Aurélie FILIPETTI, ministre de la culture, à Marietta KARAMANLI « Je partage sans réserve votre analyse… la culture n’est pas une marchandise…la cohésion sociale de l’Europe passe par la culture, elle-même facteur de relance économique. »

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Les 19 et 26 mars derniers, la commission des affaires européennes à l’Assemblée Nationale, dont je suis la vice-présidente, a auditionné respectivement Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse et Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.
A toutes deux, j’ai fait part de mes inquiétudes après l’annonce de l’ouverture prochaine de négociations commerciales avec les États-Unis qui pourraient notamment inclure le secteur audiovisuel.
Selon moi l’exception culturelle est menacée et il faut appeler à son maintien. Cette exception culturelle a pour objet de faire que les États restent souverains et puissent limiter le libre échange sur les biens et produits culturels qui sont autant de marques de leur culture, de sa diversité et de sa complémentarité avec celles des autres pays.
En l’état et a priori ni le cinéma, ni l’audiovisuel ne sont exclus des négociations entre les deux partenaires. Il y a à l’évidence un enjeu culturel, politique et économique. La vision qui prédomine trop souvent au niveau de la commission est celle de la référence aux seules économies d’échelles que permet l’harmonisation des marchés nationaux dont l’Europe a hérité et celle d’une politique concurrence vue comme l’absence d’aide des Etats à leurs Å“uvres et productions.
Cela aboutit à une vue minimaliste de la culture réduite à une question de concurrence interne et non à une politique de valorisation et de partage de la créativité entre les Etats et d’exportation des Å“uvres françaises et européennes.
Dans ces conditions une telle annonce fait craindre le pire.
Les Etats-Unis ont une industrie de l’imaginaire, le cinéma est leur deuxième poste d’exportation, qu’ils défendent et essaient de rentabiliser en essayant de lui faire bénéficier des conditions auxquelles les Å“uvres françaises et européennes sont traitées et aidées.
Innovation artistique, culture, diversité linguistique sont donc menacées.
La ministre a donné raison à mon analyse et a demandé que le Parlement se mobiliser sur le sujet.
D’ores et déjà j’ai demandé une rencontre avec d’autres parlements sur le sujet.


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Commission des affaires européennes, Mardi 26 mars 2013, 16 h 15, Compte rendu n° 47, Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Mme Marietta Karamanli.

Mon collègue Rudy Salles et moi-même travaillons depuis plusieurs mois à un rapport sur le financement du cinéma européen, et je pense pouvoir dire en nos deux noms que nous partageons vos craintes à ce sujet.
La négociation de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis nous préoccupe particulièrement, car l’enjeu en est à la fois politique, culturel et économique.
Dans ce cadre, ce qui est en cause, c’est l’appréhension minimaliste de la culture par la Commission européenne, où l’on prend comme seules références les économies d’échelle que permettrait l’harmonisation des marchés nationaux et où l’on n’envisage la politique de concurrence que comme l’absence d’aides des États membres aux productions.
Cette conception de la culture est alarmante.
Notre entretien avec le commissaire européen chargé de la concurrence nous a d’ailleurs laissés pantois, tant était flagrante le manque d’une vision de la culture, et donc de l’identité, européenne.
Les États-Unis ont une puissante industrie de l’imaginaire ; ce secteur est aussi leur deuxième poste d’exportation et ils font donc tout pour le défendre.
Vous avez, madame la ministre, choisi une stratégie active : quel mandat la France fixera-t-elle à la Commission européenne pour défendre l’exception culturelle française et européenne ? Quelles nouvelles initiatives comptez-vous prendre ?
Nous ne serons pas moins offensifs et, dans la perspective du rapport de la Commission européenne sur le financement du cinéma attendu début juin, nous avons prévu l’organisation d’une table ronde à ce sujet avec d’autres parlements.

Mme la ministre.

Je partage sans réserve l’analyse de Mme Karamanli. Il nous faut toujours rappeler que la culture n’est pas une marchandise comme une autre, et aussi que « culture » ne signifie pas seulement « subventions ».
Nombreux sont ceux qui ne considèrent la culture que comme une dépense, une activité ne servant qu’à ceux qui la pratiquent. Ce faisant, ils ignorent l’apport des secteurs culturels à l’économie.
Et pourtant ! Si les collectivités locales s’attachent à mettre en Å“uvre une politique culturelle, c’est qu’elle renforce l’attrait des territoires et se traduit par des retombées économiques et des emplois. Nous devons convaincre que l’Europe a besoin d’un projet politique et que sa cohésion sociale passe par la culture, elle-même facteur de relance économique.
Je compte donc sur vous tous pour mobiliser vos collègues du Parlement européen. La France est souvent considérée avec méfiance quand elle aborde ces questions, comme si l’exception culturelle la concernait seule. C’est inexact, bien sûr, et d’autres États, dont la Belgique et l’Italie, ont également mis au point des mécanismes de financement de la création.
Notre pays porte depuis longtemps ce concept, mais il bénéficie à tous. Comme l’a justement observé M. Rudy Salles, la France est de tous les États celui a passé des accords de co-production cinématographique avec le plus grand nombre d’autres pays €“ 52. Notre conception de l’exception culturelle est loin d’être uniquement centrée sur les intérêts français.

