« Endettement et déficit publics, ceux qui demandent les plus grandes et brutales économies sont ceux qui ont le moins maîtrisé quand ils gouvernaient » par Marietta KARAMANLI

A l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2017, j’ai été saisie au travers d’une lettre type d’une demande de décisions sans délai visant à diminuer de 100 milliards € la dépense publique ( et / ou sociale).
Si je comprends les interrogations de nos concitoyens face à la dépense publique (je soutiens la nécessité de maîtriser le déficit public et de limiter l’endettement public et social qui conduit les Etats à devoir emprunter sur les marchés pour financer la différence entre :

 les recettes ( les impôts et les contributions et cotisations sociales),
et

 les dépenses (publiques et sociales), et donc à faire financer par des placements qui rapportent aux prêteurs (les plus riches ceux qui peuvent placer) ce qui payé finalement par tous les contribuables et les cotisants ce qui revient à une redistribution à l’envers (les plus modestes paient les revenus des plus riches)),
il m’est apparu nécessaire d’apporter des précisions :

 sur les périodes et les politiques en cause, l’endettement et le déficit sont mieux régulés et maîtrisés depuis 2012 ;

 le coût du fonctionnement de l’Etat ;

 les politiques fiscales à mettre en place au niveau international ;

 la lutte contre la fraude ;

 les demandes très idéologiques qui soutiennent une dimension « brutale » de la dépense publique et sociale dans notre pays.
Vigilante sur ces différents points, j’ai pensé utile de vous livrer mes observations en réponse.
Marietta KARAMANLI

Nota bene : les chiffres utilisés sont les chiffres de l’INSEE, Institut national des statistiques et études économiques
https://www.insee.fr/fr/statistiques


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Vous avez bien voulu par lettre type me faire part de vos interrogations sur l’augmentation des dépenses publiques et me demander de voter une baisse massive des dépenses publiques (100 milliards €) à l’occasion du projet de loi de finances pour 2017.
Je me permets de porter à votre connaissance les éléments d’information suivants.

Sur l’endettement public et le déficit public

Entre 2002 et 2012, l’endettement public (Etat et sécurité sociale) a augmenté de 911 milliards € soit une augmentation annuelle moyenne de 82,8 milliards € ; de 2013 à 2015 l’augmentation de ce même endettement a été de 143 milliards € soit une augmentation annuelle moyenne de 47, 6 milliards € soit 35,2 milliards € en moins chaque année.
Entre 2009 et 2011, le déficit budgétaire a été en moyenne annuelle de 126 milliards € (il avait atteint 138, 9 milliards € en 2009) ; entre 2012 et 2016 il a été en moyenne de 84, 4 milliards €, et est redescendu à 76, 6 milliards € en 2015 (dernier chiffre connu).
De la sorte, même si les niveaux restent élevés, on constate une réelle amélioration des finances publiques depuis plus de quatre ans.
Il est alors paradoxal que les candidats qui exigent une diminution brutale de 100 milliards € des dépenses publiques aient été les mêmes qui aient le plus augmenté l’endettement et le déficit alors qu’ils étaient en responsabilité.

Sur le coût de fonctionnement de l’Etat

Les dépenses de fonctionnement général de l’Etat en France se situent en dessous de la moyenne générale en Europe (5,9 % du PIB contre 6, 9 % dans l’Union Européenne) et sont même moins importantes que celles de l’Etat en Allemagne.
S’agissant des dépenses publiques par grand secteur d’activité c’est dans les domaines de la défense, de l’éducation et de la protection sociale que les dépenses en France sont en proportion plus grandes que dans la moyenne européenne et plus élevées qu’en Allemagne.
Pour des raisons évidentes, les choix politiques et stratégiques des Etats ne sont pas les mêmes et c’est en particulier vrai pour ce qui est de la défense militaire de notre pays.
Pour ce qui est des dépenses sociales, plusieurs réformes ont depuis 2013 visé un meilleur équilibre entre les contributions et les droits à retraite. La loi du 10 janvier 2014 a ainsi poursuivi l’augmentation de la durée d’assurance requise à compter de la génération 1958 pour les assurés des régimes alignés et des trois fonctions publiques, pour bénéficier d’une pension de retraite non proratisée et sans décote. Cette loi a fait l’objet d’une transposition aux régimes spéciaux par une série de décrets en juin 2014.

