Budget de l’Etat 2009 : Marietta KARAMANLI montre comment l’Etat, en manque de ressources, reporte vers les collectivités territoriales une partie de ce qu’il devrait financer

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A l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, Marietta KARAMANLI est intervenue en séance, lundi 20 octobre, à propos de la diminution des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales.
L’Etat, par différents mécanismes, va reporter et faire supporter aux collectivités locales (régions, départements et communes) plus d’un milliard d’euros qu’il aurait du financer.
Marietta KARAMANLI a dénoncé une dotation de fonctionnement en recul car non indexée sur l’inflation réelle, une vraie fausse augmentation du Fonds de Compensation de la TVA, une dotation de solidarité urbaine en diminution pour 238 communes dont celle du MANS enfin elle s’est inquiétée des conséquences pour les collectivités locales du « Tchernobyl financier et bancaire » et a rappelé la nécessité de faire évoluer la fiscalité locale.
Voici le texte de son intervention devant l’Assemblée Nationale.


Madame la Ministre, Monsieur le Présidents, Mesdames et Messieurs les Députés, Cher(e)s Collègues,

Le projet de budget qui nous est présenté, notamment en ce qu’il concerne les relations de l’Etat et des Collectivités territoriales est un budget doublement difficile,

difficile de par la complexité des mécanismes qu’il met en Å“uvre

et

difficile pour les collectivités qui auront à en gérer les effets.

1) Difficile de par la complexité des mécanismes mis en Å“uvre :

Les divers et nombreux concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales apparaissent à plusieurs endroits de la loi de finances.
Pour certains, ils sont dans les dépenses notamment aux missions « Remboursements et dégrèvements d’impôts », « relations avec les collectivités territoriales », « Travail et emploi » ou encore « Culture ».
Pour d’autres, ils sont dans les « prélèvements sur recettes de l’Etat » et
regroupent les principales dotations de fonctionnement dont la DGF.

Pourtant il en va des lois du budget et de l’impôt comme de celles de l’économie, il y faut de la clarté et de l’intelligibilité.
Paul KRUGMAN le récent prix Nobel d’Economie rappelait dans un de ses ouvrages que ce « Ce dont le monde a besoin maintenant, c’est d’agir en étant bien informé ; et, pour ce faire, les idées doivent être présentées de façon à être accessibles à un large public et non pas aux seuls docteurs en économie »
et je dirai, s’agissant de ce qui nous occupe ce soir, aux seuls spécialistes des finances publiques et locales.

Sans entrer dans le détail, on doit noter l’existence :

  d’une grande variété de dotations et de concours financiers,

  de concours qui ont leur propre règles de variation,

  de concours qui servent de variables d’ajustement

  de compensations d’exonération,

  de compensations d’exonération qui évoluent à la baisse en contrepartie de l’augmentation d’autres concours.

Ainsi va la complexit逦et surtout la difficulté à repérer derrière des dispositions techniques les importants enjeux politiques qu’ils recèlent.

Mon propos peut vous sembler déconnecté des grands enjeux de ce budget.

Il est pourtant en prise directe car l’absence d’intelligibilité de la loi conduit au désintérêt des citoyens et donc in fine à l’affaiblissement de la transparence de notre discussion et des décisions prises.
J’en reviens donc aux grands enjeux de ce budget.

2 ) Ce budget 2009 est et sera difficile pour les collectivités qui auront à en gérer les effets

En 2009, l’insuffisance de ressources conduit l’Etat à transférer aux collectivités territoriales une partie de ce qu’il devrait financer.

A défaut de ressources, il diminue sa contribution.
A défaut de recettes, il sollicite celles des collectivités locales.
Comme le disait François VILLON (poète Français du Moyen Age ayant vécu près d’Angers et pas François FILLON qui pourtant n’habite pas loin! « En grande pauvreté ne gît pas grande loyauté. »

Une dotation Globale de Fonctionnement en recul

S’agissant de la dotation générale de fonctionnement (DGF) , dans le cadre du pacte de stabilité financière (1996-1999), l’indexation se faisait sur l’inflation.
Puis dans le cadre du pacte de croissance et de solidarité (1999-2007), elle s’est faite sur l’inflation augmentée du 1/3 de l’évolution de la croissance.
Depuis 2008 elle est faite uniquement sur l’inflation. En fait, il s’agit de l’inflation retenue par le projet de loi de finances c’est-à-dire l’inflation prévisionnelle.
En 2008 le taux d’évolution retenu a été de 1,6 % alors qu’en fait le taux est proche en glissement annuel de 3 %.
Pour 2009 le montant de la DGF sera de 40,855 Md ‚¬ ne progressant donc qu’au rythme du niveau d’inflation retenu par le gouvernement, soit 2%. Par rapport à 2008, cette hausse représente 800 millions d’euros en plus pour les collectivités locales.
Mais l’inflation sera certainement plus élevée.

Selon nos calculs la différence représentera un manque de ressources pour les collectivités territoriales d’environs 400 millions ‚¬ ( 0,4 Milliard ‚¬).

Ainsi le maintien du pouvoir d’achat des collectivités ne sera pas assuré.

