Marietta KARAMANLI au Conseil de l’Europe « Lutter contre le réchauffement climatique en changeant le modèle de développement, en réhabilitant l’intervention efficace de l’Etat et en promouvant l’égalité »

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L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe où je représente l’Assemblée Nationale française a apporté son soutien par le vote d’une résolution adoptée le 29 septembre dernier à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique de Copenhague. Elle demande aux Etats y participant d’aboutir à un accord sur une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.
Lors de l’examen du rapport sur cette résolution, je suis intervenue pour défendre l’idée que seul un nouveau mode de développement économique et humain était de nature à changer « la donne », ce nouveau mode suppose d’abandonner la logique du court terme et de privilégier des investissements et services collectifs comme les transports publics ou communs, les habitats autosuffisants en énergie, les énergies renouvelables.
Parallèlement j’ai déploré l’inaction internationale fondée sur une idéologie dominante qui faisait de l’abstention de l’Etat un principe alors même que la situation nécessitait son intervention.
Enfin j’ai rappelé la nécessité de lier justice sociale et lutte contre le réchauffement. En effet il est très difficile de maintenir mobilisés l’opinion publique et les citoyens face à cet enjeu crucial lorsque la concentration des richesses au profit d’un petit nombre rend encore plus injuste et moins fort l’engagement de tous pour l’avenir commun.


Retrouvez le texte de mon intervention
Téléchargez le texte du projet de résolution et du rapport la présentant

SESSION DE 2009
(Quatrième partie)
COMPTE RENDU
de la trentième séance
Mardi 29 septembre 2009 à 15 heures

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LE PRÉSIDENT (Interprétation). La parole est à Mme Karamanli.

Mme KARAMANLI. – (France)
€“ Le projet de résolution qui nous est soumis est des plus importants face à un danger non seulement extraordinaire, mais aussi imminent ; si l’on considère que ce qui se produira dans la seconde moitié de notre siècle, soit environ 50 ans, compte pour un instant depuis la naissance de la terre !

Je ne reviendrai pas sur les données scientifiques du rapport si ce n’est pour constater que l’espoir de maintenir en dessous de 2 degrés l’augmentation moyenne des températures semble ne plus être de mise. Un rapport scientifique rendu public ces jours derniers appelle l’attention sur une augmentation probable de 4 degrés d’ici à 2060, ce qui pose la question de l’accès à l’eau potable de la moitié de l’humanité, anéantissant la moitié des espèces animales et végétales et ayant des effets beaucoup plus forts dans des régions plus gravement affectées avec des augmentations de l’ordre de 10 degrés.

Cette résolution est une invitation faite à l’ensemble des État à agir pour un accord, je cite « mondial ambitieux et contraignant ».

Ma première observation concerne la nouvelle forme de développement économique et humain qui refuse le court terme et encourage l’investissement durable.

Keynes, revenu aujourd’hui à la mode, disait, je cite : « Nous détruisons la beauté des campagnes parce que les splendeurs de la nature, n’étant la propriété de personne, n’ont aucune valeur économique. Nous serions capables d’éteindre le soleil et les étoiles parce qu’ils ne rapportent aucun dividende. »

Autrement dit, si gaspiller et polluer font gagner de l’argent, y compris en poussant les individus à une consommation sans limite, les entreprises le font et le feront.

Cette frénésie est illustrée par le slogan qu’utilise le supermarché de mon quartier à l’attention des clients « Plus vous achetez, plus vous gagnez ! »

Si demain économiser de l’énergie, gérer au mieux et dépolluer font gagner de l’argent, les entreprises le feront.

Autrement dit, les grandes entreprises sont malvoyantes pour ne pas dire « aveugles ». Ce constat doit appeler à refuser le court terme qui domine les grandes entreprises. Ce constat doit amener aussi à ce qu’une partie de la richesse soit affectée et investie dans des équipements et services collectifs, utiles et peu ou pas consommateurs d’énergie. Je pense aux transports publics ou communs ; je pense aux habitats autosuffisants en énergie ; je pense aux énergies renouvelables.

Ma deuxième observation porte sur l’inaction qui est condamnable.
Face au projet de moins dépenser l’énergie fossile, il y a des droits acquis et des idées investies.

Paul Krugman, l’économiste américain, disait il y a peu dans un des éditoriaux « acérés » que les industries du passé ont des armées de lobbyistes qui défendent des droits acquis alors même que les industries de l’avenir n’en ont pas !

Il ajoutait qu’au titre des idées investies, le monde sortait de trente ans pendant lesquels les idées dominantes consistaient à vanter l’abstention de l’Etat et l’abstention gouvernementale alors que la nature même du problème nécessitait qu’on mît fin à ces abstentions.

Lutter contre les droits acquis des entreprises « énergivores » et investir dans la réhabilitation d’un Etat efficace doivent faire partie de nos priorités.

Enfin, je terminerai par une observation sur la nécessité de lier justice sociale et lutte contre le réchauffement.

Je l’ai dit au début de mon propos, il est très difficile de maintenir concentrés et mobilisés l’opinion publique et les citoyens face à cet enjeu crucial.
Cela s’explique parce que le besoin de la plupart des femmes et hommes est de faire face à encore plus imminent : pour une part de l’humanité il faut lutter contre les guerres, manger à sa faim, se soigner, s’éduquer ; pour une autre part de l’humanité, il faut trouver un emploi, garder sa maison, payer ses traites, donner à ses enfants une qualification performante, etc€¦

Les inégalités d’aujourd’hui démobilisent les citoyens ; la concentration des richesses au profit d’un petit nombre rend encore plus injuste et moins fort l’engagement de tous pour l’avenir commun.

Peut-être est-il tard, mais pas encore trop tard pour tenir les deux bouts de l’action contre le réchauffement climatique, à savoir lutter contre les émissions, lutter contre les inégalités.

Je vous soutiens donc, monsieur le rapporteur, ainsi que votre projet de résolution.