« Politiques d’austérité en Europe et en France : le risque est aujourd’hui réel de contrarier la croissance et le désendettement » par Marietta KARAMANLI

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Le 9 novembre dernier, j’ai interrogé M. Baroin, ministre de l’économie sur les mesures d’austérité adoptées par les gouvernements de plusieurs Etats européens en vue de faire tomber les taux auxquels ils doivent emprunter sur les marchés pour financer leur dette.
Ces taux augmentent au fur et à mesure car les réformes qui leur sont demandées ne produisent pas les effets attendus. Leurs créanciers en tirent la conclusion que le risque de non remboursement est plus grand et que ce risque doit être mieux rémunéré.
L’augmentation des taux fait croître à nouveau leur dette ce qui appelle de nouvelles mesures d’austérité etc…
La diminution des dépenses publiques et le ralentissement de la consommation tirent alors vers le bas la croissance. Le chômage augmente.
De nombreux économistes s’inquiètent de cette situation.
Les mesures prises contrarient la croissance et freinent le remboursement de la dette publique ; si l’activité économique ralentit, les recettes fiscales diminuent aussi.
Les politiques d’austérité mises en oeuvre ne fonctionnent donc pas comme prévu . Pourtant le gouvernement français a décidé d’un nouveau tour de vis, qui va toucher les familles les plus modestes, notamment au travers de l’augmentation de la TVA et du gel de plusieurs prestations sociales. Il a prévu aussi le report de l’âge de la retraite pour ceux ayant déjà suffisamment cotisé.
J’ai donc demandé au ministre de constater l’échec actuel des plans d’austérité et le risque que le gouvernement prend en France. Selon le ministre, les mesures prises par les autres gouvernements sont des décisions prises souverainement et les mesures prises par le gouvernement français ne vont pas contre la consommation…
Il est pourtant difficile de considérer que l’augmentation de la TVA et le gel des prestations sociales ne vont pas diminuer le pouvoir d’achat notamment des familles modestes et ainsi accentuer le recul économique.


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Assemblée nationale, XIIIe législature, Session ordinaire de 2011-2012
Compte rendu intégral, Deuxième séance du mercredi 9 novembre 2011

Présidence de M. Bernard Accoyer

Débat sur les conclusions du sommet européen du 26 octobre et du G20 des 3 et 4 novembre 2011

Mme Marietta Karamanli.

Monsieur le ministre, après la grave crise financière, qui a touché le monde il y a maintenant trois ans et l’endettement public qui en a résulté, l’opinion des instances de l’Union est que pour endiguer les assauts de la finance, la rigueur budgétaire et la limitation salariale sont des voies inéluctables et les seules empruntables.

L’idée paraît simple : si un pays se soumet à une discipline budgétaire, les taux d’intérêt redeviendront supportables et l’accès à un crédit moins cher sera alors possible. Hélas ! Ce n’est pas la réalité.

Selon cette conception, les marchés commandent aujourd’hui aux États, car les acheteurs d’obligations sont les meilleurs juges des plans d’austérité appliqués par les gouvernements.

À bien y regarder, l’application de taux plus doux ne repose, en l’état, que sur la confiance que manifestent ces marchés sur les promesses, car les réformes ne porteront leurs effets que longtemps après.

L’effet paradoxal est que les dettes viennent à échéance avant les réformes, ce qui renforce encore la demande des marchés de mesures plus dures vis-à-vis des États. Depuis deux ans, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Irlande, l’Italie appliquent des politiques d’austérité.

Le gouvernement français a décidé d’un nouveau tour de vis, qui va toucher les familles les plus modestes, notamment au travers de l’augmentation de la TVA et du gel de plusieurs prestations sociales. Il prévoit aussi le report de l’âge de la retraite pour ceux ayant déjà suffisamment cotisé.

Un nombre croissant d’économistes considèrent, aujourd’hui, que la rigueur va se retourner contre la croissance et dans certains cas contre le redressement des comptes publics, du fait de sa généralisation au même moment à l’ensemble des pays de la zone euro, déjà affectés par le ralentissement économique mondial.

De plus, quand il y a récession, le taux de chômage augmente. Il est déjà de 10,2 % dans la zone euro et, pour certains pays, on a constaté une envolée, au cours des derniers mois, de 17 %, voire de 22 %.

Certains économistes pourtant proches des milieux d’affaires parlent de défaitisme des gouvernements et comparent les politiques à celles qui ont conduit à la crise de 1929.

Monsieur le ministre, devant cet échec de mesures déjà prises dans la plupart des États, ne pensez-vous pas que la seule vraie règle d’or serait celle de ne pas contrarier la croissance à laquelle les mesures actuelles s’opposent ?

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre.

Madame Karamanli, je crois comprendre que vous mettez en cause la cohérence de la politique, mise en place en France et dans d’autres pays, qui consiste à procéder à une consolidation budgétaire, qui pourrait faire prendre un risque à la croissance dans ces pays.

Le gouvernement espagnol a mis en place ces mesures et a conclu un accord politique avec son opposition pour faire accepter un certain nombre de principes €“ règle d’or ou autres. C’est difficile et exigeant.
Peut-on faire différemment dans des pays comme l’Espagne, où on enregistre un taux de chômage de plus de 20 % ? Peut-on faire différemment dans un pays, que vous connaissez mieux que personne, madame, la Grèce, où le niveau de dettes atteint les 200 % et la perte de souveraineté sur le plan financier justifie malheureusement les efforts demandés aux Grecs ? Pouvait-on faire différemment en Irlande, où il a fallu mettre en Å“uvre un dispositif pour sauver les établissements bancaires ? Le Portugal avait-il d’autres choix que de baisser le salaire des fonctionnaires et les pensions des retraités ? Je ne sais pas. Ils ont fait cela souverainement.

La France n’a pris aucune de ces mesures, car nous ne sommes pas dans la même situation. Mais notre objectif commun est de réduire notre endettement. Un monde nouveau s’écrit sous nos yeux : l’époque où l’on finançait les politiques publiques par emprunt, à crédit, sur le dos des générations suivantes est révolue. Cela suppose quelques années d’efforts mesurés, équitables, portés, pour une large part, par celles et ceux qui ont le plus de moyens. Ces quelques années d’effort n’altéreront pas, je le répète, en profondeur, notre modèle social et protègent une croissance convalescente.

La consommation est le moteur économique de notre pays. Pour la protéger, il ne faut pas atteindre le pouvoir d’achat. Les mesures qui vous seront proposées €“ nous en débattrons €“, s’inscrivent dans cette stratégie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)