Vice€“présidente de la délégation française à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, et membre de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, j’ai participé les 27 et 28 mai derniers à IZMIR en Turquie à la réunion de celle-ci.
La réunion avait pour thème les réformes de la justice en Turquie, la corruption comme menace à la prééminence du droit, le renforcement du médiateur en Europe, les obligations des organisations internationales de répondre de leurs actes en cas de violations des droits de l’homme, le mise en Å“uvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et l’efficacité de la convention européenne des droits de l’homme.
Je suis intervenue sur plusieurs des rapports qui étaient présentés à l’appui des discussions et avis à émettre le cas échéant.
Je vous livre plusieurs d’entre elles.
Qu’est que la convention européenne des droits de l’homme
[[Élaborée au sein du Conseil de l’Europe, cette Convention, signée le 4 novembre 1950, s’inscrit dans le droit fil de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Depuis son entrée en vigueur (1953), quatorze protocoles additionnels ont été adoptés, ajoutant des droits et libertés à ceux reconnus dans le texte initial, comme l’interdiction générale de toute discrimination (Protocole no 12).
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’est pas une institution de l’Union européenne. C’est une juridiction auprès du Conseil de l’Europe chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 par les 47 États (de l’Islande à la Turquie, du Portugal à la Russie) qui l’ont ratifiée.
La CEDH, créée par la Convention, a été mise en place en 1959. Elle siège à Strasbourg et se compose de 47 juges élus pour 6 ans. Ces magistrats sont totalement indépendants. La Commission européenne des droits de l’homme, qui l’assistait à l’origine, a fusionné avec la CEDH en 1998. Depuis, la CEDH siège de façon permanente.
Tout État signataire de la Convention et, depuis 1998, toute personne résidente (particulier, association…) s’estimant victime d’une violation de la Convention et qui a épuisé les voies de recours devant les juridictions de son pays, peuvent saisir la Cour. Les affaires sont instruites selon une procédure contradictoire et publique.
À défaut de solution amiable, la Cour prend un arrêt que l’autorité nationale mise en cause est tenue d’appliquer.
Plus de 25 000 affaires sont actuellement pendantes devant la Cour et plus de 55 000 nouvelles requêtes sont attribuées à une instance décisionnelle chaque année, alors que la Cour est au mieux capable de rendre un peu moins de 2 000 arrêts définitifs par an.
Plus de 90% de ces requêtes sont déclarées irrecevables, essentiellement au motif qu’elles sont manifestement dépourvues de fondement, et plus de 60% des affaires recevables sont répétitives ou découlent d’un droit d’action similaire à celui d’affaires dans lesquelles la Cour a conclu à la violation de la Convention.
Au final la CEDH est donc une juridiction unique, ouverte aux individus, et intervenant en dernier ressort du contrôle juridictionnel interne des Etats signataires de la convention.]]
Sur la question de la justice en Turquie
(la réunion s’est tenue quelques jours avant les manifestations et la réponse brutale du parti au pouvoir)
L’APCE a souligné que des réformes judiciaires ont été entreprises par la Turquie pour mettre sa législation en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme, en particulier avec l’adoption des 3e et 4e paquets de réformes judiciaires en juillet 2012. L’APCE a salué l’adoption du «4e paquet de réformes judiciaires» le 11 avril 2013. Les amendements notamment du Code pénal et de la loi anti-terrorisme devraient contribuer à mettre en conformité la législation turque avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme comme il était demandé. Ils devraient aussi contribuer à clarifier la distinction entre liberté d’expression et propagande terroriste, comme attendu.
Pourtant des procès mettent en cause certains des avocats à raison des opinions et faits de leurs clients. Le conseil de l’Ordre d’Istanbul fait l’objet de poursuites pénales. J’ai posé la question des mesures envisagées pour garantir leurs exercices et leurs droits dans le cadre des améliorations en cours.
Sur la place et le rôle des médiateurs en Europe
J’ai souhaité qu’on dispose de données sur l’intervention des médiateurs dans le domaine de la défense des droits des migrants et des étrangers face aux décisions des administrations pour savoir s’il avait une augmentation de leurs interventions dans ce domaine et avec quels résultats. J’ai demandé aussi des éléments sur les droits des médiateurs en matière de saisine des juridictions notamment constitutionnelles.
Sur la lutte contre la corruption
Le projet de résolution recommande, parmi d’autres recommandations, la publication d’information sur l’identité des propriétaires et dirigeants de personnes morales et les transferts de fonds à l’étranger
Les parlements nationaux sont invités à mettre en place des dispositifs spécifiques de contrôle. Il est à noter que lorsque des parlementaires sont mis en cause c’est presque toujours à raison de leurs activités professionnelles antérieures (exemple comme chefs d’entreprises) ou de fonctions dans les exécutifs donc quand ils n’exerçaient pas de fonctions parlementaires.
Sur l’exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme
J’ai demandé quelles raisons qui expliquaient dans plusieurs pays en particulier les difficultés à exécuter des décisions de la Cour. Il y a à la fois des raisons tenant à la mauvaise volonté de certains Etats, un manque de moyens parfois ou encore des problèmes constitutionnels, la loi suprême du pays étant en contradiction ou rendant difficile l’application de la convention européenne des droits de l’homme.
Le désengorgement de la Cour suppose que les Etats appliquent mieux la convention.
Je pense qu’il faut réussir à mieux distinguer les sujets significatifs (plusieurs condamnations peuvent concerner un même sujet), donner un pouvoir d’initiative aux parlements pour suivre l’exécution des décisions et changer les législations inadaptées.