« Loi de finances pour 2013 : une fiscalité sur des revenus du capital revue pour contribuer aux efforts de redressement et plus de justice » par Marietta KARAMANLI

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Un chef d’entreprise de la région Bretagne m’a écrit pour me dire qu’ il estimait sur plusieurs points les dispositions fiscales de la loi de finances pour 2013 et celles de la loi de financement de la sécurité sociale pour la même « désincitatives ». Il protestait notamment contre l’article 5 de la loi qui prévoit l’imposition au barème progressif de l’impôt sur les revenus des dividendes et des produits de placement à revenu fixe et contre l’article 6 de la loi qui prévoit l’imposition au barème progressif de l’impôt sur les revenus des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers.
Autrement dit, il protestait contre le principe d’un alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail. Il indiquait que le taux d’imposition des plus-values tirées de la revente des actions ou parts d’actions serait de 60 % sur la tranche des revenus la plus élevée.
Dans ma réponse je fais valoir la situation des finances publiques en 2013, la dette de l’Etat ayant augmenté de 500 milliards entre 2007 et 2011, selon les données de la Cour des comptes.
Je rappelle aussi que depuis 2007, les 5 % des foyers les plus aisés de notre pays ont bénéficié, en moyenne, d’une baisse de 8 % de leur imposition.
S’agissant de l’article 5, cette disposition avait clairement été annoncée pendant la campagne et débattue entre les candidats.
Concernant l’article 6, il convient de rappeler que Jusqu’en 2008, les dividendes étaient soumis au barème de l’impôt sur le revenu et que le prélèvement forfaitaire libératoire qui l’avait remplacé amenait à faire payer trop à certains et trop peu à d’autres.
J’indique aussi que l’entreprenariat est préservé puisque les jeunes entreprises innovantes ou que ceux qui ayant vendu et réinvestissent dans une autre entreprise à hauteur de 80 % ne sont pas concernées.
Parmi les autres dispositions contestées, figurait la suppression de 10 % des frais professionnels des gérants majoritaires (pas ceux des salariés). En l’état les gérants majoritaires déduisaient deux fois les frais professionnels l’une au titre de leurs impôts et l’au titre de leurs cotisations sociales. Cette déduction est maintenue pour l’assiette fiscale, en revanche, pour l’assiette sociale, la double déduction n’est pas apparue justifiable.


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Mon courrier en réponse aux critiques sur certaines dispositions fiscales de la loi de finances pour 2013 alignant la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail

Monsieur,

Vous avez bien voulu me faire part, par un courriel en date du […], de vos préoccupations concernant la situation fiscale des entrepreneurs.
Vous dénoncez notamment la décision du gouvernement d’intégrer désormais dans la déclaration d’impôt sur le revenu les plus-values de cession que les personnes peuvent percevoir lors de la revente des parts ou actions de leur entreprise.
Ces plus-values seront en effet imposées à 45 % (le nouveau taux marginal de l’impôt sur le revenu lorsque le revenu imposable sera supérieur à 150 000 euros par part), au lieu de subir le prélèvement fiscal libératoire de 19 % qui existait jusqu’alors.
A ce nouveau prélèvement fiscal s’ajoutera un prélèvement social qui, depuis le 1er juillet 2012, est passé de 13,5 % à 15,5 %. Au total, le taux d’imposition serait de 60,5 % sur les plus-values encaissées en 2012, contre 34,5 %
Sur la forme
Tout d’abord, je souhaite vous demander de bien vouloir excuser le délai mis à vous répondre.
Celui-ci s’explique à la fois par un grand nombre de dossiers d’intérêt général et personnels à traiter et par la nécessité d’attendre l’adoption finale du projet de loi de finances pour 2013 en dernière lecture par le parlement le 20 décembre 2012 et la décision du Conseil constitutionnel intervenue le 29 décembre suivant sur ce texte.
Néanmoins dès réception j’avais transmis votre courriel aux députés de la commission des finances et de celle des affaires sociales membres du groupe socialiste auquel j’appartiens à l’Assemblée Nationale en vue que des aménagements et améliorations puissent être apportés au dispositif prévu.
Sur le fond

Le contexte de la nécessaire maîtrise des dépenses de l’Etat et des administrations publiques et sociales.

Pour 2013 la dette de l’Etat c’est-à-dire pour faire simple les intérêts à payer (et non le capital à rembourser) s’élèvera à 46,9 milliards de l’Etat (soit plus que les crédits cumulés pour 2013 des missions « enseignement scolaire », « enseignement supérieur et recherche» et « travail et emploi » respectivement environ 18,9 Mds ‚¬, 12,7 Mds ‚¬ et 10,3 Mds ‚¬).
Cette charge résulte aussi d’une augmentation de près de 500 Mds ‚¬ de l’endettement public entre 2007 et 2011, comme le met en évidence ce tableau de la Cour des comptes (in « La situation et les perspectives des finances publiques, juillet 2012 »).

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Dans ces conditions des choix sont à opérer. En effet ce sont en dernier lieu, les citoyens et les plus modestes qui paient le prix des déficits excessifs (puisque par l’impôt ils financent l’emprunt et les intérêts payés aux marchés€¦ce qui est une redistribution à l’envers).

