« Brexit, sortir de l’Union Européenne ne doit pas se faire à « la carte » » par Marietta KARAMANLI

Le 21 septembre 2016, membre de la mission d’information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations présidée par le Président de l’Assemblée Nationale, j’ai interrogé le secrétaire d’Etat auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur les premières suites politiques données à l’Union Européenne ( les 27 Etats membres « restants » de l’Union Européenne) à la décision des Britanniques de sortir de l’Union Européenne. J’ai noté

 d’une part une certaine perplexité des Etats, les Britanniques voulant sortir de l’UE, annonçant l’ouverture des négociations pour la fin mars, et laissant entendre que l’Angleterre ne demanderait rien à garder de l’union douanière dont le pays est membre depuis quarante-trois ans,

 d’autre part une annonce de coopération en matière énergétique avec EDF géant européen.
Les autres Etats dont la France vont valoir que les quatre libertés de circulation (biens, services, capitaux, et personnes sont indissociables). Dans l’attente d’une décision définitive après mise en œuvre de l’article 50 du traité de l’UE, le Royaume Britannique restera temporairement dans l’Union Européenne. L’article 50 définit les modalités d’un retrait volontaire et unilatéral, sans justification. Le gouvernement Britannique devra notifier sa décision au Conseil européen (les Chefs d’Etats et gouvernements), des négociations suivront pour un « accord de retrait ». Celui-ci devra être conclu au nom de l’Union par le Conseil de l’UE, à une majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. Alors les traités européens cesseront d’être applicables à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, en l’absence d’accord, deux ans après la notification du retrait.
En l’état malgré un discours optimiste sur les bienfaits du retrait, la livre (la monnaie anglaise) a perdu près de 20 % de sa valeur par rapport à l’€.
Une situation à suivre avec attention.
Marietta KARAMANLI

Mission d’information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations, Mercredi 21 septembre 2016, Séance de 15 heures
Présidence de M. Claude Bartolone, Président
– Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes
– Audition de M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes

Mme Marietta Karamanli.

Je voudrais rester sur les aspects politiques. À l’issue du sommet de Bratislava, le premier ministre italien a déclaré qu’il aurait dû marquer un tournant, mais que cela n’avait pas été le cas. Ce constat d’une forme d’impuissance est-il pertinent ?

Tandis que le Royaume-Uni ne déclenche toujours pas la procédure de l’article 50, il donne aussi son feu vert à la construction de deux réacteurs EPR par un géant européen de l’électricité, à savoir EDF. Ces décisions contrastées ne témoignent-elles pas, selon vous, d’une volonté de dire et de ne pas faire ?


M. le secrétaire d’État.

Dans l’Union européenne, l’unité est un combat, où le couple franco-allemand joue d’ailleurs un rôle décisif.
S’agissant de la négociation, il est clair qu’elle se déroulera au niveau européen et qu’il n’y aura donc pas un négociateur par État membre. Pour coordonner la position française, la synthèse qui devra s’opérer en France se fera autour du président de la République et du premier ministre, pour une meilleure préparation des arbitrages. Selon le type du groupe de travail retenu au niveau européen – et nous souhaitons qu’il se mette en place sous l’égide de Michel Barnier, nous verrons s’il y aura un représentant de la France.
Quant au passeport nécessaire pour les services financiers au sein de l’Union européenne, il n’est pas possible que des établissements bancaires qui ont un siège au Royaume-Uni continuent à opérer dans les mêmes conditions, alors qu’ils seront désormais hors de la supervision de l’Union européenne. Malgré les réticences de la Banque centrale européenne, la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé qu’il est possible que les compensations en euros aient lieu hors de la zone euro, mais seulement si elles se font dans l’Union européenne. Elles ne seront donc plus possibles à Londres.
Il y aura des lignes rouges, comme la liberté de circulation. Si jamais le Royaume-Uni veut un accès au marché intérieur, il devra la respecter pleinement.
Pour l’accord de février, il est caduc ! Les dispositions en cause, acceptées comme conditions d’un maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, ne tiennent plus. Elles ne remettaient d’ailleurs pas en cause la liberté de circulation, mais posaient seulement des conditions à l’attribution de certaines prestations sociales.
J’en viens à la position de nos partenaires et aux réactions du premier ministre slovaque. Elles montrent que la ligne de la fermeté est suivie, même par des pays qui pouvaient, par exemple en Europe centrale, sembler plus sensibles aux pressions britanniques. Nous avons été d’emblée les plus clairs et les plus fermes sur le calendrier ; nous partageons aujourd’hui cette position avec l’Allemagne.
Certains m’ont demandé comment forcer les Britanniques à activer l’article 50. Mais la question est plutôt de tenir bon sur le fait qu’une sortie de l’Union européenne ne peut avoir lieu sans activation de l’article 50. Theresa May a déclaré qu’elle a reçu un mandat pour sortir de l’Union européenne. Les Vingt-sept l’ont invité à le faire, en rappelant que la sortie de l’Union européenne passait par l’article 50 et qu’elle était alors inéluctable au plus tard deux ans après. Tant que le Royaume-Uni n’est pas sorti, il reste sous la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne, il doit continuer de transposer les directives et de respecter la liberté de circulation… Il faut donc être clair sur la question de l’article 50 et le refus de toute pré-négociation.
Concernant un vote de la Chambre des Communes sur la notification, même si des députés nationaux en réclament un, le cabinet britannique ne le juge pas nécessaire. Mon homologue me l’a dit encore hier à Bruxelles, en m’assurant que l’activation de l’article 50 ne serait pas soumise à un vote parlementaire. Mais l’accord de retrait le sera naturellement, puisqu’il devra être ratifié par la Chambre des Communes.
Cette négociation ne doit pas cependant pas résumer l’agenda européen et absorber toutes les énergies. L’essentiel, c’est ce que nous allons faire à vingt-sept.

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