A l’occasion de l’audition de la ministre d’Etat, ministre de la justice et des libertés, je suis intervenue pour m’étonner que derrière l’annonce par le gouvernement d’un budget de la justice qui serait épargné par l’austérité (avec 4,15 % d’augmentation) se cachent en fait une diminution du nombre de magistrats (moins 76 postes !), une réduction des crédits pour le suivi des jeunes adultes délinquants et un endettement croissant né de l’utilisation des partenariats public privé. J’ai par ailleurs relevé qu’une partie des crédits ne servirait qu’à compenser l’augmentation des prix…L’année dernière le projet de loi de finances pour 2010 prévoyait une inflation de 1,2 % alors qu’elle sera probablement de l’ordre de 1,7 %. Pour 2011 elle est estimée comme se situant entre 1,5 % et 2 % ce qui viendra amputer la dite augmentation du budget de façon proportionnelle€¦La Ministre dans sa réponse fait mine de considérer que cela est normal tout en omettant de dire que l’augmentation n’est pas de 4,5 % mais plutôt de 2 %…Par ailleurs aucune explication ne vient à l’appui de la diminution du nombre de postes de magistrats€¦celle-ci vient d’ailleurs en contradiction avec l’adoption croissante de textes de lois (notamment pénaux) voulus par le gouvernement mais dont l’application est nécessairement limitée€¦Enfin s’agissant de mon observation concernant la mise à disposition tardive (en fait inexistante au moment de la réunion) de l’avis du député rapporteur sur le budget examiné en séance, le président de la commission indique en réponse que la commission doit donner, elle aussi, son avis ce qui empêcherait la communication préalable du rapport€¦il s’agit là d’une interprétation « libre » du règlement car si la commission doit se prononcer l’avis est déposé avant la réunion de la commission€¦le site de l’Assemblée Nationale mentionne d’ailleurs à la date du 27 octobre « Avis n° 2863 déposé le 14 octobre 2010″. Le renvoi électronique mentionne « Ce document qui a fait l’objet d’un dépôt officiel sous le numéro 2863 n’est pas encore édité »€¦Autrement dit la commission discute sans disposer de l’avis officiellement donné par le rapporteur…
S’il s’agissait de faire en plus état de nos débats rien n’empêcherait de les joindre a posteriori au rapport€¦nous sommes loin de la discussion publique, argumentée et circonstanciée souhaitable dans une démocratie parlementaire…les annonces faites d’un parlement renforcé ne sont pas la réalité quotidienne!
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mardi 19 octobre 2010, séance de 17 heures 45, Compte rendu n° 7, Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, Président
€“ Audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les crédits de la mission « Justice »
Mme Marietta Karamanli.
Monsieur le président, permettez-moi de regretter de n’avoir pu trouver avant la séance sur le site de l’Assemblée nationale l’avis de notre rapporteur. Cela aurait facilité notre travail.
L’augmentation de 4,15 % du budget de la mission doit être mise en regard de l’évolution du coût de la vie. Sur les 125 millions d’euros supplémentaires, 60 à 70 millions représentent un simple ajustement à l’augmentation des prix.
D’autre part, peut-on considérer que la création de 203 postes administratifs €“ puisque le rapport annuel de performance montre que, sur les 399 postes annoncés, 196 sont en réalité des passages de personnels de la catégorie C à la catégorie B €“ compense la suppression de 76 postes de magistrats ?
Comment justifier cette baisse du nombre de magistrats à un moment où la charge de travail augmente, en particulier pour les dossiers de tutelle ?
Les crédits du programme 182, « protection judiciaire de la jeunesse », diminuent de 2,1 %. Cela traduit-il l’abandon des mesures en direction des jeunes adultes de 18 à 21 ans en grande difficulté d’insertion ?
Enfin, la Cour des comptes s’est inquiétée du recours au partenariat public-privé. [[Ces dernières formules visent à ce que des personnes et des fonds privés financent ou gèrent un service ou un équipement public contre une rémunération de la personne publique. Celle-ci ne s’endette pas au sens où elle n’emprunte pas pour construire un bâtiment mais elle paie un loyer (souvent pendant des décennies) à une personne privée qui se rémunère ainsi avec parfois des marges significatives. De telles formules sont aujourd’hui utilisées pour construire des prisons ou des palais de justice€¦]]
Quelle est votre estimation du coût total des partenariats existants dans les programmes 166, « justice judiciaire », et 107, « administration pénitentiaire » ? Les PPP diminuent les charges d’investissement mais ils feront augmenter les charges de fonctionnement, sans que l’on sache dans quelles proportions.
M. le président Jean-Luc Warsmann.
Nos rapporteurs ont travaillé comme ils le devaient. Un avis ne peut être publié avant la séance puisqu’il résulte des débats de la Commission.
…
Mme le ministre d’État.
€¦Madame Karamanli, il est heureux que le coût de la vie n’augmente pas, comme les crédits de la justice, de 4 % ! Que diriez-vous si, comme celui de bon nombre de ministères, le budget de la justice était simplement reconduit en euros courants ?
L’évolution du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est liée à celle des missions et de l’organisation territoriale. La diminution des crédits est cependant moins rapide.
L’analyse que la Cour des comptes fait des PPP est beaucoup plus nuancée que certains ne le laissent entendre. Pour ma part, je décide un PPP non pas sur une base idéologique, mais à partir d’une analyse précise des prévisions de coûts et d’avantages. Je veille également à l’amélioration qualitative de certains PPP : il faut éviter que les partenaires privés abaissent la qualité des prestations.