« Pour une nouvelle étape de la décentralisation » par Marietta KARAMANLI

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Vendredi 2 mars, la fédération du parti socialiste de la Sarthe organisait à Mulsanne une réunion-débat à propos des 30 ans de l’ « acte I de la décentralisation ».
Y participaient notamment Sylvie Eslan pour les conseillers régionaux, Guy-Michel Chauveau, représentant les maires, Christophe Counil pour les conseillers généraux et Stéphane Le Fol, Premier fédéral.
Ce fut l’occasion pour moi de mettre en perspective l’histoire de la décentralisation depuis 1982, d’évoquer les lois récentes adoptées sous la législature actuelle (depuis 2007), de dresser les enjeux et des pistes d’action pour le troisième acte proposé par François HOLLANDE.
Je suggère notamment

 d’agir par la concertation,

 de mieux tenir compte des bassins de vie,

 de clarifier les coopérations et diminuer les coûts,

 de maintenir un service public de proximité,

 de « redonner » aux collectivités le pouvoir de déterminer leurs ressources par l’impôt; celui-ci a diminué, l’Etat accordant des réductions et exonérations et les compensant par des dotations qu’il « gèle » aujourd’hui.
Je suis déterminée à faire en sorte que le nouvel acte de la décentralisation soit au service des citoyens et de leurs besoins.


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Le texte de mon intervention

I Un peu d’histoire et de mise en perspective

Depuis les réformes de décentralisation initiées à partir de 1982 par François Mitterrand et la Gauche au pouvoir, notre République est devenue une République véritablement décentralisée.
La réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 a en tiré quelque part les conséquences puisque l’article 1 de la Constitution indique désormais que « l’organisation de la République est décentralisée ».
Aujourd’hui, (au moins théoriquement) nos collectivités gèrent librement les affaires relevant de leur compétence et décident de leur budget.
Selon notre Constitution, le principe de libre administration implique qu’elles puissent disposer de ressources suffisantes pour exercer effectivement leurs responsabilités, mais aussi que le nombre et le poids de leurs dépenses obligatoires ne soient pas excessifs.
La plupart des collectivités suivent les mêmes règles de fonctionnement définies par la Constitution et les lois et décrets.
Elles sont dites de droit commun.
Nos collectivités sont composées :

 d’une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct (conseils municipal, général ou régional),

 d’un pouvoir exécutif élu en son sein par l’assemblée (maire et ses adjoints, présidents des conseils général et régional)€¦Ã§a n’était pas le cas pour les départements avant 1982-83€¦ni pour les régions a fortiori qui n’ont été érigées en collectivités territoriales qu’en 1982 avec désignation de leurs conseillers en 1986.
Pour faire simple la décentralisation ce sont des collectivités autonomes, avec des responsables élus et des ressources garanties et suffisantes.
On lui oppose la « déconcentration » où c’est l’Etat qui décide par des fonctionnaires nommés et situés à proximité des citoyens.
Un auteur a dit c’est « le même marteau (sous-entendu l’Etat) mais dont on a raccourci le manche » dont rien à voir avec l’autonomie et l’élection et donc avec la décentralisation.

II Les réformes de la législature qui s’achève

Je ferai deux observations :

 l’une sur l’illogisme des réformes,

 l’autre sur la question des ressources modifiées et diminuées
L’illogisme des réformes
Ce qui marque et marquera les réformes concernant les collectivités territoriales de la législature qui s’achève c’est l’absence de cohérence des textes législatifs modifiant la décentralisation.
Je ferai bref.
1) La loi de finances (fin 2009) pour 2010 a modifié significativement les impôts locaux.
2) Celle du 16 décembre 2010 a changé l’organisation territoriale, a créé un nouveau type d’élu local, le conseiller territorial qui siègera à la fois au conseil régional et au conseil général de son département d’élection.
La même loi a fixé le principe de partage des compétences entre l’ensemble des collectivités territoriales en maintenant pour les seules communes, une compétence générale et en la supprimant pour les départements et les régions, et ce, à compter du 1er janvier 2015.
La loi de décembre 2010 renvoie aussi à une autre loi, à venir, les compétences particulières que celle-ci leur attribuera.

Logiquement, il aurait d’abord fallu

 fixer les missions et leur bon niveau d’exercice,

 pour ensuite déterminer l’organisation et les moyens et donc les ressources.

Cela n’a pas été fait et les députés socialistes, qui l’ont dénoncé depuis le début de l’annonce des réformes de la décentralisation, ne peuvent que le regretter.
Le Gouvernement a fait l’inverse, comme en matière de réforme de l’État où il décime les organisations et les fonctionnaires avant de réfléchir aux priorités et aux missions.
Ma deuxième observation porte sur les ressources des collectivités qui sont modifiées et fragilisées.
La réduction du champ de la richesse fiscale économique
La suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale a conduit à une réduction de la base de la richesse économique sur laquelle les collectivités territoriales pouvaient s’appuyer pour ajuster leurs ressources à leurs charges
Pour ne prendre que cet exemple la CTE ne représente plus que 9,6 Mds ‚¬ pour les communes et leurs groupements alors que la taxe professionnelle représentait 17,5 Mds ‚¬ de ressources.
La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) composante de la CTE bénéficie à quelques territoires urbains là où se concentrent les sièges sociaux et certains équipements alors que les anciens territoires industriels n’ont plus souvent que la contribution foncière des entreprises (CFE).
Aucun nouveau rééquilibrage significatif pour les collectivités n’a été proposé par le gouvernement.
Le gel des dotations de l’Etat aux collectivités locales
Les crédits de la mission « relations avec les collectivités territoriales » représentent en 2012 2,2 mds ‚¬ en autorisations d’engagements et 2,1 mds ‚¬ en crédits de paiements.
Leur augmentation entre 2011 et 2012 est de€¦0% !
Cette évolution faciale ne reflètera évidemment pas la réalité à la fin 2012.
En effet l’inflation sur douze mois sera vraisemblablement de 2,1 % fin 2011 soit 0,5 % de plus que prévue fin 2010 et elle sera vraisemblablement de 1,7 % fin 2012.
Ce sont d’emblée plus de 50 millions ‚¬ qu’il aurait fallu mettre pour conserver la valeur faciale des crédits à leur niveau de 2011.
Le gel des dotations de l’Etat vaut donc diminution des concours de l’Etat.
Jusqu’il y a peu, la plupart des dotations, notamment les dotations de compensation, étaient indexées sur l’inflation et sur la moitié de la croissance.
Je me permettrai ici de rappeler que le terme de dotations est inadéquat dans la mesure où il s’agit de compensations d’impôts locaux que l’Etat a modifiés ou supprimés créant ainsi de son propre chef une dépendance croissante des collectivités vis-à-vis du niveau central.
Cette indexation tenait précisément au fait que ces dotations remplaçaient des ressources qui croissaient comme l’inflation et comme la croissance.
Depuis deux ans les dotations ne soient plus indexées alors qu’elles ont remplacé des ressources dynamiques.
Il est impératif que cette substitution, sans fin, des recettes fiscales par des dotations non garanties prenne fin sauf à ce que l’autonomie des collectivités territoriales ne devienne un principe vidé de son contenu.
Parallèlement le fonds FCTVA va diminuer en 2012 de 500 M‚¬.

III Les enjeux et les pistes d’évolution

Est évoquée une troisième « vague », « étape » ou « acte » de la décentralisation après celui des années 1980, évoqué, puis celui des années 2000 (avec la réforme constitutionnelle et l’inscription des principes (droit à l’expérimentation, référendums locaux) et le transfert de compétences nouvelles.
Je ferai juste une observation sur cet « acte 2 » qui a transféré des compétences mais n’a pas transférer les ressources en tenant compte de l’évolution démographique et économique€¦la loi du 13 août 2004 a fait notamment du département le chef du fil en matière d’action sociale (prestations d’action sociale) sans que les ressources aient suivi€¦

Concernant l’avenir, je souhaite faire quelques observations qui constituent autant de principes forts mais ouvrent la discussion sans la fermer.

 nationalement il nous faut adopter une méthode logique et efficace, de concertation et délibération en vue de préparer intelligemment le troisième acte (voir ce que j’ai dit « contre » ce qu’a fait le gouvernement et la majorité sortante),

 localement, il faut tenir compte des bassins de vie et faire vivre l’aménagement du territoire (éducation, santé, développement économique)€¦je m’aperçois que l’Etat ne se préoccupe pas de cette dimension€¦ni d’ailleurs certaines collectivités€¦quand j’étais conseillère générale je demandais régulièrement à avoir une carte des projets et aides économiques€¦ce qui n’est jamais venu€¦

 il nous faut aussi garantir une compétence générale à tous les niveaux€¦pour assurer le maintien et l’accompagnement des projets d’investissement publics et de la vie associative€¦

 il nous faut simplifier et clarifier les coopérations locales et diminuer les coûts et surcoûts qui en résultent,

 nous devons aussi avoir l’objectif de maintenir un service public de proximité de l’Etat qui soit le garant de l’application de loi et assure une bonne coordination des compétences des collectivités ; je ne prendrai qu’un exemple en matière de transports ; en l’état l’exercice des compétences des régions revient à ce que (je caricature) peu de monde se préoccupe au delà du TGV des liaisons hors et entre régions ! Ainsi la ligne classique Le Mans €“Paris est la grande perdante d’une absence de coordination par insuffisance de l’Etat.

 S’agissant des ressources, il faut redonner aux collectivités une autonomie réelle avec une fiscalité locale qui ait une base dynamique et qui assure par des péréquations, tenant compte effectivement des richesses réelles des contribuables, la justice sociale. [[Le projet de loi de finances pour 2012 a instauré un fonds de péréquation au niveau communal et intercommunal. De 250 Millions ‚¬ en 2012, il devrait atteindre 1 Milliard ‚¬ en 2015. La péréquation tend normalement à attribuer aux collectivités défavorisées une partie des ressources des collectivités les plus  » riches » mais ici la péréquation n’a pas pris en compte que la taille et pas vraiment la richesse. Le groupe socialiste a déposé et soutenu plusieurs amendements visant à mieux prendre en compte la situation réelle des territoires et communes dans le cadre de la péréquation horizontale : exclusion des communes bénéficiaires de la Dotation de Solidarité Urbaine (DSU) ; mise en Å“uvre d’un indice synthétique de ressources et des charges, incluant notamment le revenu des habitants ; prise en compte de l’effort fiscal demandé aux contribuables de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ; référence au nombre de logements sociaux comme critère de calcul. Tous les amendements que j’ai déposés dans ce sens ont été rejetés.]]

Marietta KARAMANLI