« Défenseur des droits, une institution qui se substitue aux autres organes de défense des droits du citoyen sans garantie suffisante sur son indépendance et ses moyens  » par Marietta KARAMANLI

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Le 30 novembre dernier la Commission des lois de l’Assemblée Nationale à laquelle j’appartiens a auditionné le garde des Sceaux, ministre de la Justice sur le projet de loi créant un défenseur des droits. Cette institution était inscrite dans la réforme de la Constitution adoptée en 2008, réforme que je n’ai pas votée. A l’époque, j’avais fait valoir que sur plusieurs sujets de fond, la loi constitutionnelle n’apportait aucune avancée supplémentaire significative se contentant de modifications « cosmétiques » Je notais alors (voir sur ce blog mon article . http://www.mariettakaramanli.fr/spip.php?article77) « La loi créé un défenseur des droits (article 31 de la loi et titre XI bis de la Constitution) qui existe déjà sous la forme d’un médiateur et de plusieurs autres institutions de protection des droits des citoyens et usagers ( comme le contrôleur général des lieux de privation de liberté dont le principe a été voté quelques mois plus tôt). Certes constitutionnaliser un tel recours n’est pas mauvais en soi€¦mais là encore ce qui importe pour les citoyens et les usagers ce sont les conditions concrètes de saisine (la facilité d’accès !) et les moyens humains et matériels dont ces institutions disposent pour donner suite à leurs demandes ». J’ai donc en novembre 2010 interrogé le ministre sur deux points : la suppression de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et les moyens dont disposerait la future nouvelle institution. De façon plus globale je me suis associée aux interrogations de mes collègues sur l’indépendance de la future institution, les pouvoirs donnés au défenseur des droits restant sur certains points inférieurs à ceux dont disposent les autorités absorbées. Ainsi pour ne prendre que l’exemple de la Commission nationale de déontologie de la sécurité qui est une autorité administrative indépendante créée en 2000 chargée de veiller au respect de la déontologie des personnes exerçant, sur le territoire de la République, des activités de sécurité : police nationale, gendarmerie nationale, administration pénitentiaire, douanes, police municipale, surveillance des transports en commun, services de sécurité privée,€¦.il a été relevé que le projet de loi prévoyait le transfert de ses attributions à une seule personne, le Défenseur des droits, nommé en conseil des ministres, à charge pour lui, lorsqu’il intervient en matière de déontologie, de consulter un collège de trois personnalités désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, en raison de leur compétence dans le domaine de la sécurité. Par comparaison avec son propre statut, la CNDS a constaté que cette nouvelle organisation n’offre aucune des garanties d’impartialité objective tenant au mode de désignation de ses membres, qui, pour treize d’entre eux sur quatorze, sont nommés par des autorités indépendantes du pouvoir exécutif et, à l’exception du président et des parlementaires, de toute autorité politique. Ainsi le nouveau défenseur des droits risque fort de constituer un recul dans la défense des droits des citoyens. Lors de la discussion du projet de loi je serai vigilante et soutiendrai tous les amendements allant dans le sens de cette indépendance.


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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mardi 30 novembre 2010, Séance de 17 heures, Compte rendu n° 19

Extraits

Mme Marietta Karamanli.

Si je m’associe aux questions relatives à l’indépendance de cette nouvelle autorité qu’ont posées mes collègues, je souhaiterais savoir ce que pense Monsieur le ministre des déclarations faites au mois de juin par Mme Bougrab au journal Le Monde.
Ancienne présidente de la HALDE aujourd’hui membre du Gouvernement, elle s’était étonnée de la remise en cause d’une institution dédiée à la défense de l’égalité, dans un pays où les discriminations sont pourtant nombreuses.

Par ailleurs, si la constitutionnalisation du défenseur des droits n’est pas mauvaise en soi, ce sont d’abord les conditions concrètes de sa saisine et les moyens humains et matériels qui seront mis à sa disposition qui importent.

À ce titre, je m’interroge, notamment, sur le maintien des emplois de personnels qualifiés affectés à l’ensemble des AAI fusionnées. Une analyse de l’augmentation des requêtes sera-t-elle effectuée afin de mieux prendre en compte ces dernières ?

M. le garde des Sceaux.

Je le répète, l’ensemble des pouvoirs, moyens et compétences des AAI seront transférés au défenseur des droits et le Gouvernement est prêt à accepter tout amendement de précision qui irait en ce sens.