« Reconnaissance et réparation par la France des violations des droits des personnes homosexuelles, une loi nécessaire qui accomplit ce que déjà d’autres pays ont fait » par Marietta KARAMANLI

Source image, capture photo depuis la vidéo de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale

Le 6 mars 2024, je suis intervenue en séance pour défendre la proposition de loi visant à réparer les préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982.

Comme je l’ai indiqué ce texte s’inscrit dans un mouvement important de défense des droits de l’homme, considéré comme l’un des plus dynamiques dans le monde aujourd’hui : celui des réparations en faveur des homosexuels. Il s’agit de promouvoir les politiques visant à réparer l’héritage de la discrimination systémique fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

J’ai mentionné les différentes formes que peut prendre cette reconnaissance excuses de l’État à la communauté LGBTQ pour les fautes commises dans le passé et promesse de faire mieux à l’avenir , commémoration des victimes de la répression étatique des citoyens homosexuels, grâce accordée à toute personne condamnée en vertu de lois criminalisant l’orientation de sexe ou de genre, ou encore compensation financière.

J’ai rappelé que la proposition de loi qui émanait d’un sénateur socialiste avait été adoptée par le Sénat en la vidant de sa substance et que la commission des lois de l’Assemblée Nationale à laquelle j’appartiens lui avait redonné un réel contenu.

Il était important que notre pays puisse faire œuvre de vérité sur ce qui a été et reste une violation des droits de l’homme. La France accomplit ici ce que plusieurs États, notamment européens, ont déjà fait.

Marietta KARAMANLI

XVIe législature, Session ordinaire de 2023-2024, Deuxième séance du mercredi 06 mars 2024

Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge, vice-présidente

Mme la présidente

La séance est ouverte. (La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1. Réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réparation des préjudices subis par les personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 (nos 1915, 2247).

Mme la présidente

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli

Je tiens à remercier une nouvelle fois le sénateur Hussein Bourgi d’avoir pris l’initiative de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Je salue également la mobilisation d’intellectuels et d’artistes, celle des associations LGBT qui militent depuis longtemps en faveur de cette cause, et enfin celle du rapporteur qui vient de nous exposer brillamment les grandes lignes de ce combat. (Mêmes mouvements.)

Ce texte s’inscrit dans un mouvement important de défense des droits de l’homme, considéré comme l’un des plus dynamiques dans le monde aujourd’hui : celui des réparations en faveur des homosexuels. Il s’agit de promouvoir les politiques visant à réparer l’héritage de la discrimination systémique fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Plusieurs facteurs, qui peuvent se combiner entre eux, expliquent l’évolution des mentalités et de la législation ; mais l’engagement en faveur des droits de l’homme et des principes de non-discrimination reste l’élément le plus déterminant à l’œuvre dans cette reconnaissance.

En 2021, le Canada, l’Allemagne, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, l’Espagne et le Royaume-Uni avaient déjà adopté des mesures de réparation en faveur des homosexuels.

La réparation peut prendre plusieurs formes : excuses de l’État à la communauté LGBTQ pour les fautes commises dans le passé et promesse de faire mieux à l’avenir – M. le ministre le rappelait à l’instant –, commémoration des victimes de la répression étatique des citoyens homosexuels, une grâce accordée à toute personne condamnée en vertu de lois criminalisant l’orientation de sexe ou de genre, compensation financière pour les salaires ou les pensions perdus en raison d’un séjour en prison ou dans un établissement psychiatrique pour cause d’infraction homosexuelle, comme c’est le cas en Espagne depuis 2009 et en Allemagne depuis 2016.

La proposition de loi discutée en commission des lois il y a quelques jours était très inférieure, si j’ose dire, à ce qui avait été proposé par notre collègue sénateur socialiste, et par là-même très en deçà de ce qui a été adopté dans plusieurs États.

Les sénateurs ont en effet largement amputé le texte initial, qui posait un principe et des modalités de réparation, pour ne retenir qu’une seule disposition, celle de la reconnaissance de responsabilité de la République française à compter du 8 février 1945.

Ils ont ainsi supprimé les dispositions qui prévoyaient d’introduire dans le droit français un délit pénal de négation de la déportation subie par les personnes LGBT au cours de la seconde guerre mondiale, de réparer les personnes victimes de la législation discriminatoire, de créer une commission indépendante visant à évaluer les demandes de réparation. J’ai été très attentive aux propos du ministre à ce sujet.

Le texte a été largement réécrit par la commission des lois de notre assemblée et a recueilli l’assentiment d’une large majorité de députés. Nous nous en félicitons.

C’est métamorphosé qu’il revient en séance publique. D’une part, la nation reconnaît sa responsabilité. D’autre part, le principe de la réparation est acquis et son application détaillée.

Bien évidemment, d’autres questions ont été soulevées en commission, par exemple la nécessité de mieux partager la mémoire grâce à une commémoration, l’importance d’encourager la recherche dans ce domaine pour mieux comprendre les mécanismes en cause, les discriminations se réinventant, si vous me permettez cette expression, de façon récurrente.

Je l’ai dit en commission, il est souvent difficile de faire émerger une telle mémoire fondée non pas sur la compassion, mais sur la reconnaissance de la discrimination et de l’oppression subies, ainsi que la légitime compensation qui doit l’accompagner.

Il était important que notre pays puisse faire œuvre de vérité sur ce qui a été et reste une violation des droits de l’homme. La France accomplit ici ce que plusieurs États, notamment européens, ont déjà fait. Il était essentiel de rejoindre ce mouvement qui marque la fin d’une violation des droits universels en reconnaissant les ravages qu’elle a causés.

Nous pouvons être fiers. Le groupe Socialistes et apparentés apporte son vote plein et entier à ce texte et sera vigilant à ce qu’il soit appliqué. (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES, LR, Dem, HOR, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT.)

Mon intervention sur le site de l’Assemblée Nationale