Au Conseil de l’Europe Marietta KARAMANLI condamne les discours de haine contre les Roms et demande l’utilisation des fonds existants pour les aider à s’insérer

120px-P_bridges.png

Le jeudi 7 octobre 2010, j’ai participé au débat qu’organisait l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe sur la montée du discours sécuritaire en Europe à propos de la situation des ROMS. A cette occasion j’ai fait valoir les effets négatifs et dangereux d’un discours mettant en cause des populations différentes et parfois déjà « mises à part » alors même qu’un grand nombre d’autres Européens confrontés à une grave crise économique, sociale et d’identité se sentent en difficultés et peuvent y trouver une explication facile à leur propre malheur et que la richesse produite n’est pas bien partagée. Au delà de cette condamnation, j’ai demandé que les fonds déjà existants pour inclure les populations soient effectivement utilisés pour les accompagner vers le travail, la formation, l’éducation et le logement. J’ai fait remarquer que certaines collectivités de proximité des Etats (par exemple en France) qui accueillent des Roms et organisent leur logement et les accompagnent dans la recherche d’une formation et d’un travail ne peuvent prétendre aux fonds que les Etats d’où viennent ces Roms pourraient avoir mais n’utilisent pas. J’ai réclamé que ces situations cessent! Enfin j’ai souhaité que l’ensemble des pays de l’Europe prennent conscience des importantes mutations qui interviennent. La liberté du commerce ne peut aller sans la liberté des individus d’aller et de venir et celle de pouvoir vivre ailleurs en Europe dans le cadre d’une réglementation humaine et efficace.


Mon intervention devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe

SESSION ORDINAIRE DE 2010, (quatrième partie), COMPTE RENDU
de la trente-quatrième séance, Jeudi 7 octobre à 10 heures
ADDENDUM 2

La montée récente en Europe du discours sécuritaire au niveau national : le cas des Roms

L’intervention suivante a été communiquée au Service de la séance pour publication au compte rendu par un orateur qui, inscrit et présent en séance, n’a pu être appelé à la prononcer faute de temps.

Mme KARAMANLI (France)

Monsieur le Président, mes chers collègues, depuis plusieurs mois des dirigeants politiques font valoir que les difficultés rencontrées par leurs nationaux sont les conséquences soit d’une immigration insuffisamment régulée, soit de la présence des Roms sur leur territoire.

Ces mêmes dirigeants choisissent des mesures de renvoi collectif, voire de destruction des habitations précaires et des emplacements occupés par ces populations. Cette politique est condamnable moralement et politiquement.

Ces dirigeants jouent avec le malheur et les difficultés d’un grand nombre d’autres Européens confrontés à une grave crise économique, sociale et d’identité.
Les effets et réactions que peuvent avoir de telles mesures sur tous ceux que l’on pourra désigner au regard de leur histoire, de leur mode de vie ou de leurs « différences » comme étant « moins européens » que les autres, sont négatifs.
Il y a lieu de craindre une intolérance nouvelle qui pourrait survenir à l’égard de tous ceux qui vivent paisiblement, même s’ils vivent pauvrement et en marge quelque part des autres résidents ou citoyens nationaux des pays qui les avaient accueillis antérieurement.

Trois priorités sont devant nous.

Il faut que les dirigeants politiques en cause cessent de verser de la haine et de la peur sur des populations qui ont une identité différente, qu’elle soit ethnique, culturelle et religieuse et de les présenter comme responsables d’une crise née de l’impéritie des Etats, incapables d’intervenir fortement pour réguler les économies et mettre fin au désarroi de millions de personnes privées d’emploi, de perspectives d’avenir pour leurs enfants ou tout simplement fragilisées et qui s’accrochent à toute explication même simpliste qui vise à leur présenter un responsable à leurs difficultés.

Depuis trente ans, une idéologie conquiert nos pays en expliquant que la richesse, à défaut d’être partagée, doit être augmentée, et que cette augmentation seule permettra à chacun d’en recevoir les fruits. Malheureusement, les écarts persistent et s’aggravent.

Il faut que les fonds €“ l’argent- existants pour inclure les populations vivant en marge de leurs propres sociétés et les accompagner vers le travail, la formation, l’éducation et le logement soient utilisés réellement ; il ne faut pas se contenter de bonnes intentions au moment des crises, il faut une utilisation effective et évaluée de ces fonds tout au long de la période à venir. La conséquence de cette absence de financement concret est que certaines collectivités de proximité des Etats qui accueillent des Roms et organisent leur logement et les accompagnent dans la recherche d’une formation et d’un travail ne peuvent prétendre aux fonds que les Etats d’où viennent ces Roms pourraient avoir mais n’utilisent pas. Ces situations doivent cesser !

Il faut enfin que notre continent prenne conscience des importantes mutations qui interviennent. La liberté du commerce ne peut aller sans la liberté d’aller et de venir et celle de pouvoir vivre ailleurs en Europe. Le grand historien de l’art Gombrich, né en 1909, observe dans sa « Brève histoire du monde » que certaines des personnes qu’il a côtoyées ont vécu leur enfance alors que l’Allemagne et l’Italie n’existaient pas encore (« N’est-ce pas étonnant ? » dit-il « naïvement »). Le fait que ces grands Etats ne soient pas si vieux, ajoute-t-il, donne à penser que les appartenances nationales sont des « biens collectifs immatériels » ou des « sentiments » qui peuvent évoluer€¦
Il note aussi que le monde grandit démographiquement mais « rapetisse » imperceptiblement, ce qui veut dire aussi probablement que si les pays et les sociétés sont moins différents les uns des autres et tendent à se ressembler, ils sont probablement en eux-mêmes plus complexes en raison de la présence d’individus d’origines diverses, de cultures ou d’habitudes variées, mais qui ont ou doivent avoir ensemble le goût de vivre selon les mêmes valeurs de liberté et de respect.

Bref, cette prise de conscience doit susciter chez les gouvernements une vision pour préparer l’avenir des pays, et pas seulement une réaction qui conduit à les administrer par la peur !

Je vous remercie de votre attention.