Marietta KARAMANLI suggère que les parlements nationaux coopèrent mieux en matière de défense en Europe et s’inquiète de l’avenir du Conseil de l’Europe et de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

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Le 26 septembre 2010 à l’occasion de l’audition par la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale de Monsieur Mevlüt ÇavuÅŸoÄŸlu, Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, je me suis à nouveau inquiétée de la disparition de l’Union de l’Europe Occidentale. Celle-ci est la seule organisation européenne de défense collective qui regroupe tous les Etats appartenant à l’Union européenne et à l’OTAN, des pays de toute l’Europe non adhérents à l’Union mais membres de l’OTAN (membres associés), des pays européens membres de l’Union pas non adhérents à l’OTAN (Etats observateurs) et des pays associés partenaires, n’appartenant ni à l’OTAN, ni à l’UEO. J’ai suggéré que l’Assemblée Nationale adopte une résolution permettant aux parlements nationaux de se rencontrer et de collaborer ensemble afin de ne pas laisser les gouvernements seuls décider des orientations en matière de défense. Par ailleurs j’ai rappelé l’importance du Conseil de l’Europe qui n’est pas l’Europe des 29 (celle de « Bruxelles » !) mais une institution regroupant sur la base d’un traité 47 Etats du continent. Le Conseil de l’Europe, dont le siège est à Strasbourg (France), regroupe aujourd’hui, en effet 47 pays membres, la quasi-totalité du continent européen. Créé le 5 mai 1949 par 10 Etats fondateurs, le Conseil de l’Europe a pour objectif de favoriser en Europe un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres textes de référence sur la protection de l’individu. Cette défense des droits de l’homme est fondamentale. De nombreux recours sont faits par des justiciables Français lorsqu’ils estiment ne pas avoir eu satisfaction devant l’ordre juridique français notamment quand une liberté est en jeu. Je plaide pour que les résolutions adoptées par son assemblée parlementaire ( Organe délibérant, l’APCE est le moteur du Conseil de l’Europe. Elle est à l’origine de nombreux traités internationaux, contribuant à créer un espace législatif pan européen. Ses représentants sont nommés par les parlements nationaux de chaque Etat membre) soient plus contraignantes lorsque les libertés et les droits des individus sont en cause.


Commission des affaires européennes, mardi 28 septembre 2010, 16 h 45, Compte rendu n° 162, Présidence de M. Pierre Lequiller Président
I. Audition de M. Mevlüt ÇavuÅŸoÄŸlu, Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

Mme Marietta Karamanli.

Le Président de notre délégation a très bien exprimé nos craintes concernant l’avenir du Conseil de l’Europe, renforcées par le sort réservé à l’Union de l’Europe occidentale (UEO). A ce propos, je souhaiterais que le Parlement puisse débattre et prendre position, voire proposer une alternative, en adoptant une résolution, à l’instar d’autres parlements nationaux d’Etats membres de l’Union européenne.

Pour revenir au Conseil de l’Europe, le prétexte du financement ne doit pas être exploité. Il est tout à fait possible de poursuivre la coopération au sein du Conseil de l’Europe, d’autant que celle-ci implique quarante-sept membres, ce qui est mieux que vingt-sept.

Quels arguments permettent de répondre à celui des économies financières, avancé par le Parlement européen ? Comment serait-il possible, sans le Conseil de l’Europe, d’assurer un suivi de la part des parlements nationaux des Etats extérieurs à l’Union européenne ? La difficulté du Conseil de l’Europe n’est-elle pas qu’il se contente d’adopter des résolutions, lesquelles ne s’imposent pas forcément aux Etats ?

Mevlüt Çavuşoğlu.

L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne fait en effet doublon avec notre institution et nos efforts. Nous avons certes des problèmes budgétaires alors que cette agence est suffisamment financée. Mais notre objectif est que les droits de l’homme répondent à un standard unique, édicté par le Conseil de l’Europe et contrôlé par la Cour européenne des droits de l’homme. L’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de droits de l’homme est un bon exemple.

Nous nous sommes efforcés d’améliorer la coopération avec l’Union européenne, non seulement au niveau présidentiel €“ entre notre comité des présidents et la conférence des présidents du Parlement européen €“ mais également au niveau des comités, groupes de travail, rapporteurs, experts, etc. Nous leur proposons de travailler ensemble. L’APCE dispose d’une bonne expertise et agit dans de nombreux domaines, elle fait profiter le Conseil de l’Europe de ses rapports et recommandations. Quand je présidais la commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’APCE, j’ai proposé l’organisation de séances conjointes avec des commissions du Parlement européen ; nous l’avons fait, par exemple, pour les visas, mais les choses n’ont pas été plus loin.

