possibilité pour chaque citoyen européen par la mobilité professionnelle, lors de ces études, ou à n’importe quel autre moment de sa vie, d’aller à la rencontre d’autres citoyens européens pour une période plus ou moins longue.

Le projet de règlement Erasmus pour tous répond partiellement à cet objectif à travers trois dispositifs :

€“ une enveloppe globale consacrée à l’éducation, à la possibilité d’ d’offrir à tous les âges de la vie, une mobilité professionnelle au sein de l’espace communautaire, sans distinction de programmes, sous différentes formes et durées, d’où le choix du vocable « Erasmus pour tous » ;

€“ la mise en place d’un dispositif destiné à élargir le financement de la mobilité, sous une forme autre que celle des bourses allouées aux étudiants, par un mécanisme de prêts, pour la préparation d’un master sur une ou deux années ;

€“ une augmentation du budget destiné à financer ces programmes pour les années 2014-2020, à hauteur de 70 %.

La Commission envisage de favoriser la mobilité de 5 millions de personnes d’ici 2020, à comparer à l’estimation de 2,8 millions de bénéficiaires du programme 2007-2013. Le programme pour 2014-2020 prévoit 19,1 milliards d’euros dont 63 % devrait être attribués à l’action clé (mobilité des individus à des fins d’apprentissage).

La démocratisation des programmes Erasmus, essentielle pour construire une Europe politiquement et économiquement forte, ne saurait se réduire à ces trois seuls dispositifs, elle sera développée dans le projet de rapport qui sera présenté ultérieurement devant votre commission.

Pour l’heure, dans le cadre de cette communication d’étape, il s’agit de répondre aux risques que les dissensions sur le texte en discussion font porter à ce dispositif.

En premier lieu le nom. Imagine-t-on sérieusement que le vocable « Yes Europe » puisse évoquer pour les citoyens européens le programme phare de la mobilité européenne ? Qu’en est-il dès lors de la sauvegarde du multilinguisme lorsque l’on choisit un acronyme anglais qui n’a de signification et de portée que dans la langue anglaise ?

€œWhat’s in a name? that which we call a rose By any other name would smell as sweet1€ car contrairement aux vers de Juliet dans Romeo and Juliet, ce n’est pas le contenu qui importe lorsque le nom ne permet plus d’identifier ce même contenu !

Erasme ne représente-t-il pas, en effet, l’émergence, dès la Renaissance, d’une identité européenne comme aime à le rappeler Stephan Zweig dans l’excellente biographie qu’il lui a consacré ? Et l’expression €œpour tous€, l’enjeu d’un programme qui souhaite s’adresser non plus aux seuls étudiants mais à l’ensemble des citoyens européens, à tous les âges de la vie ? Dans la crise de confiance que traverse actuellement l’Europe, il y aurait trop à perdre à sacrifier au symbolisme que le terme €œErasmus pour tous€ représente, car outre la démocratisation, la mobilité, ce sont également les valeurs humanistes d’un des premiers pionniers de la République des Lettres qu’Erasme incarne.

Par ailleurs, il importe pour des raisons budgétaires que la globalisation de l’enveloppe demeure à condition de séparer les programmes Jeunesse et Sport adjacents au programme Education proprement dit. Une fongibilité des crédits au sein de ce même programme serait néanmoins bienvenue pour permettre une plus grande flexibilité dans l’attribution des bourses en fonction de la demande si un pourcentage de répartition de l’enveloppe globale était garanti a minima. Le volume global, celui demandé par la Commission, doit être soutenu afin de répondre aux objectifs de démocratisation du programme et à ceux d’une Europe de la connaissance fondée sur €œune croissance durable, intelligente et inclusive€ telle que définie par la stratégie Europe 2020. Ce ne sont pas les programmes assurant la cohésion sociale et l’identité européenne qui doivent faire l’objet de coupes sombres !

Les incertitudes de financement des programmes actuels mettent bien en évidence l’asymétrie de situations au sein de l’Union. Les agences nationales peuvent sur leurs fonds propres, temporairement, mais également avec l’aide des Etats membres, assurer le financement des bourses pour l’année en cours. Mais cela dépend de deux facteurs, les fonds propres des agences, mais également la volonté des Etats membres, au regard des objectifs nationaux d’assurer ce financement supplémentaire.

