« Augmentation de la TVA de 19,6 % à 21,2 %, une opération de bricolage avec un effet minime sur l’emploi et un effet maximum sur les prix payés : pourquoi j’ai voté contre » par Marietta KARAMANLI

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Le 14 février, je suis intervenue dans la discussion publique du projet de loi de finances rectificative pour 2012. Ce premier projet de loi « rectificatif » vient modifier la loi de finances adoptée fin décembre…2011.
L’objet principal de ce texte gouvernemental vise à augmenter à nouveau le taux de TVA donc l’impôt sur la consommation, en faisant passer le taux de normal de 19,6% à 21,2% après que le taux réduit ait été augmenté fin 2011 de 5,5 % à 7 %.
Plus précisément, le texte a pour objet d’augmenter la TVA et de baisser parallèlement certaines cotisations sociales pour diminuer le coût du travail et ainsi, selon le Chef de l’Etat « résorber le déficit de compétitivité de l’économie française ».
Le problème de cette nouvelle réforme, faite quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2012, est qu’elle va renchérir le prix des produits achetés et amener les consommateurs à acquérir des produits importés moins chers.
Baisser le coût du travail est peut-être une bonne idée mais face à des pays émergents où le coût de celui-ci est 30 fois moins cher la bataille ne sera pas gagnée par cette « opération de bricolage  » qui n’aura qu’un effet minime sur l’emploi mais un effet maximum sur les prix payés notamment par les consommateurs les plus modestes.
J’ai voté contre ce projet le 21 février dernier et cette disposition injuste.
Je reviendrai sur la discussion qui a eu lieu à l’Assemblée Nationale.


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Assemblée nationale, XIIIe législature, Session ordinaire de 2011-2012
Compte rendu intégral, Première séance du mardi 14 février 2012

Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli.

Mon intervention ne sera pas du même niveau !

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le Président de la République a annoncé, le 18 janvier dernier, une nouvelle vague de réformes financières et économiques pour « résorber le déficit de compétitivité de l’économie française ».

Ces mesures interviennent dans un climat de récession économique.

Les dernières prévisions économiques données par les indicateurs sont mauvaises et dégradent les perspectives de l’économie française en ce début de l’année 2012 : d’un côté, le PIB devrait reculer davantage qu’escompté au quatrième trimestre de 2011 ; de l’autre, la reprise de la croissance au premier trimestre 2012 est en passe de disparaître, avec une hausse du PIB ramenée à 0,1 %, contre 0,3 % dans les estimations précédentes.

Avec une telle dynamique, dans les deux prochains mois, notre pays n’aura plus véritablement de chance d’échapper à la récession.

Dans cette situation, les mesures décidées n’ont guère de pertinence sur le plan macroéconomique, puisqu’on gèle une nouvelle fois des dépenses publiques et qu’on augmente les impôts en période de ralentissement économique. Comme tous les pays de la zone font pareil, cela nous entraînera dans une spirale dépressive.

S’agissant des orientations de cette fameuse nouvelle hausse de TVA, deux points méritent d’être relevés.

Le texte de mon intervention le 14 février dernier à l’Assemblée Nationale

D’une part, il faut distinguer les baisses inutiles de recettes et les hausses injustes et inefficaces de recettes.

De 2006 à 2012, la droite et son Président auront augmenté le taux des prélèvements obligatoires de 0,7 point et réduit la part des dépenses publiques dans le PIB potentiel de 1,2 point.

Ce que l’on peut mettre en cause, ce sont des baisses d’impôts peu utiles pour la croissance €“ baisse des droits de succession, bouclier fiscal, exonération des heures supplémentaires €“ et des hausses d’impôts injustes et très certainement inefficaces. C’est le cas, justement, avec la nouvelle ponction qui va être faite sur les revenus disponibles des ménages et familles les plus modestes et l’augmentation de la TVA, portée à un taux record.

Cette idée, redécouverte par le chef de l’État à cent jours de la fin de son quinquennat, est un vieux refrain ressassé depuis trente ans, qui vise à faire supporter par les consommateurs une part des cotisations patronales de sécurité sociale.

Il est illusoire d’espérer concurrencer les pays émergents, qui ont d’immenses réserves de main-d’Å“uvre aux salaires bas, parfois trente fois inférieur au SMIC, en abaissant un peu le coût du travail chez nous et en augmentant les taxes payées sur les produits de consommation.

D’autre part, les créations d’emploi induites étaient estimées, il y a quelques mois, par des défenseurs de la mesure, à seulement quelques dizaines de milliers. Les pertes d’emplois, elles, pourraient être très importantes.

L’augmentation va renchérir le prix des produits achetés et les consommateurs, notamment les plus modestes, achèteront alors des produits moins chers et venant d’ailleurs, ce qui n’est favorable ni à nos exportations ni à l’emploi en France.

Pour ce qui est des recettes fiscales, certains prévoient une équivalence parfaite entre le financement par les cotisations sociales et le financement par la TVA. Mais ce calcul ne tient pas compte de certaines interactions, notamment celles qu’entraînera la mise en place d’autres mesures et de facteurs multiplicateurs d’écarts.

Certaines prestations et services sont aujourd’hui exempts de TVA. Augmenter la TVA revient à leur conférer un nouvel avantage en orientant l’investissement ou la préférence en leur faveur, ce qui pourrait revenir à diminuer une part des recettes fiscales.

Comme l’a très justement remarqué l’économiste Philippe Askenazy, le transfert du financement de la protection sociale des cotisations vers la TVA risque de rappeler la réforme de la taxe professionnelle, que la majorité justifiait en expliquant qu’elle allait alléger l’impôt payé par les entreprises et accroître leur compétitivité, et qui, en définitive, s’est traduite par un accroissement du financement par les contribuables et par une baisse de recettes fiscales.

Je terminerai en évoquant l’effacement de notre voix au plan européen. Cette voix se contente de répéter aux Français qu’il faut faire comme le voisin allemand, après leur avoir expliqué qu’il fallait faire comme le voisin anglais, voire comme le voisin espagnol, qui est aujourd’hui presque aussi mal en point que le presque voisin grec.

La priorité dans la zone euro devrait être de relancer la croissance, par des plans d’investissements publics et d’investissements productifs pour financer le changement et la donne écologiques, soutenir les ménages frappés par la crise, les publics les plus fragiles, les jeunes, les chômeurs de longue durée, les personnes ayant besoin de qualifications et de spécialisations.

En même temps, des mesures intelligentes devraient garantir les dettes publiques et empêcher que la spéculation n’étrangle certains pays de la zone euro.

De tout cela, on ne parle plus, alors que notre économie fait partie intégrante de l’économie de cette zone. À la place de cela, la réforme proposée par le Président, et approuvée assez mécaniquement par la majorité, consiste à bricoler notre protection sociale.

Il y a lieu de craindre que cette « grande réforme » ne soit grande que par les déficits qu’elle peut contribuer à creuser et par les effets en trompe-l’Å“il qu’elle risque de créer.

Pour ces raisons, nous entendons bien nous opposer à un texte dont, pour reprendre l’expression utilisée par un dirigeant de l’UMP, la logique apparaît « rabougrie », c’est-à-dire mal conformée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)