Nous avons donc consacré des efforts à cette coopération mais nous n’en sommes malheureusement guère satisfaits. La dernière séance conjointe entre le comité des présidents et la conférence des présidents fut cependant assez prometteuse : l’idée de la création d’un organe informel pour maintenir le dialogue autour d’axes précis a été formulée. Nous cherchons les moyens de formaliser cette relation entre les deux institutions. Ce sera le cas lorsque le Parlement européen voudra se joindre à nous pour participer à l’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme. Il n’en reste pas moins que la coopération, à ce stade, n’est pas très satisfaisante.
Le processus de réformes lancé avec le nouveau secrétaire général du Conseil de l’Europe se traduit d’ores et déjà par de nouvelles idées et politiques mais ce processus est très récent. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux l’a déjà entamé, avec notamment la modification du nombre de commissions, mais, pour ce qui concerne l’APCE, nous accusons un certain retard. C’est pourquoi je propose que nous mettions sur pied, durant notre session d’octobre, un comité ad hoc, composé de dix ou onze parlementaires, après quoi le bureau donnera un avis définitif. Les membres de ce groupe de travail seront élus démocratiquement mais j’espère que notre collègue Mignon pourra le présider car il s’est longuement consacré à ces questions et a avancé de très bons arguments. L’objectif est de rendre le Conseil de l’Europe plus pertinent, plus efficace, en le recentrant sur les grandes questions politiques, tout en renforçant sa visibilité, notamment du point de vue de l’Union européenne.

La réforme de la Cour européenne des droits de l’homme est essentielle. La présidence suisse a organisé à Interlaken une conférence consacrée à cette question et le suivi sera assuré pendant la présidence turque, à Izmir, en avril prochain. Presque tous les Etats membres avaient envoyé des ministres à Interlaken ; nous attendons la même participation à Izmir. La ratification du protocole no 14 a déjà entraîné un changement de structures de la Cour mais je crois que les Etats membres se sentent davantage responsables que le Conseil de l’Europe lui-même quant à l’avenir de cette juridiction.

Tout le système du Conseil de l’Europe sera donc affecté par la réforme qui vient de commencer. Au final, il conviendra de convoquer un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement afin d’adopter les décisions les plus importantes.

Quel sera l’avenir du Conseil de l’Europe ? Bonne question ! Je ne pense pas qu’il finisse comme l’UEO, organisation au sein de laquelle je représente également la Turquie. Nous n’avons malheureusement pas pu faire grand-chose pour cette institution. Peut-être l’Union européenne fera-t-elle une nouvelle proposition dans le domaine de la coopération pour la sécurité en Europe. Avec le processus d’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne des droits de l’homme, je pense que nous nous orientons vers une maison unique et un système de norme unique pour les droits de l’homme en Europe. C’était l’idée qui animait les pères fondateurs du Conseil de l’Europe, en 1949. Si le Conseil de l’Europe peut gagner en pertinence et en visibilité, l’Europe sera plus respectable et mieux respectée.

Nous rassemblons quarante-sept pays, c’est-à-dire davantage que l’Union européenne, à laquelle vingt-sept de nos membres appartiennent également. Nous rencontrons certes des difficultés budgétaires, nous en tenons compte dans notre processus de réformes. Comment accroître notre budget et surtout comment devenir plus performants, plus efficaces, à budget inchangé ? Nous avons besoin de l’Union européenne : elle a l’argent, nous avons le savoir-faire. Nous devons travailler ensemble, dans l’intérêt de l’ensemble de l’Europe, pour promouvoir les valeurs démocratiques et des droits de l’homme.

La place de Strasbourg dépend de l’Union européenne. Cette ville accueille de nombreuses institutions européennes : le Parlement européen, le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme. Malgré le TGV Est, sa situation n’est pas très commode, il n’est pas facile de s’y rendre €“ la compagnie aérienne Turkish Airlines a même supprimé son vol direct. Cet aspect n’est cependant pas le seul à considérer. Strasbourg est incontestablement la capitale du Conseil de l’Europe et elle peut être la capitale de l’Europe si l’Union européenne soutient cette idée.