« Impôts directs des familles, personnes seules, actifs, retraités et veufs ou veuves : expliquer, alléger et réformer prudemment et intelligement » par Marietta KARAMANLI

La fin d’année est la période où les Français et Françaises (personnes seules, familles, actifs ou retraités, veufs ou veuves…), ont reçu leur feuille d’imposition et doivent s’acquitter de leur contribution (sauf cas d’exemption) au financement des charges communes.
De nombreuses questions m’ont été posées sur des sujets où je suis intervenue à multiples reprises faisant valoir la nécessité de certaines mesures, en refusant d’autres ou mettant en garde sur les conditions ou l’absence de conditions posées.
Elles concernent, entre autres :

 la politique budgétaire et fiscale de l’Etat,

 l’augmentation de la taxe foncière et de la taxe d’habitation en lien avec la suppression de la demi-part aux veuves et veufs, mesure du précédent quinquennat et revue,

 la suppression de l’exonération d’impôt de la bonification de retraite pour trois enfants, une mesure à mieux « paramétrer » selon moi,

 les mesures d’allègement de l’impôt, décidées depuis 2013 et progressivement appliquées et concernant plus de 100 000 contribuables en SARTHE,

 la mise en œuvre d’une réforme plus juste de la fiscalité,

 les autres priorités comme la réduction des niches les plus chères et les moins justifiées ou l’urgence de la lutte contre l’optimisation fiscale organisée des très grandes entreprise, ou encore sur un impôt payé par tous les citoyens

 enfin la capacité du parlement de suivre et discuter « d’égal à égal  » avec le gouvernement sur les mesures budgétaires et fiscales.
La matière est complexe et les effets des décisions parfois difficiles à appréhender sans référence aux autres conséquences qu’elles emportent en parallèle.
J’ai donc souhaité donner à voir ces aspects en les expliquant j’espère le mieux possible.
En tout état de cause, j’entends rester mobilisée sur ces sujets importants pour le pouvoir d’achat, l’équité entre les personnes et les familles et le financement des services et prestations dont elles sont la contrepartie pour nos collectivités.
Marietta KARAMANLI


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En guise d’avant-propos

Un vrai rebond économique, après trois ans et demi de stagnation, est possible
En 2014 le chômage a atteint en France un pic touchant de 10 % de la population active. C’est le résultat de la crise que connaît notre pays depuis 2008. Les destructions d’emplois ont touché principalement l’industrie. Plusieurs phénomènes se sont conjugués : la concurrence internationale ; la sous-traitance de services généraux des entreprises industrielles vers des sociétés extérieures. La politique suivie par l’Europe a compliqué la situation : refusant une politique de relance sur l’ensemble de la zone €, une relance dans notre seul pays par la consommation aurait eu pour effet d’augmenter nos importations, notre déficit commercial et d’ « enrichir » nos voisins sans reconstitution de l’investissement dans notre propre pays. Parallèlement les politiques de rigueur en œuvre dans les autres pays ont, elles-mêmes, limité nos propres exportations. Comme le notait l’OFCE début 2015 « la France a mieux résisté à la crise que la plupart de ses partenaires européens » et si la France fait un peu moins bien en termes de PIB que l’Allemagne elle fait bien mieux que l’ensemble de l’Europe. De la sorte en 2015 la baisse du taux de change de l’euro et la chute des prix du pétrole devraient être des leviers puissants pour accompagner le redémarrage de l’économie française en 2015. La croissance pourrait être de 1,1 % du PIB la meilleure année depuis 2012 (il était alors de 0,2 % contre – 0,7 % en Europe) puis devrait être de 1,5 % en 2016 ce qui infléchirait le chômage et commencerait à le faire reculer. C’est à l’aune de ce nouveau contexte qui émerge qu’il faut relire l’histoire économique et financière de la France et notre politique budgétaire et fiscale de ces trois dernières années.

