« Suppression du bénéfice d’une demi-part supplémentaire aux parents isolés ayant élevé des enfants, un ministre qui ne donne aucune précision sur les conséquences de la mesure pour les personnes les plus modestes et refuse de revoir sa position » par Marietta KARAMANLI

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De nombreuses personnes m’interrogent sur la suppression par la loi de finances pour 2009 du bénéfice d’une demi-part supplémentaire aux parents isolés ayant élevé des enfants.
Dès avril 2009 j’avais posée au ministre du budget une question écrite sur le sujet. Le ministre m’avait répondu en juin. J’indiquais au ministre que je trouvais « cette disposition inéquitable alors que d’autres dispositions fiscales (suppression de niches fiscales profitant aux plus hauts revenus) seraient à même de pouvoir financer tout ou partie des sommes que l’État entend économiser avec la suppression de cet avantage ». Celui-ci dans sa réponse ne répondait absolument pas à ma demande sur « les estimations faites du nombre de personnes touchées par cette mesure, du montant du revenu médian à partir duquel ces personnes isolées verront leur impôt augmenter à la suite de la suppression de l’avantage, du montant moyen de l’impôt qu’elles paieront et du coût supplémentaire total au regard des autres exonérations supprimées qui en résultera pour les personnes qui seront ainsi touchées. ». Par ailleurs il n’indiquait pas un changement d’orientation en la matière ce que je ne peux que regretter.
En mars 2010 j’ai renouvelé mes interrogations avec une autre question écrite. Aux termes de celle-ci, je lui demandais donc, d’une part, le montant des impôts supplémentaires perçus à la suite de la suppression de cet avantage pour l’année 2009 et, d’autre part, si une évaluation de l’impact de la mesure sur la situation des veuves et veufs les plus modestes a pu être menée. Je suggérais que le dispositif soit revu dans le sens d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat des personnes seules les plus modestes. Dans réponse intervenue fin août 2010 le ministre, une nouvelle fois, ne donne aucune indication chiffrée et n’évoque aucun infléchissement de sa part sur ce dossier. Je ne peux constater qu’un refus de discuter à partir des données objectives et d’avancer pour tenir compte de la situation des personnes isolées les plus modestes.


Voici le texte intégral de mes deux questions et des réponses du ministre

Ma première question au ministre parue au Journal Officiel le 28 avril 2009 et sa réponse parue, elle, le 30 juin de l’année passée.

-Question

Mme Marietta Karamanli attire l’attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur l’article 92 de la loi de finances pour 2009 qui dispose que le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n’ayant pas d’enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l’objet d’une imposition distincte dont ces contribuables ont supporté à titre exclusif ou principal la charge pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls. Le même article précise que la réduction d’impôt résultant de l’application du II ne peut excéder 855 ‚¬ au titre de l’imposition des revenus de 2009, 570 ‚¬ au titre de l’imposition des revenus de 2010 et 285 ‚¬ au titre de l’imposition des revenus de 2011. Autrement dit, cet article supprime à terme le régime de demi-part supplémentaire applicable aux parents isolés ayant élevé des enfants tout en le maintenant à titre transitoire pour ceux qui pourront rapporter la preuve qu’ils ont élevé leurs enfants pendant cinq ans. Cette mesure pénalisera très sensiblement plusieurs millions de personnes, souvent des femmes modestes. En effet, les parents concernés devront, en outre, prouver qu’ils ont bien eu leur enfant à charge durant une période d’au moins cinq ans. Pratiquement cela se traduira, pour les personnes les plus modestes, par une augmentation de l’impôt sur le revenu et une baisse du montant des droits liés au niveau d’imposition. Une grande partie de la population, souvent âgée et faiblement imposée, voire exonérée, devra acquitter alors des droits attachés à la non-imposition tels que l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance « télévision » qu’elle ne payait pas. Certaines estimations font état de charges à payer supplémentaires de 400 ‚¬ en moyenne. Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les estimations faites du nombre de personnes touchées par cette mesure, du montant du revenu médian à partir duquel ces personnes isolées verront leur impôt augmenter à la suite de la suppression de l’avantage, du montant moyen de l’impôt qu’elles paieront et du coût supplémentaire total au regard des autres exonérations supprimées qui en résultera pour les personnes qui seront ainsi touchées. Elle lui demande si le Gouvernement entend revenir sur cette disposition inéquitable alors que d’autres dispositions fiscales (suppression de niches fiscales profitant aux plus hauts revenus) seraient à même de pouvoir financer tout ou partie des sommes que l’État entend économiser avec la suppression de cet avantage.