J’ai éprouvé, lors de ma visite à la DG Concurrence, la même surprise que vous. Il est stupéfiant de constater à quel point notre approche de la culture intéresse peu. On ressent même un rejet, qu’explique une certaine vision économique dont je réfute la pertinence. C’est même se tirer une balle dans le pied, puisque l’Europe a des atouts économiques à faire valoir en matière culturelle. Cette position est extrêmement dommageable pour l’Union.

Le principe de la chronologie des médias doit être maintenu, mais des évolutions peuvent être proposées ; ainsi, le délai obligatoire de 36 mois avant que l’on puisse avoir accès à une vidéo à la demande par abonnement semble un peu long. Sans doute le rapport Lescure contiendra-t-il des recommandations à ce sujet.

Commission des affaires européennes, mardi 19 mars 2013
17 heures, Compte rendu n° 46
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes et de M. Patrick Bloche, Président de la Commission des affaires culturelles

I. Audition, conjointe avec la Commission des affaires culturelles, de Mme Androulla Vassiliou, commissaire européenne en charge de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse.

Mme Marietta Karamanli.

Je salue l’initiative qui a conduit à cette audition conjointe et je me réjouis de vous retrouver, madame la commissaire, pour la première fois devant cette commission.

Le rapport sur le financement du cinéma européen auquel nous travaillons actuellement soulève plusieurs questions que je souhaite vous poser. L’exception culturelle dans le secteur du cinéma suscite des inquiétudes. En effet, après que l’ouverture des négociations commerciales avec les États-Unis, qui pourraient inclure le secteur audiovisuel, a été annoncée, notre ministre de la culture et de la communication, Mme Aurélie Filippetti, a jugé que l’exception culturelle était menacée et a appelé l’Union européenne à la préserver. Quelle est votre position sur cette question fondamentale ? Existe-t-il selon vous une exception culturelle européenne ?

Dans le cadre budgétaire pluriannuel de l’Union, c’est dans la rubrique « Sécurité et citoyenneté » que sont inscrits les crédits destinés à la culture, au titre de la « promotion de la participation des citoyens à l’Union européenne, notamment par l’intermédiaire de la culture, de la diversité linguistique et du secteur de la création ». Quelle est la part des crédits de la culture dans cet ensemble évalué à 15,7 milliards d’euros sur la période 2014-2020 ?

S’agissant enfin des industries culturelles, c’est trop souvent la recherche d’économies d’échelle qui prévaut au sein de la Commission, en vue de l’harmonisation des marchés nationaux en Europe. Cette vision en termes de marché intérieur, cette approche minimale des enjeux économiques réduit le sort des industries de la culture et de l’imaginaire à un problème de concurrence interne, à l’opposé d’une politique de valorisation, de partage de la créativité entre États membres et d’exportation du cinéma européen, pourtant essentielle non seulement à la France, mais à l’Europe, à sa diversité, sa culture et son identité. Vous avez regretté le manque de souplesse des institutions européennes. Peut-on espérer qu’il y soit remédié s’agissant des industries culturelles ?

Mme Androulla Vassiliou.

En ce qui concerne l’exception culturelle et l’accord de libre-échange avec les États-Unis, vous connaissez ma position. Mais les commissaires européens travaillent ensemble au sein d’un collège où leurs décisions sont prises à la majorité et doivent être ensuite appliquées par tous. J’ai toutefois réussi, avec quelques autres, à faire intégrer au mandat qui a été adopté la confirmation de l’obligation, inscrite dans les traités, de protéger et de promouvoir la diversité culturelle. Nous avons également Å“uvré pour la ratification de la convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et nous avons clairement exprimé dans le mandat la nécessité de défendre cette position de l’UE lors des négociations. Je me suis en outre assurée que je pourrais, avec d’autres commissaires, prendre part aux discussions qui suivront les négociations. Enfin, avant que M. De Gucht n’entame les négociations, nous discuterons avec lui des conditions qui seront au fondement de l’accord. La décision a été prise par le collège des commissaires ; la prochaine étape sera une décision du Conseil.