1 Maîtriser les dépenses publiques, réduire progressivement le déficit, un pari progressivement gagné

De façon plus globale, les députés de la nouvelle majorité ont trouvé en 2012 une situation où la dette publique et sociale avait augmenté d’environ 600 milliards dont 500 Mds € au titre du budget de l’Etat entre 2007 et 2011, comme le met en évidence la Cour des comptes (in « La situation et les perspectives des finances publiques, juillet 2012 » ; https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Situation-et-perspectives-des-finances-publiques-2012 )
Pour des raisons économiques, peut-être à discuter mais validées par de nombreux économistes, le choix du gouvernement a été en juin 2012 de concentrer la hausse des prélèvements obligatoires sur la période 2012-2013. L’analyse économique insiste sur le fait qu’à court terme, et notamment dans un contexte de récession, dans lequel nous étions en 2012 et début 2013, une baisse des dépenses publiques pèserait davantage sur la croissance qu’une hausse des prélèvements obligatoires. Dans ces conditions a été décidé un ralentissement d’augmentation des dépenses publiques.
En effet ce sont en dernier lieu, les citoyens et les plus modestes qui paient le prix des déficits excessifs (puisque par l’impôt ils financent l’emprunt et les intérêts payés aux marchés…ce qui est une redistribution à l’envers).
En 2016 le déficit public atteindra 3,3 % du PIB alors qu’il était encore de près de 5 % en 2012.
Ces résultats plutôt satisfaisants ont conduit le gouvernement a décidé d’une baisse de l’impôt sur le revenu. En 2016 pour la troisième année consécutive, cet impôt sera allégé pour les ménages, à hauteur de plus de 2 milliards d’euros. Depuis l’été 2014, les impôts ont ainsi baissé de 5 milliards d’euros, conformément aux annonces, et 12 millions de foyers fiscaux auront bénéficié de la baisse de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire deux tiers des foyers fiscaux imposés (voir en ce sens plus loin 4)

2 L’augmentation de la taxe foncière et de la taxe d’habitation en lien avec la suppression de la demi-part aux veuves et veufs : une mesure du précédent quinquennat en voie d’être revue

Cette imposition « nouvelle » pour un certain nombre de contribuables modestes et souvent âgées est la conséquence d’une disposition votée à l’occasion de la loi de finances pour 2009 et à laquelle je m’étais opposée.
Dès 2009 j’avais interrogé le ministre du budget de l’époque sur le sujet. Voici la question écrite parue au Journal Officiel du 28 avril 2009 que j’avais posée et sa réponse parue au Journal Officiel du 30 juin 2009 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-47454QE.htm).
Concrètement la loi de 2009 a progressivement fait diminuer la réduction d’impôt de 855 € en 2010 à 0 en 2014.
Cette réduction d’impôt a eu des effets sur les impôts locaux puisque la loi prévoit parallèlement un plafonnement de la taxe d’habitation et de la taxe foncière à partir d’un barème tenant compte du revenu fiscal de référence de l’année n-1 (ici 2014) et du quotient familial. Ce barème est donc avec la loi de 2009 devenu moins favorable pour les personnes dont le nombre de parts baisse et le revenu de référence augmente (mécaniquement).
Au début 2015, j’avais de nouveau, interrogé le ministre du budget sur la suppression de cette demie-part par une question écrite parue au Journal Officiel le 27 janvier 2015 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-73010QE.htm). Dans ma nouvelle demande je rappelais qu’à l’époque, aucune évaluation de l’impact de la mesure n’avait été menée s’agissant d’un amendement parlementaire. J’indiquais souhaiter « savoir si une étude des effets de celle-ci avait été menée : nombre de foyers concernés ; montant moyen de la diminution effective de la réduction d’impôts ; revenu médian des personnes affectées par cette diminution, si le pourcentage de baisse par tranche de revenus aurait pu davantage être affiné, croissant par décile de revenus (l’ensemble des foyers étant divisé en dix tranches selon leurs revenus) et étalant alors davantage la baisse vers le haut des revenus. » Autrement dit je demandais une réévaluation non seulement des effets collatéraux de la mesure mais aussi sa révision en fonction d’éléments dont seul l’exécutif (ministère) à la connaissance. A ma question aucune réponse n’avait été apportée jusqu’il y a quelques jours.
Plus récemment j’ai, dans le même état d’esprit, appelé l’attention du ministre du budget par une nouvelle question écrite parue au Journal Officiel le 28 août 2015 (http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-87344QE.htm) donc avant la notification des impôts locaux, sur la difficulté pour les députés de pouvoir « mesurer l’impact de l’ensemble des mesures fiscales sur les ménages, qu’elles portent sur l’impôt sur le revenu, sur la fiscalité locale et sur les prélèvements sociaux, d’autre part, de mesurer de façon globale l’évolution des prélèvements pesant sur les particuliers. » J’indiquais la nécessité de disposer « compte tenu de l’importance des interactions existant entre les mesures prises et leurs effets…d’une vue d’ensemble avec des hypothèses réalistes de chaque mesure à prendre » J’ai demandé « quelles mesures étaient envisagées par le Gouvernement pour améliorer et perfectionner l’information préalable et évaluative de toutes mesures fiscales et sociales à prendre par le Parlement. »
Je me réjouis que le Premier ministre à la suite de nombreuses remontées des députés socialistes ait décidé d’exonérer d’impôt en 2015 et 2016 ceux qui l’étaient en 2014. Selon les informations communiquées les services fiscaux procéderont au dégrèvement sur demande puis de façon systématique dans les prochaines semaines. Pour 2016, l’Assemblée Nationale devrait adopter des dispositions législatives nécessaires afin de corriger les effets les plus indésirables d’une décision prise fin 2008.

