Budget 2009 de l’enseignement supérieur et de la recherche : un budget en trompe l’oeil ; ma demande de mesures et de moyens pour les universités et la recherche publique par Marietta KARAMANLI

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Vice présidente du Groupe Socialiste, Radical et Citoyen à l’Assemblée Nationale je suis intervenue, lundi 3 novembre lors de la discussion du projet de budget 2009 de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour dénoncer un budget « décevant, en trompe-l’Å“il et finalement inquiétant pour l’avenir ».
Je me suis notamment inquiétée de l’insuffisance des crédits pour les universités et les laboratoires publics, ai critiqué la suppression de 900 emplois dans le service public, ai demandé que la recherche faite dans toutes les universités, et pas seulement les plus grandes, reçoivent une reconnaissance et des moyens en conséquence, et ai dénoncé l’absence de mesures en faveur des étudiants notamment les plus modestes.

S’agissant de la recherche privée censée être encouragée par le crédit d’impôt recherche, j’ai regretté que ce dernier n’encourage plus vraiment la recherche et n’aide pas les PME les plus innovantes.

Une critique radicale du projet de budget qui en creux montre là où l’Etat devrait faire un effort significatif, en y affectant des moyens qu’il perd en cadeaux fiscaux aux plus riches et en mesures économiques sans efficacité.


M. le président. Nous en venons aux orateurs inscrits dans la discussion.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Madame la ministre, je regrette sincèrement que le projet de budget que vous nous présentez soit décevant, en trompe-l’Å“il et finalement inquiétant pour l’avenir.

Lors de votre conférence du 18 septembre dernier, vous annonciez : « Cette rentrée 2008 est la rentrée d’une université qui change. » S’il y a changement en 2009, il ne va dans le sens ni du plus grand nombre ni de la qualité.

Vous évoquez le soutien que l’État doit à l’université : force est de constater qu’il est non seulement compté, mais insuffisant, car en deçà des intentions gouvernementales et des besoins des universités, des enseignants-chercheurs et des étudiants.

Trois exemples me permettront de donner la tonalité de ce budget.

Ainsi, les crédits budgétaires pour l’université et la recherche publique sont restreints.

Sur le papier, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », prise dans son ensemble, devraient évoluer de 2008 à 2009. Il en est de même pour le programme « Formations supérieures et recherche universitaire ». Mais ces chiffres appellent quatre remarques.

Premièrement, si l’on ne considère que le taux d’inflation actuel qui est de 3 %, les crédits de paiement pourraient finalement n’évoluer que de 0,8 %. Et, si l’inflation atteint 3,8 % €“ ce qui, compte tenu de la conjoncture, n’est pas improbable €“, il ne restera rien de l’augmentation des crédits de paiement inscrits pour cette mission et ce programme.

Deuxièmement, les crédits alloués aux établissements publics scientifiques et techniques sont paradoxalement en recul.

Troisièmement, l’augmentation globale ciblée sur l’aide aux PME laisse de côté la recherche fondamentale et l’innovation durable. La moyenne d’évolution des crédits de paiement hors EPST est, de prime abord, beaucoup plus forte : 13,23 % en moyenne en euros courants, dont il faut déduire l’inflation, ce qui donne 10 % en euros réels ou constants. Mais cette moyenne est en fait le résultat de l’augmentation importante des crédits destinés à l’établissement public OSEO, créé pour soutenir l’innovation des PME. Ces deux postes mis de côté, l’augmentation s’élève à 1,76 % en euros courants, soit une baisse de 1,2 % en moyenne en euros constants : nous sommes loin des augmentations nécessaires à l’enseignement et à la recherche publics.

Ma quatrième et dernière remarque concerne le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », dont les crédits évolueront de 1,7 % entre 2008 et 2009.

De son côté, l’Agence nationale de la recherche, qui subventionne sur projets bon nombre d’opérations de ce même programme 172, verra sa subvention globale reconduite en 2009, c’est-à-dire gelée. En d’autres termes, les laboratoires auront moins d’argent, et cet argent sera toujours plus orienté.

J’en viens maintenant à la question de l’emploi.

On constate une volonté, presque mesquine, de limiter l’emploi public au service la recherche.
Pour les enseignants-chercheurs, le changement de cette rentrée €“ puisque telle est votre expression €“ concerne la suppression de 900 postes.
C’est la première fois depuis quinze ans que l’enseignement supérieur et la recherche subissent une baisse de leurs effectifs statutaires.
Une fois
de plus, les choix idéologiques prennent le pas sur les nécessités du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Ces économies représenteront 60 millions chaque année, soit environ 0,4 % du montant du paquet fiscal annuel voté en faveur des plus hauts revenus et aux effets économiques des plus limités.

