« Rencontre avec les entreprises artisanales du bâtiment : garantir la professionnalité des métiers du bâtiment ; sécuriser le statut ; aller vers un accord de la représentativité des entreprises ; accompagner la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur les revenus des personnes physiques ; évaluer la pertinence de la réforme des valeurs locatives commerciales décidée en 2010 » par Marietta KARAMANLI

Le 3 mars j’ai rencontré, en compagnie de Françoise DUBOIS députée de la 1ère circonscription de la Sarthe, les co-présidents de la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment / CAPEB -Sarthe, (organisation professionnelle représentative des entreprises artisanales du bâtiment), Messieurs Bruno HATTON et Loïc YVON.
Il s’agissait de répondre aux interrogations légitimes du secteur de l’artisanat sur certains projets gouvernementaux.
Parmi les points figuraient notamment la suppression de toute ou partie des qualifications nécessaires à l’exercice d’une activité relevant de l’artisanat ; le doublement ou triplement du seuil d’activité des micro-entreprises ; le seuil de recours obligatoire à un architecte ramené de 170 à 150 m² ; la modification des critères de la représentativité patronale qui privilégie les grandes entreprises au détriment des TPE qui représentent 98% des entreprises françaises.
J’ai pu apporter à cette occasion des précisions sur plusieurs autres sujets évoqués dans les demandes de la confédération.
Concernant la suppression de toute ou partie des qualifications nécessaires à l’exercice d’une activité relevant de l’artisanat, j’ai rappelé que l’Inspection générale des finances (IGF) avait recommandé, dans un rapport publié en mars 2013, l’allègement ou la suppression, « dans certains métiers du bâtiment », des « contraintes de qualification restreignant l’accès à des tâches artisanales ».
A titre personnel, je suis favorable à ce que soit ouvert le chantier d’une adaptation des qualifications aux nouveaux besoins du marché, mais avec maintien d’une exigence de qualification », notamment pour « la santé » et « la sécurité » des consommateurs.
S’agissant du système de la micro-entreprise, selon Michel SAPIN l’idée avancée par certaines organisations patronales aurait été d’augmenter considérablement le plafond du Chiffre d’Affaires. Cette vision n’est pas celle du gouvernement.
Pour ce qui est du seuil de recours obligatoire à un architecte ramené de 170 à 150 m², j’ai rappelé qu’une loi de 1977 a posé l’obligation de recours à un architecte pour être autorisé à construire, et a prévu des dérogations limitées pour des constructions de faible importance dont la surface est fixée par décret. Depuis que cette dérogation a été mise en place, 70 % des constructions échappent en France aux architectes. La surface moyenne d’une maison individuelle est comprise entre 120 et 130 m2. De plus un grand nombre de pavillons clés en main ont une surface de… 169 m2. La situation est aussi complexe car en 2012 des dispositions ont modifié les modes de calcul des surfaces et introduit, en la matière, une complexité nouvelle avec « la prise en compte de l’emprise au sol dans le calcul du seuil ce qui a eu pour effet mécanique d’élever ce dernier ». En septembre l’Assemblée Nationale a adopté un amendement précisant que « Pour les constructions édifiées ou modifiées par les personnes physiques, la surface maximale de plancher déterminée par décret en Conseil d’État ne peut être supérieure à cent cinquante mètres carrés ». Le législateur a donc fixé une limite un peu plus basse mais plus claire.
En matière de modification des critères de la représentativité patronale qui privilégie les grandes entreprises au détriment des TPE qui représentent 98% des entreprises françaises, j’ai pris en note les observations faites par la CAPEB. La disposition figurant dans l’actuel projet de loi sur la travail a retranscrit un accord conclu entre le Medef et la CGPME, auquel n’avait pas participé l’Union professionnelle artisanale (UPA).
Début avril, les députés de la majorité ont décidé en commission de supprimer l’article incriminé avec l’idée d’exercer « une pression » sur les organisations d’employeurs pour qu’elles s’accordent d’ici aux débats dans l’hémicycle.
J’ai pu aussi apporter des précisions sur plusieurs autres sujets évoqués dans les demandes de la CAPEB comme la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et la réforme « problématique » des valeurs locatives des locaux commerciaux.
Mes observations servant de base à cet échange positif figurent à la suite.