3 La suppression de l’exonération d’impôt de la bonification de retraite pour trois enfants : une mesure à mieux « paramétrer »

Plusieurs rapports dont un de la Cour des comptes avaient insisté sur la nécessité de supprimer cette exonération, tout en préconisant le plus souvent la réforme du dispositif des majorations.
Un rapport de l’inspection générale des finances de 2011 lui attribuait la note de 0 sur une échelle de 0 à 3, ce qui correspond à une mesure inefficace qui n’atteint pas l’objectif principal poursuivi.
Trois critiques étaient faites au dispositif alors existant : les retraités modestes non imposables ne bénéficiaient pas de cette exonération, qui est très anti-redistributive ; en effet la majoration est proportionnelle à la pension, elle est donc d’autant plus élevée que la pension est élevée ; elle procurait un gain croissant avec le taux marginal d’imposition : très faibles pour les non-imposables, significatif pour les plus aisés. Le dispositif améliorait ainsi de 1,8 % le niveau de vie des 10 % de foyers les plus riches, mais de 0,1 % seulement celui des 50 % de foyers les plus modestes, soit dix-huit fois moins. Par ailleurs le fait que le dispositif excluait les parents ayant deux enfants n’était pas justifié non plus. Autrement dit, il s’agissait pour les experts d’une « niche fiscale » même si la perte pour les familles concernées ayant de moindres revenus en bénéficiant a pu les affecter significativement.
J’ai dès la discussion attiré l’attention du ministre sur ce sujet complexe à traiter au regard de ses effets « collatéraux » et ai posé une question écrite publiée au JO le : 29/04/2014 page : 3483 et à laquelle le ministre a répondu au même journal officiel le 02/09/2014 (page : 7334). (http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-54716QE.htm).
Il convenait selon moi d’évaluer les effets qui seront ceux de la réforme.
En effet les estimations que j’avais fait réaliser montraient que la perte pour les familles bénéficiant de cet avantage pourrait varier en moyenne et pour une année pleine entre 220 euros et 430 euros. Ces ordres de grandeur ne recoupent pas les chiffres dont ont disposé les parlementaires pour voter cette mesure dont l’incidence était estimée en moyenne pour le premier décile de niveau de vie d’environ 77 €. J’ai demandé au ministre de m’indiquer le montant médian que représente la perte de cet avantage pour chaque décile de niveau de vie (ou tranche de 10 % de ménages concernés) et le nombre foyers concernés.
J’avais alors proposé que des mesures soient prises pour compenser ou étaler la perte pour les premiers déciles sachant que l’ensemble des dépenses fiscales ainsi économisées pour les cinq premiers déciles de niveau de vie représenteraient de 11 à 12 % de la mesure totale ce qui souligne a contrario le caractère non redistributif du dispositif corrigé.
Comme vous pouvez le constater j’ai été, depuis plusieurs années et encore ces derniers mois très vigilante sur ces deux mesures dont les effets ont été, selon moi, plutôt mal appréhendées quel qu’ait été le motif initial les justifiant.

