« Etat de droit en Europe, pourquoi je pense important que l’Union européenne adhère à la convention européenne des droits de l’homme et soit vigilante sur le respect des droits des citoyens par ses propres agences » par Marietta KARAMANLI

Le 10 octobre 2018 je suis intervenue en commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale sur le fond du rapport relatif au respect de l’État de droit au sein de l’Union européenne, suite au report de la réunion de commission la semaine précédente sur ce même rapport pour des questions de meilleure association de l’ensemble des députés aux  débats et rapports.

Sur le fond, je me suis inquiétée de la non encore adhésion de l’Union européenne, comme entité  à la convention européenne des droits de l’homme, ce qui consacrerait l’importance de cette convention au sein de l’Union et le droit notamment des citoyens de chacun des Etats de pouvoir saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en dernière instance quand ils estiment qu’ils n’ont pu obtenir, pour des raisons de droit, satisfaction devant les juridictions nationales ce qui est un mécanisme unique de protection dans le Monde.

Par ailleurs je me suis étonnée que l’Union dispose d’une agence des droits fondamentaux au budget annuel d’environs 20 millions € pour faire des études et recommandations (pour faire simple…) alors même que la CEDH voit son budget de 70 millions €  contesté  celle-ci étant et devant rester accessible à deux fois plus pays et à beaucoup plus de citoyens (elle rend des décisions effectives et exécutables).

Enfin j’ai posé la question de l’articulation des agences de l’Union et du respect par  celles-ci du droit et des droits des citoyens.

La réponse de ma collègue alors même que le rapport traite de l’état de Droit est assez générale ; elle a considéré que ces sujets n’entraiennt pas en ligne de compte réellement dans le champ dudit rapport…

Sur le sujet des droits de l’homme j’entends proposer une plus grande implication de l’Assemblée et j’ai soumis à plusieurs collègues une nouvelle proposition.

J’en ferai part ici prochainement.

Marietta KARAMANLI

Commission des affaires européennes, mercredi 10 octobre 2018 16 h 30, suite de la présentation du rapport d’information de Mme Coralie Dubost et M. Vincent Bru et examen de la proposition de résolution européenne sur le respect de l’État de droit au sein de l’Union européenne

Mme la présidente Sabine Thillaye.

Après nos premiers échanges sur ce sujet, je souhaite que nos débats se poursuivent aujourd’hui dans la sérénité. Afin de permettre à chacun d’étudier le texte et d’exercer son droit d’amendement, j’ai décidé de rouvrir les délais de dépôt d’amendement. Nous avons d’ailleurs été saisis d’un amendement déposé par la France Insoumise. Au vu de nos échanges la semaine passée, j’ai également pris la décision de saisir le bureau de la commission afin d’établir un délai minimum entre la communication aux membres de la commission d’une proposition de résolution et son examen. Ce délai minimal n’ayant jamais été fixé, il est important que les choses soient clarifiées. Les différents groupes politiques pourront ainsi prendre connaissance du texte dans de meilleures conditions et exercer pleinement leur droit d’amendement.

Michel Herbillon.

Je m’exprime au nom du groupe Les Républicains. Une semaine après le début de l’examen de cette proposition de résolution européenne, la commission est à nouveau réunie. Cette semaine a donné à chacun, je l’espère, le temps de réfléchir. La semaine dernière notre groupe vous a fait à vous, Madame la Présidente, – et non au whip du groupe LaREM – un certain nombre de remarques et de propositions. Je rappelle qu’après mon intervention Mmes Danièle Obono pour la France Insoumise et Marietta Karamanli pour le groupe Socialistes et apparentés ont tout comme nous exprimé le souhait que les oppositions soient associées au débat et que les propositions de résolution ne soient pas présentées à la va-vite. L’essentiel de notre demande vise à ce que vous associez, Madame la Présidente, les oppositions à ce travail majeur pour plusieurs raisons. D’une part, et à l’évidence, du fait de l’importance du sujet. D’autre part, l’actualité a considérablement évolué depuis le moment en janvier dernier où le bureau de la commission a décidé de créer un rapport d’information sur ce sujet. À l’époque, l’article 7 venait d’être activé, et, depuis, le Parlement européen s’est exprimé sur la Hongrie. Nous ne sommes donc pas dans le même cadre ; la situation est totalement différente de celle qui prévalait en janvier 2018 : d’autres pays sont concernés et le Parlement européen s’est exprimé. Troisième raison : l’intitulé du rapport a changé. Nous sommes passés d’un rapport sur l’État de droit en Europe à un rapport sur le respect de l’État de droit au sein de l’Union européenne. Quatrième observation : le vote par le Parlement européen il y a à peine un mois d’un rapport demandant l’activation de l’article 7 contre la Hongrie est un vote important qui nous engage. Il est issu d’une assemblée démocratiquement élue où sont représentés tous les pays de l’Union. Des procédures sont en cours et doivent être respectées. Les institutions européennes – Parlement et Conseil – doivent être respectées. À moins que vous ne souhaitiez sous-entendre, Madame la Présidente, que le vote de notre commission a plus d’importance que celui du Parlement européen ? Cinquième observation : qu’apporte cette résolution vis-à-vis de nos partenaires européens ?