Selon les chiffres de la DG Culture ce sont les agences nationales suivantes qui ont demandé une rallonge budgétaire que la Commission, du fait du déficit de 2012, ne peut pas leur fournir : l’Allemagne (32 millions d’euros), l’Autriche (6,3 millions d’euros), la Belgique, communauté française (3 millions d’euros), la Belgique, communauté flamande (4 millions d’euros), l’Estonie (2,75 millions d’euros), l’Irlande (2,2 millions d’euros), la Lituanie (4,3 millions d’euros), la Pologne (29,5 millions d’euros), la République slovaque (5 millions d’euros), la République tchèque (7 millions d’euros), le Royaume-Uni (19 millions d’euros) et la Slovénie (2,7 millions d’euros). D’ici la fin de l’année d’autres demandes devraient venir pour un montant total de 100 millions d’euros, de la Lettonie, de la Suède, de la Belgique (communauté germanophone), du Danemark, de Malte, de la France, de la Croatie, de la Hongrie, des Pays-Bas, de la Suisse, de la Norvège, de la Roumanie et de la Grèce.

Dernier point : la création d’un mécanisme de prêt garantissant le financement d’une à deux années de master dans une université européenne partenaire. La Commission a bien précisé que ce mécanisme de prêt n’était destiné qu’aux seuls étudiants de master et ne devait en aucune manière remplacer les bourses existantes. C’est une novation s’adressant aux étudiants ne pouvant financer sur leurs fonds propres leur mobilité, non éligibles aux autres programmes, et souhaitant néanmoins effectuer une mobilité universitaire. La garantie qui leur est offerte n’est pas négligeable à condition que les seuls critères académiques soient pris en compte, quels que soient l’origine sociale des étudiants ou le cursus envisagé. Y renoncer serait préjudiciable à une possibilité d’élargissement du programme Erasmus. Néanmoins ces garanties doivent figurer dans le texte adopté de même que le caractère exceptionnel de ce dispositif qui n’a pour objectif de remplacer dans les autres programmes les bourses existantes.

Je terminerai par une citation extraite de l’Eloge de la Folie2 : €œLa fortune aime les gens peu sensés ; elle aime les audacieux et ceux qui ne craignent pas de dire: « Le sort en est jeté ». La sagesse, au contraire, rend timide.€

Soyons donc audacieux en soutenant un financement d’envergure des programmes Erasmus au moment où nous célébrons les 25 ans de leur création !

En attendant que notre commission se prononce sur le rapport «la démocratisation d’Erasmus» que je présenterai ultérieurement, je vous propose d’adopter les conclusions d’étape

M. Jacques Myard.

Après l’éloge de la folie, on pourrait parler du Traité de l’insolence ! Erasmus devrait être appliqué à certains dirigeants européens afin qu’ils puissent comprendre la culture des peuples européens. Quand Mme Merkel se rend au Portugal, il aurait sans doute été nécessaire qu’elle apprenne à connaître les autres. Je partage tout à fait les propositions de la rapporteure. Erasmus est un système qui incite les jeunes à bouger. Cela ne peut être que bénéfique d’autant que lorsque l’on revient, on s’aperçoit parfois que les conditions ne sont en définitive par si mauvaises dans notre pays

La Présidente Marietta Karamanli.

Je partage les analyses de la rapporteure.
Erasmus est en effet un exemple pour les citoyens européens et permet d’ancrer l’Europe dans les mentalités.
S’agissant du financement, je regrette que le problème ne soit pas résolu.
Il serait souhaitable que dans le rapport définitif, soit abordée la question de la contribution des collectivités territoriales dans l’ensemble des États membres .
Elles sont en effet sollicitées et contribuent au financement du dispositif. Elles pourraient participer à son extension.

Mme Sandrine Doucet.

Nous avons effectivement posé à l’agence 2E2F la question de la contribution des régions au financement du programme et à l’accompagnement des jeunes. S’agissant des niveaux de financement, il existe une grande disparité entre les régions. Ainsi la région Aquitaine finance onze programmes de ce type. En tout état de cause, je traiterai de la question dans le cadre de mon rapport.

Les conclusions proposées ont été adoptées à l’unanimité.