En matière de recherche publique, je note une sous-évaluation récurrente des moyens.

Quant à la recherche privée, le crédit d’impôt recherche au profit des entreprises est devenu un dispositif au rendement discutable.
Ce n’est plus l’accroissement des dépenses qui est pris en compte, mais le montant global de la dépense, ce qui lui fait perdre son caractère de sélectivité orientée.
Cela n’empêche pas les effets d’aubaine pour les grands groupes et ne garantit pas l’accès des plus récentes PME en phase intense de développement de leur recherche à une véritable aide publique.

Madame la ministre, quand cesserez-vous de sacrifier l’emploi de la recherche à un déficit public que vous creusez obstinément chaque année, avec un injuste paquet fiscal de 15 milliards d’euros ?

J’en viens maintenant à mon deuxième exemple d’une réalité loin de l’idéal gouvernemental, celle des universités qui doutent et de moyens dramatiquement insuffisants pour générer de l’excellence.

Nombre d’universités françaises s’interrogent sur leur avenir. Arguant que celles-ci seraient distancées dans les classements internationaux, l’État a décidé de favoriser un regroupement des universités sur la base d’une concentration institutionnelle.
On sait pourtant que ces classements sont des leurres.

Ils survalorisent certains critères, comme l’obtention d’un prix Nobel, fût-il vieux de plus de cinquante ans. Ainsi, le prix Nobel d’Einstein profite toujours aux universités où il a enseigné, faisant gagner à l’une d’entre elles 100 places au classement. Ils s’appuient sur des bases de données de publications, notamment anglo-saxonnes, dont la composition est discutable.

Ils diminuent l’importance quantitative de la recherche des universités françaises, la partageant mécaniquement avec les laboratoires fonctionnant comme unités mixtes d’autres organismes.

Enfin, ils ont l’effet voulu par ceux qui y recourent en poussant à la fusion et au gigantisme.

C’est du reste en s’appuyant sur ces classements que le Gouvernement a lancé le plan Campus et ses pôles.
Ce plan Campus, qui vise à distinguer de grands pôles universitaires à vocation internationale avec, à la clef, des moyens supplémentaires, n’a, au demeurant, retenu aucune université en Bretagne ou dans le Nord. On le sait, pourtant, l’excellence n’est pas seulement du côté des universités les plus nombreuses ou à forte concentration. Sait-on que le California Institute of Technology est considéré comme un des meilleurs établissements universitaires du monde alors qu’il ne compte que 2 000 étudiants et 300 enseignants ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est privé !

Mme Marietta Karamanli. En France, l’ensemble des universités qui font de la recherche ont noué de nombreux partenariats et mutualisé leurs moyens : elles partagent des unités de recherche et ont, dans bon nombre de cas, des formations communes.

Il ne peut donc y avoir de modèle unique d’excellence qui tuerait toutes les universités non choisies pour leur visibilité à l’étranger.
L’excellence vient du nombre d’enseignants et de chercheurs bien formés, motivés et reconnus, de la qualité des moyens pédagogiques déployés et des moyens en argent et en temps des personnels affectés à ces types de missions fondamentales.

C’est pourquoi, madame la ministre, ma deuxième interrogation, pour être générale, n’en est pas moins fondamentale : quelles perspectives entendez-vous offrir, dès maintenant, à toutes les universités qui assurent l’accès de nos étudiants à la formation et à l’emploi et font leur juste part de recherche avec les moyens dont elles disposent ?

J’en viens à mon troisième et dernier sujet : les étudiants sont aujourd’hui punis par le Gouvernement avant de l’être certainement par la crise.

Les 2,2 millions d’étudiants ont en effet pu constater que le coût de la rentrée touchait durement les plus modestes d’entre eux : les droits d’inscription ont augmenté de 4,3 % en moyenne alors que la perte de pouvoir d’achat atteindrait, sur une année, près de 6 %.

De plus, sur les 15 000 logements sociaux pour étudiants qui auraient dû être construits ces trois dernières années, un peu plus de la moitié seulement a été livrée.

Enfin, sous prétexte de les simplifier, les bourses ont été revues et le nombre de recalculés pénalisés serait de 20 000 étudiants au moins.

Madame la ministre, quelles mesures entendez vous prendre en faveur des étudiants pour leur permettre de faire face à l’augmentation du coût de la vie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Claeys, rapporteur spécial. Très bien !

Retrouvez mon intervention sur le site de l’Assemblée Nationale en activant le lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009/20090046.asp#INTER_8