– Réponse

En principe, les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, sans enfant à charge, ont droit à une part de quotient familial. Toutefois, en application du I de l’article 195 du code général des impôts (CGI), ils peuvent bénéficier d’une demi-part supplémentaire jusqu’à l’imposition des revenus de 2008 lorsqu’ils n’ont pas d’enfants à charge mais qu’ils ont un ou plusieurs enfants faisant l’objet d’une imposition distincte et vivent seuls. Ces dispositions, instituées après la Seconde Guerre mondiale pour prendre en compte principalement la situation particulière des veuves de guerre, sont dérogatoires au système du quotient familial, qui a pour objet de proportionner l’impôt aux facultés contributives de chaque redevable. Seules les charges de famille du contribuable ou celles résultant d’une invalidité devraient donc normalement être prises en considération pour la détermination du nombre de parts dont il peut bénéficier. Eu égard à son objectif initial, ce dispositif de majoration de quotient familial ne présente plus aujourd’hui la même pertinence. Il aboutit au surplus à une incohérence de notre système fiscal, qui favorise les situations de rupture du couple (séparation, divorce, rupture de PACS) par rapport aux unions (mariage, remariage, PACS). Or le système du quotient familial se doit d’être neutre par rapport à la situation maritale des contribuables. Aussi le législateur a-t-il décidé, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2009, de recentrer cet avantage fiscal au bénéfice des seuls contribuables célibataires, divorcés, séparés ou veufs vivant seuls et qui ont supporté seuls à titre exclusif ou principal la charge d’un enfant pendant au moins cinq années. Par ailleurs, cette demi-part procure désormais un avantage en impôt identique pour tous les bénéficiaires, quelle que soit l’année de naissance de l’enfant dernier né. Afin de limiter les ressauts d’imposition, l’avantage fiscal est maintenu, à titre transitoire et dégressif, pour l’imposition des revenus des années 2009 à 2011, pour les contribuables ayant bénéficié d’une demi-part supplémentaire pour le calcul de leur impôt sur le revenu au titre de l’année 2008 et qui ne remplissent pas la condition d’avoir élevé seuls un enfant pendant au moins cinq ans.

Ma deuxième question au ministre parue au journal Officiel le 2 mars 2010 et sa réponse parue, elle, le 24 août cette année.

– Question

Mme Marietta Karamanli attire l’attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État sur l’évaluation de la disposition de la loi de finances pour 2009 qui a subordonné le bénéfice de la demi-part accordée aux contribuables, célibataires, veufs ou divorcés, ayant élevé un ou plusieurs enfants, à la preuve qu’ils en aient supporté la charge à titre exclusif ou principal pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls. Cet avantage fiscal est maintenu, à titre transitoire et dégressif, pour l’imposition des revenus des années, 2009 à 2011, pour les contribuables ayant bénéficié d’une demi-part supplémentaire pour le calcul de leur impôt sur le revenu au titre de l’année 2008 et qui ne remplissent pas la condition d’avoir élevé seuls un enfant pendant au moins cinq ans. Ce dispositif appelé à disparaître bénéficiait à un nombre important de personnes veuves ou divorcées ayant des revenus modestes. Le changement de législation fiscale les prive de surcroît de l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance télévision, et peut diminuer le montant de droits comme l’APA calculés en fonction du revenu imposable. Elle lui demande donc, d’une part, le montant des impôts supplémentaires perçus à la suite de la suppression de cet avantage pour l’année 2009 et, d’autre part, si une évaluation de l’impact de la mesure sur la situation des veuves et veufs les plus modestes a pu être menée. Elle suggère que le dispositif soit revu dans le sens d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat des personnes seules les plus modestes.

– Réponse

L’article 92 de la loi de finances pour 2009 (n° 2008-1425 du 27 décembre 2008) a recentré la majoration de quotient familial autrefois accordée aux contribuables vivant seuls et ayant des enfants faisant l’objet d’une imposition séparée sur ceux qui ont supporté, à titre exclusif ou principal, la charge d’un enfant pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls. Pour les contribuables ayant des enfants et vivant seuls qui ne remplissent pas cette condition, l’imposition du revenu est ramenée à un niveau identique à celui supporté par des contribuables ayant le même âge, les mêmes revenus, les mêmes charges, mais n’ayant pas eu d’enfant. Cette mesure d’équité fiscale se justifie, notamment, par le fait que la demi-part supplémentaire ne correspondait à aucune charge effective, ni charge de famille, ni charge liée à une invalidité. Par ailleurs, conformément au 2° du I de l’article 1414 et au 2° de l’article 1605 bis du code général des impôts (CGI), les personnes âgées de plus de soixante ans, ainsi que les veuves et veufs, bénéficient de l’exonération de la taxe d’habitation afférente à leur habitation principale et du dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public lorsqu’elles remplissent les conditions de cohabitation prévues à l’article 1390 du même code et que leur revenu fiscal de référence de l’année précédant l’imposition n’excède pas certaines limites définies au I de l’article 1417 du code précité. Ces limites dépendant du nombre de parts, les contribuables célibataires, divorcés, ou veufs, vivant seuls et ayant des enfants faisant l’objet d’imposition séparées supportaient, à revenu identique, une taxe d’habitation moins élevée que ceux n’ayant pas eu d’enfant. Pour les mêmes raisons d’équité, le calcul de la taxe d’habitation des contribuables, n’ayant pas assumé seul la charge d’un enfant pendant au moins cinq années, sera désormais aligné sur celui des contribuables n’ayant pas eu d’enfant. Cela étant, afin de limiter les ressauts d’imposition, l’avantage fiscal en matière d’impôt sur le revenu est maintenu, de manière provisoire et dégressive, pour l’imposition des revenus des années 2009 à 2011, pour les contribuables qui ont bénéficié d’une demi-part supplémentaire pour le calcul de leur impôt sur le revenu au titre de 2008 et qui ne remplissent pas la condition d’avoir élevé seuls un enfant pendant au moins cinq ans. La demi-part étant maintenue pendant cette période transitoire, la situation de ces contribuables, au regard de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public, sera préservée pour les années 2010, 2011 et 2012. Il est par ailleurs précisé que le nombre de parts du foyer fiscal n’est pas utilisé pour le calcul de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui dépend du niveau des revenus et du nombre de personnes. L’article 92 de la loi de finances est donc sans incidence sur le montant de cette prestation.