4 Des mesures d’allègement de l’impôt, décidées depuis 2013 et progressivement appliquées : plus de 100 000 contribuables concernés en SARTHE

Depuis 2013 l’Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures appliquées qui ont eu un effet positif pour les foyers les plus modestes.
Elle s’est prononcée favorablement en faveur du dégel du barème de l’impôt sur le revenu pour 2014. Ce barème a été à nouveau réindexé sur le coût de la vie. Il avait été gelé sous le quinquennat précédent.
Elle a aussi décidé le relèvement du seuil du revenu fiscal de référence, de 4%, seuil à partir duquel se déclenchent une douzaine d’autres mesures fiscales (taxe foncière, taxe d’habitation, redevance audiovisuelle, réduction des taux de CSG…).
De plus, elle a voté une revalorisation de la décote, c’est-à-dire une réduction de l’impôt bénéficiant aux premières tranches d’imposition, de 480 à 508 euros.
J’ai soutenu toutes ces mesures en les votant.
A cela s’est ajoutée (loi de finances rectificative pour 2014) une réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu de 350 € pour un célibataire et 700 € pour un couple, en faveur des foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence est inférieur à celui d’un salarié percevant une rémunération de 1,1 SMIC, ce seuil étant doublé pour un couple et majoré à raison des personnes à charge. Cette mesure a permis de réduire l’impôt d’environ 3,8 millions de foyers pour un coût budgétaire estimé à plus d’un milliard.
En Sarthe à la suite d’une interrogation que j’avais faite (question écrite parue au Journal Officiel du 07 octobre 2014 et réponse au Journal Officiel du 2 juin 2015) (http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-65655QE.htm), j’ai eu confirmation que « parmi les 299 000 foyers fiscaux de la Sarthe taxés au titre de l’imposition des revenus 2013, environ 117 000 avaient connu une baisse d’impôt sur le revenu entre l’imposition des revenus 2012 et l’imposition des revenus 2013. » Le montant moyen de cette baisse d’impôt sur le revenu s’élevait à 772 €, le montant médian de cette baisse étant de 267 €.
Par la suite la loi de finances pour 2015 a organisé une baisse de l’impôt sur le revenu des familles modestes et moyennes en supprimant la première tranche de l’impôt sur le revenu, ce qui a bénéficié à 9 millions de Français et a représenté un effort de 3,2 milliards (financés par la « non-dépense fiscale » liée à l’annulation à la suite d’une décision du Conseil Constitutionnel de l’exonération de cotisations salariales, de l’ordre de 2 milliards d’euros et une mesure d’économie de 1,2 milliard d’euros).
A ce sujet j’ai posé une question écrite au Ministre du Budget parue au Journal Officiel du 18 août 2015 (dont j’attends la réponse ; http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-90359QE.htm) pour lui demander de préciser les effets desdites mesures pour les contribuables du département de la Sarthe en m’indiquant le nombre de contribuables ayant vu baisser leur impôt sur le revenu, et ceux l’ayant vu augmenter, le niveau moyen de la baisse, et d’augmentation le cas échéant, enfin l’analyse qui peut être faite en termes de revenus disponibles pour les contribuables modestes ou moyens.
En 2016 après l’adoption de la loi de finances, et pour la troisième année consécutive, l’impôt sur le revenu des personnes physiques sera à nouveau allégé pour les ménages, à hauteur de plus de 2 milliards d’euros.
Depuis l’été 2014, les impôts auront ainsi baissé de 5 milliards d’euros, conformément à nos annonces, et 12 millions de foyers fiscaux auront bénéficié de la baisse de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire deux tiers des foyers fiscaux imposés.
5 La question de la mise en œuvre d’une réforme plus juste de la fiscalité : être pragmatique, juste et progressif
Comme le témoignent mes interventions sur le sujet, je suis préoccupée par la nécessité d’améliorer l’efficacité et l’équité fiscales.
Est posé le sujet de fond de ce que j’appelle le « profil » de l’impôt sur le revenu à savoir « à quel niveau est-on riche ? » et « comment régler le problème des très hauts revenus? ».
Je souhaite apporter trois observations complémentaires personnelles.
Concernant le passage à la retenue à la source pour l’Impôt sur le Revenu, plusieurs études ont été menées mettant en évidence les bénéfices d’une telle réforme (réduction du coût de gestion de l’impôt, simplicité, idées claires des ménages sur leur revenu réellement disponible) mais aussi la complexité de la transition en première année et des difficultés à prendre en compte l’ensemble des revenus et un certain nombre de droits reconnus ( par exemple en matière familiale).
S’agissant de la fusion IR et CSG, j’ai exprimé plusieurs réserves. A titre personnel, je doute de sa faisabilité complète et rapide, le premier étant un impôt progressif et « familialisé », tandis que le second est proportionnel et individuel.
De façon plus globale, je pense que les réformes nécessaires ont et auront besoin de temps et seront d’autant mieux acceptées par une majorité de nos concitoyens que notre pays aura retrouvé une croissance suffisante pour lisser certains effets négatifs individuels de cette réforme en partageant mieux les revenus nouveaux.