Mme la Présidente Sabine Thillaye.

C’est une discussion que nous pourrions avoir après la présentation du rapport.

Mme Marietta Karamanli.

Tout d’abord, je tiens à souligner que nous voulions être présents pour interroger les rapporteurs. Vous nous avez fait des propositions, Mme la Présidente, et je tenais à saluer vos initiatives pour faire en sorte que la pluralité des groupes politiques puisse être respectée pour l’ensemble des rapports.

Il apparaît que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, en tant que mécanisme et dispositif de garantie des droits fondamentaux, n’est pas suffisamment abordée. La Cour de Justice de l’Union européenne avait rendu un avis négatif il y a quelques années sur cette adhésion en l’état. Pour reprendre les propos de la Haute Représentante de l’Union pour l’action extérieure : les règles établies de concert ne constituent pas une contrainte, mais une garantie pour tous. Où en est-on à ce sujet, car cela touche à l’État de droit ?

À propos de l’agence européenne des droits fondamentaux, votre titre annonce qu’elle est « attentive mais impuissante ». Elle dispose de 20 millions d’euros, contre 70 millions pour la Cour européenne des droits de l’homme, soit moins par État mais avec deux fois moins d’États et beaucoup moins de citoyens. Sa visibilité est faible et son action peu efficiente. Quels sont les rôles que les États lui assignent ?

Enfin, vous évoquez la proposition d’un réseau d’agences, qui seraient des acteurs de la surveillance et du respect des droits. L’Union européenne a délégué une partie de ces activités à des agences dont l’activité peut conduire à la violation de droits et dont le contrôle est difficile. Je pense notamment à Frontex. Où en est la réflexion dans cette matière ? Quelles sont vos propositions et initiatives pour qu’il y ait plus de respect au niveau des agences ?

Mme Coralie Dubost, rapporteure.

Je voudrais insister sur l’accueil qui nous a été réservé par les acteurs de la société civile, très inquiets de leur situation. Nous avons véritablement entendu des appels à l’aide. Notre proposition du comité des parties prenantes vise à redonner une voix à ces acteurs qui en sont privés. Les représentants des États et des organisations issues de la société civile pourraient ainsi disposer d’une enceinte pour renouer les fils d’un dialogue rompus dans leur pays. Cette question du respect des droits fondamentaux est d’une actualité brûlante en Europe, mais plus largement dans le monde, comme en témoignent les résultats du premier tour des élections présidentielles brésiliennes. La remise en cause des droits de l’Homme nous pose question, et l’on voit bien que la mise en cause d’une justice indépendante est l’un des premiers signaux d’alerte qui doivent nous interpeller.

Pour répondre à la question de notre collègue Marietta Karamanli, nous avons auditionné des experts au sein du Conseil de l’Europe et consulté de nombreux rapports de la Commission de Venise, mais la question de l’adhésion de l’Union à la CEDH en tant que telle ne se posait pas dans notre rapport. Cela constitue un sujet connexe, mais pas identique.

L’article 2 du Traité dit en effet que « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ». Pour de nombreux experts rencontrés, le concept d’État de droit tel que défini dans cet article est imparfait. Nous pensons qu’une clarification serait la bienvenue. Nous avons donc retenu, dans le cadre de notre rapport, une définition qui se caractérise par la capacité pour les citoyens « d’exercer leur droit à un recours devant une juridiction indépendante, dont les décisions ont l’autorité de chose jugée. Ces recours varient d’un État à l’autre, tant dans leurs appellations que dans leurs contenus, mais forment généralement un ensemble de mécanismes, de procédures et d’institutions propres à surveiller l’exercice des pouvoirs exécutifs et législatifs. » On voit bien que la mise en cause de l’indépendance des juridictions, si elle ne constitue pas en elle-même une atteinte aux droits de l’homme, entraîne par ricochet un risque. Et c’est ce que l’on observe dans ces pays, avec la mise à mal de la séparation des pouvoirs. Deux cents présidents de Cour ont par exemple été limogés en Hongrie : cela ne peut que nous inquiéter.

Source photo : capture d'écran de la vidéo de la réunion de la commission depuis le site de l'Assemblée Nationale