J’ajouterai aussi que les éléments de calcul de la dotation forfaitaire de la DGF restent insatisfaisants pour un certain nombre de communes qui ont significativement évolué depuis 1993, notamment en terme de population .

Autre difficult逦

La vraie fausse augmentation du FCTVA

Au sein de l’enveloppe de l’Etat, il existe d’autres concours financiers ayant leur propre régime d’évolution parfois plus favorables. Pour que l’indexation globale soit respectée certains concours servent de variables d’ajustement et sont orientés à la baisse.

Ainsi le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) est intégré à l’enveloppe normée c’est-à-dire qu’il fait désormais partie des concours de l’Etat dont l’évolution globale est plafonnée en suivant la seule inflation prévisionnelle.

Il croît bien cette année en fonction du niveau des investissements des collectivités réalisés il y a deux ans passant de 5,19 milliards d’euros à 5,85 milliards d’euros soit une augmentation de 660 millions ‚¬ ( un peu moins de 12 %).

Néanmoins l’inscription du fonds dans l’enveloppe normée a conduit l’Etat à diminuer les compensations d’exonérations qui sont passées de 3,432 Md ‚¬ à 3, 191 Md ‚¬ soit près de 300 Millions ‚¬ en moins (291 Millions ‚¬ non reconduits).

Ainsi par ces deux seules premières mesures (recul de la DGF et encadrement du FCTVA), l’Etat impose aux collectivités locales de supporter 700 millions ‚¬ qui leur auraient été acquis s’il n’y avait pas eu modification des règles en vigueur.

J’en viens maintenant à la remise en cause de la DSU

Une DSU remise en cause ou « l’invention de la solidarité entre les seules communes défavorisées »

Au titre de la DGF, existe la dotation de solidarité urbaine dont l’objet est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources au regard même des charges élevées et particulières qui sont les leurs.

Sur un peu moins de 1000 communes de 10 000 habitants, 715 bénéficiaient , (il faut en effet parler au passé) de la DSU, étant considérées comme « défavorisées » compte tenu de leur situation par rapport à la moyenne des communes de plus de 10 000 habitants.

Etaient pris en compte pour juger de leur situation et de leur capacité,

  le potentiel financier par habitant, le nombre de logements sociaux,

  le pourcentage de la population couverte par des prestations logement

  et le revenu moyen par habitant.

D’un montant de près de 1,1 milliard ‚¬ avec une augmentation de 70 millions ‚¬ pour 2009, la DSU a pourtant vécu !.

En effet au lieu de servir les 715 communes jusqu’ici bénéficiaires, elle ne servira plus que 477 communes.
On peut estimer que ce sont près de 350 millions que vont perdre les communes considérées hier, c’est-à-dire en 2008, comme défavorisées et qui, aujourd’hui, au nom de « la solidarité entre les moins favorisées !» vont aider les plus fragiles.

Face à cette nouvelle restriction, certains argueront qu’aux 70 nouveaux millions s’ajouteront 50 autres millions ‚¬ constituant la nouvelle Dotation de Développement Urbain

La particularité de celle-ci sera d’être ponctuelle au moins pour chaque bénéficiaire et donc pas forcément reconductible !

Au-delà de ces « expédients » (mais qui font au total plus d’un milliard d’euros !) et que le dictionnaire décrit comme « des moyens ingénieux auquel on recourt pour sortir d’une situation délicate ce qui, je le rappelle, ne supprime pas les causes de la situation délicate,

… je voudrais poser trois questions à Madame la Ministre dont deux sont relatives aux conséquences du « Tchernobyl financier » que nous venons de connaître et une autre touche à l’actualisation de la fiscalité des collectivités territoriales.

Les conséquences pour les collectivités territoriales du « Tchernobyl financier »

 1)
Le Gouvernement dispose t-il d’estimations quant aux effets de la crise financière sur les budgets des collectivités territoriales, dont l’endettement s’accroît, notamment sous l’effet de la hausse des taux variables des emprunts contractés par elles?

Quel sera selon vous l’impact du ralentissement économique sur le produit des impôts locaux et des autres produits de fiscalité indirecte attribués aux départements et aux régions ?

 2)
Comment le Gouvernement entend il soutenir l’effort d’investissement que réalise les collectivités locales ? Réfléchit il à la possibilité d’aller au-delà des baisses de dotations et de stimuler leur contribution au développement économique par des investissements publics, si nécessaires, par exemple pour améliorer les infrastructures du pays et préparer notre pays à la nouvelle donne énergétique ?

L’accusation habituelle contre les relances économiques par le biais des dépenses publiques, c’est que cela prend trop longtemps pour être mis en Å“uvre, que cela démarre alors que la récession est déjà terminée. Mais s’il apparaît que cette récession dure, ce qui semble vraisemblable, ce n’est pas un problème et cela peut même être la solution.

Deuxième sujet :
La nécessaire évolution de la fiscalité locale

1) Là mon interrogation est simple : le Gouvernement compte t’il mener à bien la réforme de la fiscalité locale et notamment les chantiers de l’actualisation des valeurs locatives et celui de la taxe professionnelle dans la perspective de rendre la fiscalité locale plus lisible et plus juste ?

Madame la Ministre, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, les Députés et Cher(e)s collègues, je vous remercie de votre attention.

Marietta KARAMANLI