Marietta KARAMANLI « Plus de sécurité sur les substances utilisées par les équipements électriques et électroniques, plus de recyclage pour ceux-ci »

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Le 12 octobre dernier, j’ai fait une communication à la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale sur deux projets de directives de l’Union Européenne qui doivent fixer à chaque Etat membre de l’Union des obligations concernant l’utilisation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques et en matière de recyclage les déchets de ces mêmes équipements.
J’ai soutenu le projet de directive qui élargit la liste des équipements soumis à la réglementation en matière de déchets et qui étend les substances soumises à restriction et contrôle.
Parallèlement, j’ai souhaité que l’Assemblée nationale dispose de plus d’informations s’agissant de la directive sur le recyclage.
D’une part, plusieurs questions sont toujours en discussion entre Etats.
D’autre part, il faut étendre le volume soumis à recyclage et le pourcentage de matériaux faisant l’objet d’un recyclage.
Il faut aussi encourager et développer le réemploi ce qui limitera la production de nouveaux produits et donc économisera les matériaux et l’énergie nécessaires à leur fabrication.
Par ailleurs, il convient de maintenir l’information au public (y compris sur l’existence d’une filière de recyclage et son financement particulier) et sa sensibilisation (au public) en matière de gestion économe des équipements.


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Compte-rendu de la commission des affaires europénnes

Commission des affaires européennes, mardi 12 octobre 2010
17 heures, Compte rendu n° 166, Présidence de M. Pierre Lequiller Président

II. Communication de Mme Marietta Karamanli sur les équipements électriques et électroniques (documents E 4190 et E 4191)

Mme Marietta Karamanli, rapporteure.

Les équipements électriques et électroniques contiennent des éléments dangereux pour la santé et l’environnement, et doivent donc être traités de façon spécifique. Deux directives de 2003 s’appliquent actuellement, l’une sur les substances dangereuses, l’autre sur les déchets. La Commission européenne propose la refonte de ces deux textes.

Concernant la proposition de directive sur la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques, les enjeux principaux sont :

 le champ d’application : la Commission propose son extension de 8 à 10 catégories d’équipements. La France est favorable à un champ d’application ouvert : tous les équipements sauf ceux expressément exclus ;

 l’interdiction de substances : la directive actuelle interdit 6 substances- métaux lourds et retardateurs de flammes chromés. La proposition crée un mécanisme d’interdiction de nouvelles substances, s’inspirant de celui du règlement REACH relatif aux substances chimiques. Les modalités seraient définies selon la procédure de comitologie. Le Conseil souhaite préciser ces modalités dans la directive ;

 la procédure d’exemption : les exemptions sont actuellement décidées au cas par cas. La Commission propose d’introduire différents critères. Lors des discussions au Conseil, un équilibre a été trouvé entre les critères environnementaux et les critères socio-économiques. Ce compromis donne satisfaction à la France qui trouvait que la proposition de la Commission donnait trop d’importance aux critères socio-économiques.

Un accord politique sur la proposition de directive sera recherché lors du Conseil environnement du 14 octobre, puis un accord en première lecture pourrait être trouvé avec le Parlement européen.

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a approuvé cette proposition de directive (E 4190).

La proposition de directive sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) pose plus de difficultés.

La directive de 2003 actuellement en vigueur vise à prévenir la production de déchets et organiser la collecte et le recyclage de façon spécifique. Elle pose le principe de la responsabilité du producteur de l’équipement, par exception au principe général de responsabilité du détenteur du déchet.

En France, la filière de collecte et de traitement des DEEE ménagers fonctionne depuis 2006. Une éco-participation, comprise dans le prix des appareils neufs, finance la collecte, le réemploi, la dépollution et le recyclage des appareils usagés. L’éco-participation est versée par le producteur à un éco-organisme, chargé de l’enlèvement et du traitement des déchets pour le compte des producteurs adhérents. Les déchets sont collectés soit par le distributeur (obligation de reprise de l’ancien équipement lors de l’achat d’un nouveau) soit dans des points de collecte mis à disposition par les collectivités locales.

La Commission européenne souhaite améliorer le fonctionnement de la filière dans l’Union européenne, de façon à obtenir de meilleurs taux de collecte et de recyclage.

Actuellement, le taux moyen de collecte dans l’Union européenne est de 65 % des équipements électriques et électroniques mis sur le marché et moins de la moitié sont traités et déclarés conformément aux exigences de la directive. Fin 2009, la quantité de déchets d’équipements électriques et électroniques dans l’Union européenne était estimée entre 8,3 et 9,1 millions de tonnes. Selon la Commission européenne, elle pourrait atteindre 12,3 millions de tonnes d’ici 2020.

