Marietta KARAMANLI  » Lutter contre l’hypersexualisation des enfants, un enjeu pour la santé psychologique des plus jeunes, un défi à relever par l’éducation, la sanction et le partage des bonnes pratiques »

Le 1 juin 2016, j’ai participé à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe à STRASBOURG.
Je suis intervenue dans la discussion plénière d’un rapport et d’une prise de position de cette assemblée, rassemblant 47 des Etats de l’Europe, entendue au sens large en vue d’asseoir la démocratie et de défendre les droits de l’homme, sur le thème de l’hyper-sexualisation des enfants.
Les images actuelles (exemples des people et des médias) et les pratiques des industries de l’imaginaire tendent à survaloriser non seulement le corps mais aussi le sexe des jeunes avec des risques psychologiques individuels et sociaux importants.
J’ai fait trois propositions concrètes pour mieux prévenir cette intrusion de normes porteuses de mal être :

 développer l’éducation aux médias,

 faire contribuer aux dépenses de formation et d’information l’industrie qui profite de cette hypersexualisation,
et

 créer des ressources de bonnes pratiques partagées au service de ceux qui veulent promouvoir une approche globale du développement des enfants et des jeunes.


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Le texte intégral de mon intervention devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe
« La lutte contre l’hypersexualisation des enfants  »

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs, les Parlementaires,
Chers Collègues,

Je suis très heureuse de pouvoir intervenir dans ce débat sur «la lutte contre l’hypersexualisation des enfants».
Le sujet que nous abordons aujourd’hui est un sujet important et sensible.
C’est un sujet de société au sens fort du terme.
Cette discussion se fait à partir du rapport de notre collègue Valeur GUILETCHI rapport dont je voudrais dire l’opportunité et la position d’équilibre.
L’auteur rappelle l’importance des phénomènes psychologiques qui conduisent des jeunes à vouloir s’identifier à des personnalités sorte de héros modernes dont la popularité est construite sur des images.
Ces images mettent en évidence des caractères sexués mêlant l’apparence physique, les stéréotypes de genres, des gestes visant l’obtention de désirs sensuels ou érotiques.

L’hypermédiatisation de ces images en lien avec les réseaux sociaux conjuguée avec une forme de contrôle social généralisé au travers du regard des autres jeunes conduit à des phénomènes de sexualisation inappropriée dont les effets psycho-sociaux sont mal connus.
Me propos bref sera centré sur trois constats et trois propositions.

Trois constats

Cette hypersexualisation s’accompagne d’une réification et d’une marchandisation des corps, conforte le sexisme et aliène les esprits et les corps.
L’hypersexualisation des enfants pourrait apparaître comme un élément de libération précoce des enfants par rapport à leur milieu familial ou social et être à ce titre un élément d’une liberté qui se construirait progressivement
En fait le plus souvent elle enferme les enfants précocement de façon immatérielle et les rend dépendant de comportements dont ils n’ont ni la compréhension ni la capacité de voir s’ils correspondent à des envies ou goûts à découvrir dans le temps.
Il y a un élément de mimétisme qui permet de se rassembler en se ressemblant : mêmes idoles ; mêmes marchandises ; mêmes comportements calqués sur d’autres jeunes ou moins jeunes.
De la sorte leurs corps sont les vecteurs d’une mode suivie, imposée à large échelle et qui réifie leur corps.
A force de vouloir correspondre à un standard pré-défini est couru le risque d’être interchangeable comme un produit de consommation.
Cette mode vise à gommer les apparences tout en maintenant des différences sociales notamment entre genres : les femmes doivent plaire, les garçons doivent être séduisants.
Dernier effet à redouter, les jeunes risquent de ne pas ou plus s’habituer à être eux-mêmes, avec leurs corps différents des standards, à ne plus évoluer vers une sexualité accomplie à leur rythme.
Autrement dit se profile le risque d’un mal-être psychologique durable, indépassable et qui perdurera une partie de la vie.
Certaines émissions de téléréalité le disent sans le vouloir : ce sont aussi des machines à conformer et à frustrer.

Trois propositions

Pour y faire face, il convient de développer l’éducation aux médias, de faire contribuer aux dépenses de formation et d’information l’industrie qui profite de cette hypersexualisation et de créer des ressources de bonnes pratiques partagées au service de ceux qui veulent promouvoir une approche globale du développement des enfants et des jeunes.
Ces suggestions recoupent clairement les préconisations de la résolution.
L’éducation aux médias ne doit pas être considérée comme une affaire subsidiaire mais relever d’une démarche globale, construite et pilotée en lien avec les apprentissages fondamentaux.
Il faut lui réserver du temps et / ou un espace bien identifié au moins pendant quelques années.
Il faut aussi mettre l’accent sur la pratique en s’appuyant sur des partenaires professionnels et développer la formation d’enseignants référents.
Parallèlement il faut engager une réflexion sur les moyens pour promouvoir d’autres images et regards.
Il y a une véritable logique à faire que ceux qui font de l’argent avec des manifestations, des publications, des échanges mettant en scène des enfants dont l’apparence est sexualisée contribuent à rééquilibrer par d’autres campagnes et pratiques éducatives l’image des enfants et à financer la recherche sur les effets de leurs business. L’idée d’une taxe minime pourrait contribuer à cet objectif.
Enfin il conviendrait, me semble-t-il, de développer non seulement les meilleures pratiques contrariant cette hypersexualisation mais aussi de les capitaliser, de les partager en créant une sorte de boîte à idées, de « plateforme » sur le net permettant de valoriser ce qui est fait, de le proposer aux autres acteurs et de montrer qu’on peut créer de la réflexion en la mêlant avec le jeu et le plaisir.
Je vous remercie pour votre attention.
Marietta KARAMANLI