« Financement de la vie politique, une proposition de loi pour mieux assurer transparence » par Marietta KARAMANLI

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Le 14 octobre dernier je suis intervenue pour défendre une proposition de loi déposée par les député socialistes et visant à ce qu’une même personne physique ne puisse donner plusieurs fois 7 500 euros à des partis et groupements politiques différents.
En effet la loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique 1988 qu’avait fait adopter le gouvernement socialiste de l’époque pose à son article 11- 4 que « Les dons consentis par des personnes physiques dûment identifiées à une ou plusieurs associations agréées en qualité d’association de financement ou à un ou plusieurs mandataires financiers d’un même parti politique ne peuvent annuellement excéder 7 500 Euros. ».
La loi antérieure faisait donc référence à un même parti.
Dans plusieurs « affaires » récentes il est apparu que des hommes politiques avaient créé des micro-partis en fait des associations de financement visant à promouvoir leur personnalité pour recueillir les dons de personnes contribuant par ailleurs déjà à leur parti au plan national, par exemple.
La proposition de loi des députés socialistes vise ainsi à clarifier la situation en empêchant qu’une personne puisse rendre service à plusieurs partis qui en fait n’en font qu’un !
Son article 1 limite les dons consentis par les personnes physiques à 7 500 euros pour un ou plusieurs partis politiques.
Son article 2 assimile les cotisations versées en qualité d’adhérent d’un parti politique aux dons visés par l’article 1er.
Enfin son article 3 oblige les associations de financement et les mandataires financiers à rendre publique la liste alphabétique des donateurs ayant consentis des dons de plus de 3 000 euros.
A l’occasion des débats, j’ai fait valoir les engagements passés de l’actuel Président de la République pour assurer cette transparence, le caractère simple de la disposition principale (l’article 1 !) et la nécessité d’assurer la transparence qui dans un grand nombre de cas, comme l’avait rappelé un juge américain à la Cour Suprême, est « le meilleur désinfectant ».


Assemblée nationale, IIIe législature, Session ordinaire de 2010-2001, Compte rendu intégral, Deuxième séance du jeudi 14 octobre 2010

M. le président.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition ne devrait poser aucun problème, ni dans son esprit ni dans sa lettre, à la majorité. Elle répond à trois objectifs concrets : la simplicité, l’amélioration des dispositions applicables, le souci de la transparence, donc de l’équité.

Avant de développer ces points, j’aimerais attirer l’attention de mes collègues de la majorité sur des déclarations tenues par celui qu’ils aiment beaucoup, Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était candidat.
Au congrès de l’UMP, le 14 janvier 2007, il avait dit : « Notre démocratie n’a pas besoin d’une nouvelle révolution constitutionnelle. On change trop notre Constitution. Il faut arrêter de dire qu’elle est bonne et proposer tous les trimestres une nouvelle modification. Mais nous devons changer radicalement nos comportements pour aller vers davantage d’impartialité, d’équité, d’honnêteté, de responsabilité, de transparence. »

À bien y regarder, la majorité a modifié la Constitution mais une partie des élus continuent de ne pas respecter l’esprit de la loi de 1988 sur le financement des partis politiques.

Le candidat, devenu quelques mois plus tard Président de la République, ajoutait, le 20 mars 2007, lors d’une réunion à Villebon-sur-Yvette : « Je veux remplacer l’opacité par la transparence [€¦] Je veux que ceux qui décident, que ceux qui gouvernent, que ceux qui dirigent soient responsables, qu’ils soient contrôlés, qu’ils rendent des comptes [€¦] Je veux une démocratie irréprochable. »

Mme Colette Langlade.

C’était bien dit !

Mme Marietta Karamanli.
Qui parmi nous ne voudrait pas cela ?

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman.

Qu’en pensez-vous, mes chers collègues ?

M. le président.

Monsieur Roman, Mme Karamanli est à la tribune pour exprimer son point de vue. Merci de l’écouter.

M. Bernard Roman. Je viens en appui de Mme Karamanli.

M. Jean Mallot.

Oui, nous la soutenons !

Mme Marietta Karamanli.

Notre proposition de loi a trois avantages concrets.

D’abord, elle répond à cette volonté affirmée d’une démocratie irréprochable.

M. Bernard Roman.

Voilà !

Mme Marietta Karamanli.

En ce sens, elle est conforme à la volonté exprimée par l’ex-candidat à la présidence et n’a pas besoin d’être intégrée, comme le demandaient certains parlementaires de la majorité, dans un programme présidentiel ou de législature. Le candidat évoquait alors, et à juste titre, des « comportements ».

Ensuite, elle est simple comme devraient l’être plus souvent nos projets et propositions de loi.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

Mme Marietta Karamanli.

Ses trois articles viennent compléter la loi de 1988 sur des points faisant l’objet d’interprétations, de distorsions dans leur application en matière de financement des partis politiques.

Ses dispositions ne sont pas « rien » juridiquement comme ont pu l’affirmer certains députés, elles complètent des dispositions applicables et dont le non-respect est sanctionnable.

À ce titre, je me permets d’indiquer que François Logerot, ancien Premier Président de la Cour des comptes et président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a lui-même jugé que le financement des micro-partis qui bénéficient de dons multiples, et dont le texte présenté ici vise à limiter la pratique, était bien selon lui « un détournement de l’esprit de la loi ».

Enfin, ces dispositions complémentaires à la loi de 1988 renforcent la transparence qui, seule, permet d’assurer l’équité de traitement et donc l’égalité des partis devant la loi. Cette proposition ne peut être taxée de « populiste » comme on l’a entendu en commission. Elle vise concrètement à faire en sorte que l’afflux d’argent ne donne un avantage inconsidéré à des partis ou des organisations politiques par rapport aux autres.

Des critiques ont été exprimées ce matin sur l’article 3 mais l’idée de la transparence, notamment celle présidant à l’identité des donateurs d’un montant significatif d’argent à un parti ou une association de financement, n’est pas nouvelle.

Dès l’entre-deux-guerres, Louis Brandeis, juge à la Cour suprême des États-Unis, avait lancé sa célèbre remarque : « La lumière du soleil€¦ est le meilleur désinfectant ».

Plus près dans le temps et plus proche de nous, le Conseil constitutionnel a pu considérer dans plusieurs cas que la mise en oeuvre de l’objectif de transparence financière était de nature à renforcer un exercice effectif des libertés.

Cette volonté de transparence n’a pas pour objet de faire honte ou de remercier les donateurs. Elle vise simplement à établir publiquement la source du financement venant des personnes physiques puisque l’aide et le soutien financier des personnes morales sont et restent interdits.
Par ailleurs, elle ne présume pas des liens qui existeront demain entre les donateurs et les élus du parti ou de l’association. Elle agit justement à rebours en faisant en sorte que ce qui était, hier, caché ne puisse être considéré, demain, comme étant une soumission à l’argent.

Je conclurai en disant que la révélation publique du lien financier redonne toute sa responsabilité au donateur et à celui qui reçoit : ils se devront d’être irréprochables.

J’ai bien entendu M. le président de la commission, si nous sommes d’accord pour ne pas remettre à demain ce que nous pouvons faire aujourd’hui, je ne peux pas comprendre que vous décidiez aujourd’hui de ne pas débattre.

M. Pascal Deguilhem.

Très bien !

Mme Marietta Karamanli.

Vous devez accepter le débat et surtout voter cette proposition de loi, dont le dispositif est simple dans sa compréhension et ambitieux dans sa portée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)