La proposition soulève plusieurs questions :

 le champ d’application : la Commission propose d’aligner le champ d’application sur celui de la directive relative aux substances dangereuses. Le Conseil est divisé sur cette question. La France est favorable à un champ d’application ouvert ;

 la définition du producteur : la proposition prévoit d’adopter une définition communautaire du producteur (le premier « metteur au marché » communautaire), alors qu’actuellement une définition nationale s’applique (le producteur est le premier « metteur au marché » sur le territoire national, producteur ou importateur). Le Conseil s’y oppose, en raison des difficultés de mise en Å“uvre que cela entraînerait. En particulier, cela réduirait les possibilités de contrôle au niveau national ;

 l’objectif de collecte pour les déchets : la Commission propose de porter ce taux à 65% des équipements mis sur le marché au cours des deux précédentes années dans chaque Etat membre. Plusieurs Etats jugent l’objectif irréaliste. La France y est favorable si des moyens supplémentaires sont disponibles pour les producteurs.

Elle a notamment proposé de créer une obligation de remise des déchets aux producteurs à partir des points de collecte, ce qui aurait l’avantage de limiter les fuites de déchets hors de la filière.

Outre la fixation d’un taux de collecte de 65 % par Etat membre, la proposition vise à relever de 5 % les taux de recyclage et de valorisation de la directive actuelle. Afin d’encourager le réemploi, des objectifs de recyclage associés à la réutilisation sont fixés.

 la possibilité pour les Etats membres d’afficher séparément du prix des produits les coûts de collecte et de recyclage des déchets électriques et électroniques : la proposition prévoit de maintenir cette possibilité, qui était inscrite à titre transitoire dans la directive de 2003, tandis que M. Karl Florenz, rapporteur de la commission de l’environnement du Parlement européen, souhaite la supprimer. L’affichage distinct permet d’informer les consommateurs des enjeux de la collecte et du recyclage.

La présidence espagnole a constaté fin juin des désaccords importants entre le Conseil et le Parlement européen et les travaux doivent se poursuivre sous présidence belge. Le Parlement européen doit examiner le texte en première lecture début novembre.

Compte tenu des interrogations et des difficultés qui se posent, il est trop tôt pour adopter un avis sur cette proposition et je propose que notre commission revienne sur ce sujet lorsque les discussions au niveau européen auront progressé.

M. Jacques Desallangre.

Je souhaiterais savoir quelle est la différence entre la définition nationale du producteur et la définition européenne. Par ailleurs, comment se déroulera concrètement la collecte des déchets, une fois posé le principe de la remise des déchets au producteur ?

Mme Marietta Karamanli :

La définition du producteur dans le cadre de la directive actuelle est nationale, il s’agit du premier « metteur au marché » sur le territoire national, producteur ou importateur. La Commission propose de se fonder sur le premier « metteur au marché » communautaire, ce qui reviendrait à priver les Etats membres de leurs capacités de contrôle à l’égard des entreprises qui mettent des équipements sur leur marché mais ne sont pas présentes sur leur territoire.

S’agissant de la collecte, la proposition de la France, qui s’inspire du Grenelle 2, vise à limiter les fuites de déchets hors de la filière agréée, qui sont actuellement très importantes.

M. Jean Gaubert.

Je souhaiterais savoir si la définition du producteur qui est proposée est identique à celle que nous connaissons aujourd’hui.

Mme Marietta Karamanli.

La définition serait différente car il s’agirait de la première mise au marché au plan communautaire et non national.

M. Philippe Cochet.

En matière d’application concrète, il faudra bien prendre en compte les pertes énormes qui existent entre les dépôts et les retraitements réels. Comment pense-t-on sécuriser cette filière ?

M. Gérard Voisin.

L’expérience que nous avons connue dans le domaine des pneumatiques automobiles est éclairante. Il existe bien aujourd’hui une filière organisée et le prix du pneu est augmenté du coût de son retour au recyclage. Les utilisateurs perçoivent bien l’intérêt à rapporter le pneu au revendeur. Par ailleurs, il faudra conserver un affichage distinct pour que le consommateur ait conscience du coût du recyclage.

M. Jacques Desallangre. J’ajoute cependant qu’une fois le pneu rapporté, le problème n’est pas systématiquement réglé et l’on se souvient que des pneus avaient été découpés pour faire des sous-couches de routes qui se sont ensuite effondrées.

Mme Odile Saugues.

Pour m’être battue depuis plusieurs années contre l’installation d’un incinérateur dans ma circonscription, je connais bien ce problème et mon expérience est celle de la nécessité d’une éducation des citoyens. Les personnes doivent être persuadées que le matériel rapporté sera bien recentralisé et recyclé. Il est bien connu qu’une partie du tri sélectif effectué par les particuliers est parfois apportée à l’incinérateur, ce qui entame la crédibilité des mesures mises en place. La transparence doit régner dans la filière afin que chacun sache comment les produits sont collectés, triés et réutilisés.

Mme Marietta Karamanli.

Ceci est tout à fait juste et, la refonte de la directive devrait permettre d’améliorer les taux de traitement et de recyclage. Bien entendu, la formation et l’éducation des citoyens seront une priorité.

M. Jacques Desallangre.

La puissance publique devra assurer la viabilité de la filière.

Mme Marietta Karamanli.

Bien sûr. En conclusion, je vous propose donc d’attendre des éléments d’information supplémentaires avant de donner notre avis sur la proposition de directive (E 4191).