Marietta KARAMANLI plaide devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe pour une politique volontaire, continue et globale d’ntégration des immigrés

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Le 25 juin 2014, j’ai, devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe où je représente la France, défendu un rapport qui partant de l’interrogation sur les progrès à réaliser en matière d’intégration des immigrés en Europe, mesurant l’écart entre les mesures prises et les objectifs fixés, fait un certain nombre de recommandations.
Ce rapport a été adopté par l’Assemblée et constitue, à ce titre, un élément de référence qui peut et devrait inspirer les politiques nationales menées par chacun des 47 Etats et pays qui composent la dite assemblée.
Comme je l’ai expliqué le rapport a tenté d’objectiver les situations des immigrés en utilisant des données chiffrées dans trois domaines : l’accès à l’emploi; la réussite dans l’éducation ; la participation à la vie démocratique et en utilisant les observations qualitatives des personnes. A la suite plusieurs recommandations ont été formulées qui constituent des objectifs et une feuille de route.
Parmi elles peuvent être citées :

 faciliter l’accès à la formation professionnelle aux immigrés réguliers et à leurs enfants ;

 la reconnaissance des diplômes obtenus et des qualifications acquises en dehors du pays d’accueil ;

 l’introduction de mesures efficaces pour lutter contre la discrimination sur le marché de l’emploi ;

 la maîtrise de la langue du pays d’accueil au titre de l’éducation ;

 l’encouragement de pratiques pédagogiques favorisant la mixité sociale.
La rapport appelle aussi à une meilleure coopération des acteurs et vise une action d’ensemble au travers de l’accroissement d’un travail commun entre les gouvernements, les pouvoirs locaux et les organisations non gouvernementales.
Enfin j’ai tenu à rappeler la nécessité pour nos pays de renouer autant que possible avec des politiques globales assurant une meilleure redistribution de la richesse en direction de tous ceux qui sont dotés de faibles ressources, culturelles et économiques. Il s’agit autrement dit d’ « embarquer » le plus grand nombre pour éviter tout effet stigmatisant ou distinctif qui souvent joue à contre-temps de l’objectif d’intégration.
Les gouvernements saisis du rapport et de la résolution adoptée à sa suite feront connaître leurs réponses et leurs initiatives.
Je ne manquerai pas de vous en informer.
Marietta KARAMANLI

Consulter le rapport et le projet de résolution en les téléchargeant :


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SESSION ORDINAIRE DE 2014, (Troisième partie), COMPTE RENDU
de la vingt-quatrième séance, Mercredi 25 juin 2014 à 15 h 30

Mme KARAMANLI (France) rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Je suis très honorée de défendre cette proposition de résolution soumise à notre Assemblée parlementaire, et le rapport qui en constitue le fondement. Ce projet de rapport faisait suite à une proposition de résolution de 2011 dont Mme Fiala était la première signataire. Je n’en étais moi-même pas signataire.

Ses auteurs faisaient notamment valoir que « la clé d’une bonne intégration repose dans une responsabilité et un intérêt mutuel, une participation multisectorielle et une approche multistratégique. »

J’ai repris le projet de rapport à la suite de Mme Pelin GündeÅŸ Bakir. Je tiens à la remercier pour l’ensemble des informations initiales qu’elle avait collectées et qui ont alimenté notre réflexion collective. Nous avons bénéficié des informations et observations déjà recueillies sur trois thèmes principaux : le droit au travail, l’éducation et la participation démocratique.

Sur chacun de ces items, nous avons tenté d’objectiver les situations en utilisant des données chiffrées. Il ne s’est pas agi pour nous de rendre la réalité vécue par des dizaines de millions d’immigrés au travers de quelques chiffres, mais plutôt de donner à voir des écarts, souvent explicables, du fait du temps, des milieux sociaux concernés, des perméabilités plus ou moins grandes des cultures entre elles et de la capacité des institutions à prendre des mesures efficaces.

Des écarts parfois persistants du fait d’insuffisance de mesures politiques, et parfois même difficilement compréhensibles en raison, là encore, mais pour un motif inverse, du temps trop long passé.

Ces données sont à chaque fois mises en perspective avec une évaluation, en quelque sorte naturelle, menée à partir des témoignages, plus qualitatifs, d’immigrés de grandes villes européennes.

Mon propos sera centré, d’abord, sur la notion même d’intégration, ensuite, sur les constats de ces écarts qui témoignent d’une insuffisance d’intégration, et enfin, sur les mesures qu’appellent selon nous une action volontaire, continue et globale.

D’abord, la notion même d’intégration.

Comme le rapport l’explique, l’intégration désigne un mouvement double au terme duquel les immigrés et les sociétés d’accueil ont pour objectif d’inclure progressivement par la langue, le droit et la culture dans le corps social, ceux qui le rejoignent.

Evaluer l’intégration et considérer qu’elle a réussi ou échoué, comme pouvait le dire de façon interrogative le précédent titre en évoquant « l’Europe en échec », est un exercice difficile pour plusieurs raisons. Cette intégration a besoin de temps. Elle peut varier aussi en fonction de la taille du pays. Elle évolue dans le temps : des pays longtemps terres d’émigration deviennent des terres d’immigration. Elle est, par définition, un processus dont la mesure est difficile à manier. Il est donc préférable de dire qu’elle nécessite pour réussir plusieurs actions sur plusieurs axes d’amélioration, ce qui justifie pleinement le titre que nous avons voulu plus volontaire.

Ensuite, le constat d’écarts significatifs dans trois domaines.

Concernant l’accès au travail, de nombreuses données tracent une même direction : celle d’un moindre accès au marché du travail, non seulement parfois des immigrés, mais aussi pour leurs propres enfants qui sont pourtant souvent des citoyens du pays d’accueil. Je ne citerai que la situation de la France où le taux de chômage global s’établit à 9,6 %, tandis que pour les immigrés, il est de 16,4 %. Selon une étude de l’OCDE la perte de chance liée à l’origine étrangère est significative et augmente de 50 % environ le risque de non travail pour la personne immigrée.

Parallèlement, il y a souvent une inadéquation entre le niveau de qualification de la personne étrangère et son emploi dans le pays d’accueil. Il en résulte une perte de compétences, d’expériences et de dynamisme dont nos pays confrontés aux crises ont besoin et auront besoin demain. S’agissant de l’éducation, il existe un risque souvent réalisé de ségrégation entre enfants de l’immigration et enfants nés de parents originaires du pays. Les systèmes éducatifs en Europe sont souvent peu adaptés aux réalités vécues : l’accompagnement dans l’acquisition d’une langue nouvelle est souvent faible.

Parallèlement, trois facteurs jouent : la non-reconnaissance des doubles compétences notamment linguistiques, la concentration d’élèves en échec dans les mêmes écoles et les mêmes classes, en raison souvent d’insuffisance de mixité dans les quartiers ou territoires, et la difficulté à changer à l’école les représentations sur les élèves, là encore en fonction de catégories mentales et culturelles. Autrement dit, et pour reprendre une expression sociologique, il y a des « effets de contexte » qui se superposent et se cumulent pour aboutir à une moindre efficacité de l’école dans le sens de la résorption des ségrégations académiques et sociales.

Enfin en matière de participation démocratique, si la mesure de celle-ci reste difficile à établir, le rapport distingue à juste titre plusieurs niveaux et notamment : l‘acquisition de la nationalité du pays d’accueil mesurée par le nombre de personnes naturalisées ; la participation à la vie publique au travers de l’exercice de libertés fondamentales comme la liberté d’expression, la liberté d’association, etc.

Ces questions ont déjà fait l’objet de plusieurs résolutions et recommandations de notre Assemblée allant dans le même sens.

Venons-en à nos principales recommandations.

Je ne reprendrai pas nos propositions une à une, je me contenterai de mettre l’accent sur la philosophie d’ensemble de nos préconisations. L’idée principale est de considérer que dans nos politiques d’intégration actuelles, il existe des marges non exploitées et qu’il convient d’explorer les moyens de les utiliser et d’agir concrètement.

Nous avons ainsi proposé de faciliter l’accès à la formation professionnelle aux immigrés réguliers et à leurs enfants ; la reconnaissance des diplômes obtenus et des qualifications acquises en dehors du pays d’accueil ; l’introduction de mesures efficaces pour lutter contre la discrimination sur le marché de l’emploi ; la maîtrise de la langue du pays d’accueil au titre de l’éducation ; l’encouragement de pratiques pédagogiques favorisant la mixité sociale.

Un des principaux moyens d’action est fondé sur une meilleure coopération des acteurs et vise une action d’ensemble au travers de l’accroissement d’un travail commun entre les gouvernements, les pouvoirs locaux et les organisations non gouvernementales.

Nous avons aussi considéré que nos pays devaient renouer autant que possible avec des politiques globales assurant une meilleure redistribution de la richesse en direction de tous ceux qui sont dotés de faibles ressources, culturelles et économiques. Parmi eux, se trouvent les populations immigrées, récentes ou moins récentes. Autrement dit, des programmes universels, avec des déclinaisons prenant en compte certaines spécificités, doivent être valorisés car ils ont un effet de masse, si j’ose dire. De plus, leurs mécanismes s’avèrent souvent très redistributeurs. Enfin, ils sont moins stigmatisants.

Concernant le droit de vote aux élections locales des étrangers vivant depuis plusieurs années dans un pays, notre suggestion est en tous points conforme aux textes votés par notre Assemblée en 2005 et auxquels le Comité des Ministres avait donné un accord de principe dès 2006, il y a donc déjà huit ans. Ils précisent notamment : « L’idée d’attribuer un droit de vote actif et passif pour les élections locales à tous les résidents légaux est conforme au code de bonne conduite en matière électorale de la Commission de Venise ».