6 Des priorités à ne pas négliger

Réduire les niches les plus chères et les moins justifiées
De façon plus générale et je cite, ici, Henry STERDYNIAK, directeur du Département économie de la mondialisation de l’OFCE, économiste réputé et régulièrement invité de grands journaux, du « Monde » à « l’Humanité », note dans « Quelle réforme fiscale » in « L’économie Française 2015, OFCE, La Découverte», qu’ « un travail patient de démantèlement des niches, d’ailleurs bien engagé depuis quelques années » est mené pour remettre en cause les différents dispositifs qui ont entraîné progressivement le rétrécissement de l’assiette de l’IR (Impôt sur le Revenu).
L’urgence de la lutte contre l’optimisation fiscale organisée des très grandes entreprises
Selon ce même économiste, « l’urgence de l’heure est sans doute de lutter contre l’évasion fiscale des plus riches et des grandes entreprises, mais cela passe par une harmonisation fiscale européenne, qui n’est pas sans danger si elle oblige la France à s’aligner sur le moins disant fiscale en matière d’impôt sur le fortune, d’impôt sur les sociétés ou d’impôts sur le revenu».
Me concernant dès 19 juin 2013 j’ai appelé à soutenir l’initiative de l’OCDE visant à établir un programme de travail pour la lutte contre « la planification fiscale agressive des entreprises ou BEPS ». Il s’agit ni plus ni moins que de lutter contre les montages complexes, mais légaux, qui permettent aux multinationales d’échapper totalement ou partiellement à l’impôt en localisant leurs profits là où le fisc est le plus clément. Nombre de multinationales ne paient effectivement que 4 à 5% d’impôt sur les bénéfices alors que taux moyen dans les pays de l’OCDE est normalement situé 23 / 24% et que la TVA a augmenté dans 25 des 33 pays de l’OCDE ces dernières années.
Par ailleurs le 29 octobre 2013 j’avais rappelé à l’occasion de l’examen du projet de loi de lutte contre la délinquance économique et financière et contre la fraude fiscale que les paradis fiscaux abritent entre 20 et 30 billions, c’est-à-dire de 20 à 30 fois 1000 milliards de dollars d’actifs financiers. Je soutiens donc l’initiative du gouvernement Français demandant la mise en place d’une véritable politique européenne de lutte contre les paradis fiscaux et pour la transparence.
Ces derniers mois encore, j’ai posé deux questions écrites au gouvernement parues au Journal Officiel (JO) l’une sur les objectifs, le calendrier et les actions de la lutte contre l’optimisation fiscale organisée des grandes entreprises (JO du 7 octobre 2014 ; http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-65587QE.htm) et l’autre sur les suites qu’entendait donner notre pays aux pratiques de certains Etats qui encouragent cette optimisation qui fausse la concurrence entre Etats et entreprises (http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-72159QE.htm).
Sur un impôt payé par tous les citoyens
J’ai enfin suggéré au Gouvernement l’imposition de tous les français vivant à l’étranger considérant qu’il n’est pas acceptable que des citoyens français parviennent à échapper à l’impôt en s’installant hors de France. Ma demande a fait l’objet d’une publication au Journal Officiel le 14 avril 2015. (http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-77951QE.htm)

7 La question plus large du renforcement des droits du parlement

De façon plus générale le travail parlementaire sur les lois de finances m’amène à faire le constat que l’examen des dépenses budgétaires par mission et par programme dépendant d’un ou plusieurs ministères limite significativement la marge des parlementaires sur le vote des crédits et ne leur permet que de façon peu satisfaisante de diminuer des dépenses dans certains domaines pour les réallouer à d’autres.
Par ailleurs, ce sont les services ministériels qui disposent des outils permettant de faire les actes de prévision et d’autorisation utiles ce qui limite la capacité des parlementaires à connaître les possibilités de réallocation ou les impacts des mesures que l’administration propose avec l’accord des ministres.
De façon générale les dispositions constitutionnelles applicables aux Assemblées parlementaires limitent fortement les propositions financières des députés sauf si le gouvernement en est d’accord.
Ces éléments me conduisent à titre personnel, à être favorable, depuis plusieurs années, à une évolution des prérogatives parlementaires et surtout des moyens de contrôle de l’exécution budgétaire permettant d’inventorier les marges qui, nous permettraient collectivement, de peser plus significativement sur les choix ministériels.

Marietta KARAMANLI