Marietta KARAMANLI « Projet de loi de Lutte contre les violences sexuelles et sexistes, mon appel à une amélioration du texte en discussion qui permette un vote consensuel »


Lors de la dernière séance publique de discussion (en première lecture) du projet de loi de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, j’ai appelé au nom du Groupe Nouvelle Gauche à une amélioration de la rédaction du texte qui permette un vote consensuel voire unanime du texte.

J’ai rappelé mon et le soutien de la plupart des groupes d’opposition au projet du gouvernement aux principales dispositions du texte hors l’article 2 qui prévoit, par extension d’une disposition existante du Code pénal, la correctionnalisation d’une agression sexuelle sur mineur-e avec pénétration.

Nous y sommes opposés dans la mesure où cet article pourrait aboutir à ce que certains cas de viols soient renvoyés devant les tribunaux correctionnels et non plus devant la Cour d’Assises.

Le Groupe Nouvelle Gauche (socialiste, écologistes et européen) a, sur mon initiative, proposé un amendement qui criminaliserait toute relation sexuelle d’un adulte avec un enfant de ou en dessous de 13 ans. Cela éviterait des situations où les juges ont à s’interroger sur le consentement d’une enfant à avoir eu des relations sexuelles avec un adulte qui l’a abusée.

Cette criminalisation existe ailleurs en Europe et a été jugée conforme au droit international notamment la Convention européenne des droits de l’homme.

J’ai appelé le Gouvernement à faire preuve d’écoute des députés car dans la tradition républicaine ce qui compte outre le rassemblement d’une majorité de voix, c’est l’intégration du plus grand nombre de points de vue possible surtout quand ils sont ceux de nombreuses associations, juges et avocats soucieux des droits de l’enfant.

Assemblée nationale, XVe législature, Session ordinaire de 2017-2018, Compte rendu intégral, Deuxième séance du mercredi 16 mai 2018, explications de vote

Mme Marietta Karamanli.

Je l’ai dit, et d’autres collègues l’ont également rappelé : ce projet était attendu. Le groupe Nouvelle Gauche a soutenu plusieurs de ses dispositions et, collectivement, nous avons tenté de l’améliorer.

Nous avons fait part de nos interrogations quant aux moyens de la justice et de la police, acteurs de la mise en œuvre directe et opérationnelle des mesures décidées.

Nous avons soutenu sur le principe plusieurs mesures, aux articles 1er, 3 et 4.

Nous avons fait preuve de retenue et d’écoute. Nous ne nous sommes battus que pour ce à propos de quoi nous pensions qu’il était juste de le faire. Nous n’avions déposé que 9 amendements sur les 259 qui devaient être examinés en commission. Ainsi, nous avions réfléchi, et nous n’avons formulé des demandes et des propositions que sur les points sur lesquels il nous semblait vraiment utile d’apporter des modifications.

Nous ne sommes ni des ânes, ni des menteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) « La correctionnalisation des atteintes sexuelles avec pénétration est un vrai risque car avec cet article, les magistrats se diront qu’au moins, il y aura une condamnation dans les affaires de viols qui sont, par nature, difficiles à prouver. Mais les peines sont bien plus faibles en correctionnelle qu’aux assises. » Ces mots sont non pas ceux d’une députée ne sachant pas lire (Applaudissements sur les bancs du groupe FI), mais ceux d’un célèbre magistrat expert des droits de l’enfant.

La solution consistait à ne plus s’interroger sur le consentement de la victime, mais à s’attacher au fait qu’un adulte avait eu en connaissance de cause des relations sexuelles avec un enfant, au mépris de l’interdit légal. Il fallait donc aller jusqu’à criminaliser l’atteinte sexuelle sur mineur, avec des peines supérieures à dix ans. Ce que nous proposions, c’était cela, et rien que cela.

Il pouvait y avoir une majorité d’idées sur ce principe. Nous avons entamé la discussion de ce texte mus par la volonté de parvenir à un vote unanime.

(Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI, GDR, LR et parmi les députés non inscrits.)

Selon l’éminent historien Nicolas Roussellier, spécialiste des assemblées, « la première tradition républicaine reposait sur l’idéal de la nation en forme d’assemblée ». Pour vivre, cette tradition nécessitait hier et nécessite encore aujourd’hui, outre le rassemblement d’une majorité de voix, l’intégration du plus grand nombre de points de vue possible.

Le fait d’amender un texte ne sous-entend pas une faiblesse de l’exécutif.

(Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI, GDR et LR et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

C’est le corollaire naturel d’une prise de décision collective ; c’est le travail parlementaire ; c’est ce que nous avons recherché en commission, et ici même depuis lundi, et que, malheureusement, nous n’avons pas trouvé.

J’espère sincèrement que la discussion parlementaire qui va se poursuivre au Sénat permettra d’améliorer le texte. En l’état, pour les raisons que je viens d’exposer, le groupe Nouvelle Gauche ne votera pas le projet du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Nous vous le demandons : interrogez-vous, et utilisez le temps de la discussion qui va s’ouvrir pour revenir vers nous avec une nouvelle version de l’article 2,…

 

Source photo: capture d’écran de la vidéo de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale