Le 8 mars dernier, je suis intervenue dans la discussion par la commission des affaires européennes d’un rapport sur l’opération navale européenne contre les trafiquants d‘êtres humains en méditerranée dite Sophia.
Dans le cadre de cette opération les navires militaires européens peuvent arraisonner tout bateau suspect, le sommer de s’arrêter, le détourner de son trajet, le fouiller s’il y a soupçon et le saisir. 16 Etats membres de l’union Européenne y participent et n’intervient que dans les eaux internationales. Pour poursuivre plus efficacement l’Union européenne devrait obtenir un accord du Conseil de sécurité de l’ONU et l’aval du gouvernement libyen pour opérer dans les eaux libyennes, à moins de 12 miles nautiques des côtes. Cela a été le sens de ma question aux rapporteurs. J’ai aussi insisté pour les conditions politiques rendant possible cette évolution soient clairement évoquées et mentionnées dans le rapport. J’ai aussi suggéré que la coordination politique nécessaire pour aller au-delà soit pensée et précisée.
Commission des affaires européennes, mardi 8 mars 2016, 17 heures, Compte rendu n° 262,
II. Rapport d’information de MM. Joaquim Pueyo et Yves Fromion sur l’opération PSDC Sophia en Méditerranée centrale
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M. Joaquim Pueyo, co-rapporteur.
Avec Yves Fromion, nous vous proposons maintenant d’adopter les conclusions suivantes : saluer la qualité et l’efficacité de la coordination des moyens mis par les États membres à la disposition de la force navale de l’opération Sophia ; se féliciter des premiers résultats obtenus durant la phase 1, consacrée à l’analyse de la situation, et la phase 2a, en cours, consacrée à la sécurisation en haute mer ; constater que les réseaux de trafiquants ont adapté leurs modes opératoires pour contourner les obstacles dressés par l’Union européenne ; souligner que celle-ci doit veiller à ce que son action ne serve pas les desseins des trafiquants, en sécurisant la route migratoire centre-méditerranéenne sans réduire à néant leur modèle économique ; considérer par conséquent que les efforts doivent redoubler en vue de passer à la phase 2b puis à la phase 3, à savoir les volets offensifs de l’opération, destinés à sécuriser les eaux territoriales libyennes puis à neutraliser les réseaux à terre, dès que les conditions institutionnelles et politiques seront réunies en Libye ; estimer que le mandat d’un an accordé à l’opération Sophia devra être prorogé d’au moins six mois à son échéance, le 27 juillet 2016 ; appeler l’attention sur la nécessité de mieux coordonner Sophia avec les autres opérations relevant de la politique de sécurité et de défense commune qui interviennent sur les routes migratoires africaines, afin de contenir au maximum à la source ces mouvements de population ; inviter les autorités européennes à réfléchir d’ores et déjà activement aux modalités de leur contribution future au renforcement des capacités étatiques libyennes.
Mme Marietta Karamanli.
Je félicite les rapporteurs pour ce travail complet, sur un sujet complexe.
Le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, a déclaré que cette opération « montre ses limites et doit évoluer rapidement » pour qu’une intervention dans les eaux territoriales libyennes devienne possible. Quelles sont les conditions politiques à réunir, du côté de la Libye et du côté de l’Union européenne, pour y parvenir ?
M. Jean-Louis Roumégas.
Ce rapport d’information est intéressant et instructif car il décrit bien le modèle économique des passeurs libyens. La mission Sophia est nécessaire, elle se déroule dans de bonnes conditions et a obtenu des résultats humanitaires – même si son succès est relatif, puisque les réseaux n’ont pas été démantelés.
Cela dit, il conviendrait d’adopter un point de vue politique plus global : si des personnes sont prêtes à payer 500 ou 1 000 euros et à risquer leur vie, ce n’est pas uniquement parce que des petits trafiquants leur proposent une offre de transport, mais aussi parce qu’ils sont poussés à partir, pour des motifs sérieux, de nature politique ou économique, ou à cause d’une guerre. Or cela n’apparaît absolument pas dans l’analyse des rapporteurs. C’est la logique de l’« Europe forteresse », qui n’interroge pas les raisons des migrations et ne recherche pas de solutions politiques. Même à propos du renforcement de l’État libyen, il est uniquement question des moyens de lutte contre les trafics et les migrations, et pas de la lutte contre la violence dans la zone sahélienne, qui permettrait d’agir sur leurs causes. Je trouve gênant que nous ayons l’air de cautionner cette logique. J’ajoute que la situation découle de l’action des Occidentaux, qui n’avaient pas anticipé les conséquences de leur politique.
Il faudrait conduire une mission allant au-delà des opérations de police, ayant un objectif humanitaire explicite. Et nous devons avoir la volonté d’obtenir un règlement politique global, ne pas nous contenter de demander aux Libyens de faire la police pour notre compte.
M. William Dumas.
Les deux rapporteurs ont bien expliqué que l’objectif était de sauver le maximum de vie. Ce trafic rapporte sans doute davantage aux Libyens que l’activité pétrolière ; pour Daesh, c’est vraiment de l’or en barre. Tant qu’un gouvernement libyen stable n’aura pas été institué, il faudra maintenir de telles opérations et donc effectivement proroger Sophia, sans doute même au-delà de six mois supplémentaires. Sophia est une belle réussite, les phases 1 et 2a ont bien fonctionné, elle ont été plus efficaces que Frontex ; il faut maintenant passer à la suivante et se rapprocher le plus près possibles des côtes libyennes. Mais je crains que la constitution d’un gouvernement en Libye se fasse attendre…
Mme Marietta Karamanli.
Dans les conclusions, il faudrait mettre en évidence les conditions politiques exigées pour passer aux phases ultérieures.
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