M. le président.
Mme Marietta Karamanli.
Si les structures nationales et les institutions culturelles établies comme les musées, les théâtres et les grands équipements bénéficient logiquement d’aides dès aujourd’hui et peuvent espérer s’être redressées au moment où le soutien financier public refluera, se pose la question de ce que l’on nomme le tiers secteur, le secteur non lucratif et associatif.
Les restrictions apportées aux manifestations et regroupements artistiques et culturels touchent de plein fouet les associations, institutions, artistes et intermittents qui donnent vie à ce droit pour de nombreux citoyens. L’État et les collectivités territoriales doivent jouer un rôle clef dans la sauvegarde d’un secteur économique important pour tous. Au Mans, le théâtre des Jacobins est occupé depuis plusieurs semaines par les intermittents du spectacle.
La politique de relance engagée par l’Union européenne et la France doit prendre en compte la culture et ce tiers secteur conformément à la résolution du Parlement européen sur la relance culturelle de l’Europe mettant en évidence, entre autres, la prépondérance de petites structures aux revenus irréguliers. Les conditions d’emploi et de protection sociale des intermittents du spectacle doivent être une priorité. Des propositions ont été formulées dans ce sens par les organisations représentatives des entreprises et organismes du secteur.
Certains pays voisins ont, pour éviter une dégradation durable du paysage culturel et contribuer au maintien de sa diversité, décidé de compenser, au moins de façon forfaitaire, les pertes de revenus habituels ou attendus – billetterie, etc. – des acteurs culturels du tiers-secteur.
Un fonds spécial en vue d’aider le secteur non marchand devrait être activé et pourrait même être financé, au moins pour partie, par la taxation des géants du numérique. Que cette dernière se fasse au seul plan national ou au plan européen, la crise la rend d’autant plus légitime que les revenus des GAFA – Google, Amazon, Facebook, Apple –, globalement peu ou pas taxés, proviennent notamment de la vente des produits culturels dont ils tirent un large profit. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté, fin avril, une résolution sur la fiscalité numérique qui doit permettre d’étendre la protection sociale des travailleurs précaires. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement en faveur des travailleurs précaires du tiers-secteur culturel afin de lier une aide temporaire urgente à un financement assis sur une assiette plus large et plus pérenne ?
M. le président.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
Il est inutile de rappeler que le secteur culturel a été l’un des plus impactés par la crise sanitaire. Vous avez aussi d’ailleurs souligné que le Gouvernement a déployé un accompagnement financier important sur lequel vous me permettrez de revenir quelques instants : plus de 7 milliards d’aides transversales, 1,2 milliard d’aides sectorielles, 946 millions d’euros au titre de l’année blanche pour les intermittents depuis mars 2020. Cela montre l’engagement du Gouvernement aux côtés des acteurs de la culture.
L’ensemble du tiers-secteur, pour en venir plus précisément à votre question, fait l’objet de mesures de soutien spécifiques. Tiers-secteur et lieux intermédiaires sont par ailleurs pleinement intégrés dans le plan de relance. Les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, ont bénéficié de crédits dédiés aux tiers-lieux pour un montant de 3 millions d’euros et elles ont été invitées à soutenir le plus grand nombre de structures telles que celles que vous avez évoquées.
S’agissant de l’intermittence, un véritable enjeu, l’année blanche a été essentielle, convenez-en, en termes de protection sociale et de préservation des capacités artistiques et techniques. Une concertation a été lancée avec les organisations professionnelles à l’issue de la remise du rapport d’André Gauron sur les suites à donner à ce dispositif.
Vous avez également évoqué la taxation des géants du numérique. La fiscalité culturelle a été adaptée depuis plusieurs années pour mieux associer les acteurs du numérique au financement de la création, notamment à travers le fonds de soutien au cinéma, à l’audiovisuel et au multimédia. Ainsi, la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels affectée au financement de ce fonds a été refondue par la suppression de la taxation différenciée entre les diffuseurs linéaires historiques et les nouveaux acteurs, notamment les plateformes de vidéo à la demande qui se renforcent depuis plusieurs années maintenant.
Enfin, le projet de décret d’application de l’ordonnance transposant la directive relative à la fourniture de services de médias audiovisuels fixe un haut niveau d’ambition pour le financement de la production cinématographique et audiovisuelle par les plateformes puisque celles-ci devront y consacrer 20 % ou 25 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France et ainsi, comme vous le souhaitez, soutenir la création culturelle française. Voilà aussi l’engagement de Roselyne Bachelot, ministre de la culture.
Source image: capture depuis la vidéo de la séance sur le site de l'Assemblée Nationale