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Qualification dans le bâtiment

L’Inspection générale des finances (IGF) avait recommandé, dans un rapport publié en mars 2013, l’allègement ou la suppression, « dans certains métiers du bâtiment », des « contraintes de qualification restreignant l’accès à des tâches artisanales ».
Une personne souhaitant exercer doit justifier d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou de trois ans d’expérience auprès d’un artisan, selon l’IGF.
L’Inspection générale des finances préconisait de raccourcir « à quelques mois la durée d’expérience requise » ou encore de « créer un statut de ‘‘professionnel de proximité’’, sans diplôme spécifique, pour les professionnels à même d’accomplir à moindre coût des tâches élémentaires ». Comme je l’ai fait remarquer l’IGF c’est elle et les parlementaires ce sont nous…
L’Union professionnelle artisanale (UPA) est contre une suppression de l’obligation de qualification. Il faut reconnaître dans ce qui a été défendu par Ministre de l’économie la volonté de promouvoir l’expérience acquise, et non uniquement les diplômes. Sauf erreur, il existe déjà une voie d’accès à la création dans les métiers de l’artisanat, via la justification de trois années d’expérience professionnelle.
A titre personnel, je suis favorable à ce que soit ouvert le chantier d’une adaptation des qualifications aux nouveaux besoins du marché, mais avec maintien d’une exigence de qualification », notamment pour « la santé » et « la sécurité » des consommateurs.

Micro entrepreneur / triplement du seuil d’activité des microentreprises

Le système de la microentreprise date de 2008 -2009. C’est un dispositif de création d’entreprise individuelle ouvert à tous, permettant d’exercer une activité de vente de biens et de services, selon des règles de gestion simples. Trois caractéristiques : le chiffre d’affaires est plafonné, vous ne gérez pas la TVA, contrairement à toute autre entreprise classique, et vous ne payez de cotisations sociales qu’en proportion du chiffre d’affaires réalisé.
Le statut a été modifié par la loi du 5 juin 2014 : les principales règles du statut sont confortées et améliorées ; il n’y a pas de limite de temps du statut ; la loi prévoit une obligation d’immatriculation au registre du commerce et au répertoire des métiers ; les plafonds de revenus ne changent pas non plus et la taxation sociale se fait par application d’un taux global fixé par décret (pour chaque catégorie d’activité) sur le montant du chiffre d’affaires ou des recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent ; il y a non application de la TVA pour les bénéficiaires qui restent en dessous d’un seuil de revenus annuels (inchangé).
Par ailleurs si les nouveaux auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale ne sont plus dispensés du stage de préparation à l’installation (SPI), obligatoire pour tout entrepreneur qui demande son immatriculation au répertoire des métiers et de l’artisanat (RM), cette nouvelle obligation ne concerne pas les auto-entrepreneurs qui exerçaient déjà une activité artisanale avant le 20 juin 2014, et qui restent dispensés de suivre un SPI. Parallèlement le texte facilite l’accès au régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) par plusieurs mesures : simplification du passage d’une entreprise individuelle vers le régime de l’EIR, facilitation du changement de domiciliation de l’EIRL, allègement des obligations de publication des comptes annuels de l’EIRL.
Les seuils sont actuellement, respectivement fixés à 32.900 € et 82.200 € pour les activités de services et de ventes.
Selon Michel SAPIN l’idée avancée par certaines organisations patronales (et non par Emmanuel Macron) aurait été d’augmenter considérablement le plafond du Chiffre d’Affaires.
Cette vision n’est pas celle du gouvernement ni « celle des organisations des artisans, des commerçants qui y voient une dévalorisation de leur travail et la mise en place d’une concurrence qui peut être une concurrence déloyale ».
Ce qui est ou serait proposé au Conseil d’Etat avant d’être inscrit dans un prochain projet de loi c’est une disposition qui gomme ce qu’on appelle les effets de seuil.
Un rapport des services de Michel Sapin a mis le doute sur l’opportunité et l’impact financier de la proposition. Etait évoqué un manque à gagner de 156 M€ pour les caisses de l’Etat et une efficacité douteuse.
Michel Sapin a donc choisi un « lissage », précisant que le chiffre d’affaires serait calculé « sur plusieurs années et non pas sur une seule année » afin qu’un entrepreneur ne passe brutalement d’un statut à un autre en cas d’évolution exceptionnelle de ce dernier.
Au moment de notre rencontre le projet n’était pas encore adopté par le Conseil des ministres et donc connu des parlementaires.

Projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine

La loi de 1977 a posé l’obligation de recours à un architecte pour être autorisé à construire, et a prévu des dérogations limitées pour des constructions de faible importance dont la surface est fixée par décret.
Une dérogation à la loi du 3 janvier 1977 avait fixé à 170 m2 la surface au-delà de laquelle l’intervention d’un architecte devenait obligatoire.
Depuis que cette dérogation a été mise en place, 70 % des constructions échappent aux architectes. La surface moyenne d’une maison individuelle est comprise entre 120 et 130 m2. De plus un grand nombre de pavillons clés en main ont une surface de… 169 m2. La situation est aussi complexe car en 2012 des dispositions ont modifié les modes de calcul des surfaces et introduit, en la matière, une complexité nouvelle avec « la prise en compte de l’emprise au sol dans le calcul du seuil ce qui a eu pour effet mécanique d’élever ce dernier ». En septembre l’Assemblée Nationale a adopté un amendement précisant que « Pour les constructions édifiées ou modifiées par les personnes physiques, la surface maximale de plancher déterminée par décret en Conseil d’État ne peut être supérieure à cent cinquante mètres carrés » ; Le législateur a donc fixé une limite un peu plus basse mais plus claire. La commission compétente au Sénat était revenue sur ce seuil. Le sénat a repris le seuil de 150 m2 avec un amendement qui dispense les agriculteurs de l’obligation de recours à l’architecte.

Réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu des personnes physiques

L’administration aurait déjà beaucoup travaillé et consulté les organisations syndicales et professionnelles. Les parlementaires eux n’avaient pas encore été saisis au moment de l’entretien.
Les grandes options devraient être tranchées au plus tard à l’été, notamment sur le tiers collecteur ou sur le traitement accordé aux différents revenus et crédits d’impôts.
Le prélèvement à la source pourrait figurer dans une loi de finances rectificative ou être inscrit dans le projet de loi de finances 2017.
Ce qui est craint par les entreprises c’est qu’elles jouent le rôle de tiers collecteurs Les entreprises sont déjà des collecteurs d’impôts à plus d’un titre, et notamment pour la TVA.
La CGPME a déjà émis « de vives réserves », craignant un « surcoût significatif » pour les entreprises. Le MEDEF dénonce « une très mauvaise idée sur le court terme ».
Néanmoins la plupart des Etats ont déjà basculé dans le système de l’impôt à la source : Etats-Unis (depuis 1943) ; Grande-Bretagne ; Allemagne …
Sauf erreur dans la plupart des Etats et notamment aux Etats-Unis ce sont les entreprises qui prélèvent l’impôt en même temps qu’elles collectent les charges sociales, c’est-à-dire à chaque fois que le salaire est versé. Pour le calcul de l’impôt, elles se servent d’un formulaire rempli par le salarié, le fameux « imprimé W4 ». (A titre d’exemple ce dernier peut choisir de révéler la situation de son conjoint s’il opte pour l’imposition commune, souvent plus favorable. Dans ce cas, l’employeur applique un barème spécifique).
A noter il y a déjà un rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) dépendant de la Cour des comptes sur le sujet…et les modalités possibles…
En l’état les concertations continuent et en tout état de cause l’impact financier, budgétaire, économique et social de la retenue à la source devrait être évalué.
Les députés ont réaffirmé, eu égard aux questions posées, leur volonté que le système soit le plus simple possible, à la fois pour le contribuable, et pour l’employeur, qui deviendra collecteur de l’impôt.
Par ailleurs, la réforme doit respecter certains principes comme la progressivité, la « conjugalisation » et « familialisation », (application des mécanismes des quotients conjugal et familial).
La réforme doit également garantir le respect de la confidentialité des informations personnelles des contribuables.

Réforme des valeurs locatives commerciales

La réforme des valeurs locatives des locaux commerciaux, qui devait entrer en application début 2016, a été repoussée d’au moins un an.
Lancée fin 2010 (loi de finances rectificative de décembre 2010), cette refonte avait pour objectif d’adapter des valeurs locatives datant des années 1970 , et qui servent toujours de base aux impôts locaux, à la réalité du marché, en les asseyant sur les loyers actuels. Or, ces loyers ont surtout augmenté en centre-ville.
Au vu des simulations réalisées par les commissions départementales, les impôts locaux (taxe foncière, cotisation foncière des entreprises) devraient donc fortement augmenter pour certains petits commerces situés dans ces zones, tandis que les hypermarchés en périphérie verraient leurs charges diminuer.
Selon une étude réalisée par la CGPME, à partir de simulations dans 33 départements, les magasins de moins de 400 m2 situés en centre-ville ou dans une zone commerciale verraient leurs cotisations bondir en moyenne de près de 80 %, alors que celles des hypermarchés diminueraient de 30 %.
Un délai pourrait permettre de corriger les travers de la réforme, via des mécanismes de lissages des hausses, des abattements… ou éventuellement de l’ajourner.
C’est un dossier en tout cas complexe.