« Ma contribution en faveur d’un impôt modernisé sur les très grandes fortunes dans la cadre de la discussion sur le projet de loi de finances rectificatives » par Marietta KARAMANLI

Comme annoncé dans mon précédent article sur la discussion du projet de loi de finances rectificatives pour 2022, j’ai déposé une contribution sur le principe d’un impôt sur la fortune modernisé ou comme je l’appelle « un impôt sur la fortune des personnes physiques « très très riches ».

Cette contribution s’inscrit dans le droit fil de questions écrites posées lors de la précédente législature sur le pouvoir d’achat, les finances publiques et des ressources nouvelles pour la collectivité, ainsi que la justice fiscale.

Dans une récente question écrite de 2022 parue au Journal Officiel en mai dernier(cf Question n°44110 – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr) j’évoquais déjà « une taxation des très grandes fortunes permettant de faire la jouer la solidarité (en commençant à 20 millions avec des taux gradués allant jusqu’à 8 % sur la patrimoine au-delà de 10 milliards d’euros). « 

Après avoir échangé avec Gabriel ZUCMAN, professeur d’économie, associé à l’université américaine de Berkeley (voir Gabriel Zucman | Département d’économie (berkeley.edu) ), spécialiste des questions d’inégalités, de richesse, et de fiscalité, j’ai contribué aux débats sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022 par une proposition annexée aux débats.

Vous pouvez retrouver cette contribution sur le site de l’Assemblée Nationale à partir du lien suivant Liste des contributions – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

En voici les éléments les plus significatifs.

La présente contribution vise à expliquer pourquoi dans le cadre d’un meilleur équilibre des finances publiques il serait utile de recréer un impôt sur la fortune modernisé pour des raisons à la fois de justice fiscale et d’efficacité économique.

Deux arguments militent en faveur de la création d’un nouvel impôt, d’une part la très faible imposition des plus grandes fortunes françaises aujourd’hui et l’explosion de ces très hauts patrimoines depuis 10 ans, dans un contexte de stagnation salariale.

Cet impôt simple dans son principe aurait évidemment un impact très positif à la fois en faveur de la justice fiscale et de l’efficacité de la ressource publique de nature à pouvoir financer des dépenses d’avenir.

D’après les meilleures estimations disponibles (travaux de l’institut des politiques publiques), les 370 plus grandes fortunes françaises ne payent quasiment pas d’impôt sur le revenu (taux effectif de 2 % environ), car elles touchent leurs revenus via des sociétés holdings.

Parallèlement les classes moyennes payent un impôt sur le patrimoine, la taxe foncière.

Les classes aisées payent l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Les ultra-riches, en revanche, ne payent aucun impôt sur le patrimoine, car leur fortune est quasiment exclusivement composée de titres financiers, qui ne sont soumis ni à la taxe foncière ni à l’IFI.

Il semble difficilement justifiable que les personnes à la capacité contributive la plus élevée ne payent quasiment pas d’impôt, quand le reste de la population est lourdement imposé.

L’impôt proposé viendrait corriger cette anomalie.

Le patrimoine des 500 plus grandes fortunes françaises a été multiplié par près de 5 entre 2010 et 2021, d’après le magazine Challenges.

Il est ainsi passé de 210 milliards d’euros (10 % du PIB) en 2010 à 953 milliards d’euros (40 % du PIB) en 2021.

Cette explosion se fait dans un contexte de quasi-stagnation salariale depuis la crise financière de 2008-2009 (gel du point d’indice dans la fonction publique, faible croissance des salaires du secteur privé hors rémunération des cadres dirigeants).

Il semble logique que les acteurs économiques qui bénéficient le plus des transformations contemporaines (mondialisation, intégration européenne, etc.) soient mis davantage à contribution.

Le principe de ce nouvel impôt serait qu’il repose sur le patrimoine (financier et non-financier, net des dettes) au-delà de 20 millions €. Seuls les contribuables disposant de plus de 20 millions € de patrimoine net seraient donc concernés.

Le taux d’imposition applicable serait celui défini dans le tableau ci-après.

Environ 25 000 contribuables seraient concernés, soit environ 0,05 % de la population. Cet impôt rapporterait de l’ordre de 25 milliards d’euros par an, soit 1 % du PIB. 

Aucune niche fiscale ne serait introduite, en particulier il n’y aurait pas d’exonération pour « l’outil de travail ».

L’administration fiscale établirait une déclaration de patrimoine préremplie sur la base des informations dont elle dispose (part dans des sociétés cotées et non cotées, avoirs à l’étranger, etc.), à charge pour les contribuables d’amender ces déclarations pour y inclure des éléments de patrimoine non connus de Bercy.

Un mécanisme de taxation des non-résidents sera mis en place ; une personne dont le patrimoine excède 20 millions d’euros et qui choisirait de quitter le territoire national resterait sujette à l’impôt pendant un certain nombre d’années, qui pourrait dépondre du nombre d’années pendant lesquelles cette personne a été résidente fiscale en France.

Un impact positif pour les ressources publiques et le financement de dépenses d’avenir.

Portant sur l’ensemble du patrimoine net des dettes, et commençant à  20 million d’euros avec des taux gradués allant jusqu’à 8 % sur le patrimoine au-delà de 10 milliards d’euros un tel impôt générerait de l’ordre de 1 % du PIB en recettes fiscales, soit environ 25 milliards d’euros.

Une simulation permet d’évaluer l’impact positif d’une telle mesure sur les ressources publiques.