Sur la pression fiscale et la nécessité de faire contribuer les grandes entreprises transnationales

Contrairement à une idée assez répandue, le taux de prélèvements obligatoires est remarquablement stable depuis trente ans oscillant entre 40 et 43 % du PIB…il est monté à 45 % en période de crise.
Dès 19 juin 2013, j’ai appelé à soutenir l’initiative de l’OCDE visant à établir un programme de travail pour la lutte contre « la planification fiscale agressive des entreprises ou BEPS ».
Il s’agit ni plus ni moins que de lutter contre les montages complexes, mais légaux, qui permettent aux multinationales d’échapper totalement ou partiellement à l’impôt en localisant leurs profits là où le fisc est le plus clément. Nombre de multinationales ne paient effectivement que 4 à 5% d’impôt sur les bénéfices alors que taux moyen dans les pays de l’OCDE est normalement situé 23 / 24% et que la TVA a augmenté dans 25 des 33 pays de l’OCDE ces dernières années. Cette situation revient à faire davantage supporter l’impôt sur les particuliers et

Sur la lutte contre la fraude

La fraude sociale en général représenterait 20 milliards d’euros en France, soit une quarantaine de fois le montant de la fraude actuellement détectée.
En fait la fraude sociale regroupe deux types de fraudes : la fraude aux prestations (indemnités d’arrêts maladie, allocations familiales, RSA etc..), et la fraude aux cotisations sociales (travail au noir, recours abusif aux primes et avantages en nature…). Or contrairement à ce que l’on pourrait croire, c’est bien la fraude aux cotisations sociales qui est la plus importante. Dit autrement, ce sont les entreprises qui fraudent plus que les particuliers.
Selon un rapport parlementaire réalisé par un député UMP en 2011 au nom de la commission mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la lutte contre la fraude sociale (http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3603.asp) la fraude aux prestations représenterait des dépenses pour l’Etat de 2 à 3 milliards d’euros tandis que le travail au noir représenterait un manque à gagner de l’ordre de 8 à 15,8 milliards d’euros.
Néanmoins s’agissant de fraudes a priori non connues ces données ne peuvent être complètement validées.
Le Gouvernement a présenté, en février 2013, un plan national de coordination de la lutte contre la fraude aux finances publiques qui marque une nouvelle étape dans la lutte contre la fraude sociale. Ce plan a manifesté la volonté du Gouvernement de renforcer le pilotage de la lutte contre la fraude (mise en place d’un comité de veille stratégique, amélioration des travaux statistiques, articulation avec l’Union européenne) et de développer ses actions au niveau national avec un renforcement de la lutte contre le travail illégal, l’intensification des échanges d’informations concernant des dépenses d’assurance-maladie.

Sur les demandes de l’association « Les contribuables associés »

Par ailleurs concernant l’association « les contribuables associés » sous le nom duquel votre demande m’est parvenue, j’ai eu l’occasion de constater qu’elle avait fait campagne pour la suppression de plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires, soutenait un impôt sur le revenu non progressif (ce qui revient à faire payer moins les plus riches), et demandait toujours la suppression de l’impôt sur la fortune (qui a rapporté 5,2 milliards d’euros aux finances publiques en 2015) !
A l’inverse, elle n’a jamais fait campagne sur l’insuffisance des garanties demandées par l’Etat en contrepartie des dizaines de milliards apportées aux banques suite à la crise financière ou ne s’est pas non plus mobilisée en faveur des usagers qui paient le prix « fort » de services publics délégués au privé sans régulation suffisante.
Ses choix sont parfois taxés par des journaux ou sites d’information comme étant très idéologiques voire partisans.


Espérant avoir répondu au moins partiellement à vos interrogations et restant à votre disposition, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’assurance de mes salutations les meilleures.

Source image : wikimédias commons