De 2002 à 2012 une augmentation significative des prélèvements obligatoires et un déséquilibre du financement par l’impôt sur le revenu

Les prélèvements obligatoires rapportés au PIB étaient en 2002 de 43,3 %. En 2012, ils étaient de 44,9 %.
70 % du gain de la réforme de l’impôt sur le revenu conduite en 2006 a été concentré sur 20 % des foyers assujettis à cet impôt et depuis 2007, les 5 % des foyers les plus aisés de notre pays ont bénéficié, en moyenne, d’une baisse de 8 % de leur imposition.
Dès lors que les prélèvements obligatoires augmentent, et dès lors que ce ne sont pas les plus aisés qui voient leur impôt augmenter, c’est donc que d’autres ont payé davantage. Si on prend le milieu de la distribution des revenus, autrement dit les cinquième, sixième et septième déciles, ce qui est nommé par convention les classes moyennes, l’impôt a augmenté de 5 % pour ces trois déciles.
Il convenait donc de mieux répartir la charge de l’impôt.

Les dispositions du projet de loi de finances pour 2013

Votre courrier conteste plusieurs mesures prévues et discutées dans le projet de loi de finances pour 2013.
Je me contenterai d’examiner les articles 5 et 6 du projet de loi de finances, ce dernier se rattachant à titre principal à votre dénonciation de la situation fiscale des entrepreneurs
L’article 5 du projet devenu la loi prévoit l’imposition au barème progressif de l’impôt sur les revenus des dividendes et des produits de placement à revenu fixe.
Il s’agit d’une disposition qui avait clairement été annoncée pendant la campagne et débattue entre les candidats.
Jusqu’en 2008, les dividendes étaient soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Le prélèvement forfaitaire libératoire n’existe donc que depuis 2008 avec un droit d’option qui aboutit objectivement à des situations qui ne sont pas justes. Selon que le taux moyen d’imposition est inférieur ou supérieur au prélèvement forfaitaire libératoire, certains investisseurs paient trop d’impôt et d’autres pas assez. Avec un taux fixé à 21 %, il est clair que le prélèvement forfaitaire libératoire demande trop à un investisseur dont le taux moyen d’imposition s’élève à 10, 12, 15 ou 17 %. En revanche, si un investisseur est soumis au nouveau taux d’imposition marginal de 45 %, il est clair que le prélèvement forfaitaire libératoire n’est pas suffisant. Dans le cadre du rétablissement des finances publiques, il n’est pas anormal de demander moins aux premiers et davantage aux seconds. Par ailleurs il convient de noter que d’après l’étude d’impact jointe au projet de loi 4,5 millions de foyers fiscaux vont en tirer avantage tandis que 4 millions de foyers fiscaux vont y perdre. Il y aurait donc davantage de foyers fiscaux gagnants.
L’article 6 prévoit l’imposition au barème progressif de l’impôt sur les revenus des gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers.
La loi considère déjà les plus-values comme un revenu sans quoi elles ne seraient pas taxées à un taux forfaitaire, un taux forfaitaire s’appliquant à un revenu. Le système en vigueur consiste à taxer comme revenus, selon un barème, les plus-values vendues par quelqu’un qui n’a pas de relation spécifique avec l’entreprise, et à ne pas les taxer quand il s’agit d’un revenu d’entrepreneuriat.
La loi de finances ne modifie pas la donne puisqu’elle change seulement le taux de 19 % prévu par le barème.
Si on prend la situation du titulaire d’un petit portefeuille d’actions qui, pour améliorer un peu sa situation, vend régulièrement une partie de son portefeuille, il n’y a aucune raison pour que celle-ci soit taxée à 19 % : la justice fiscale veut qu’elle soit taxée au barème de l’impôt sur le revenu, et c’est ce qui sera fait.
Vous indiquez que cela fragilisera l’entrepreneuriat. L’idée de tenir l’entrepreneuriat à l’abri est maintenue dans la loi. En effet, les jeunes entreprises innovantes ne sont pas concernées et les chefs d’entreprise qui vendent leurs parts au moment de leur départ en retraite sont exonérés, comme le sont ceux qui réinvestissent dans une autre entreprise à hauteur de 80 % : toutes ces dispositions ont été conservées.
Il n’est pas anormal que tous les revenus contribuent de la même manière, quelle que soit leur origine.

In fine l’imposition ne se fera pas dans la majorité des cas au taux de 60 %

D’abord, le prélèvement fiscal ne porte que sur la partie effectivement perçue après déduction des prélèvements sociaux effectués en général à la source.
S’appliquera alors un système d’abattement et de quotient variable en fonction de la durée de détention d’actions et de parts de sociétés.
Abattement
Pour les cessions intervenues à partir de 2012, un abattement s’applique, sans condition de montant des gains réalisés, à hauteur de 5% pour une durée de détention de 2 à moins de 4 ans, 10% pour une durée de 4 ans à moins de 7 ans, puis sera augmenté de 5 points par année de détention supplémentaire au-delà de la 6 année, avec 40% maximum la 12ème année.
Quotient
Dans le cas d’une personne ayant détenu les titres pendant au moins quatre ans, l’impôt sera calculé sur le quart de la plus-value. S’il n’a pas d’autres revenus, le bénéficiaire de la plus-value sera donc soumis au barème fiscal de l’impôt sur le revenu, avec une tranche non imposée, une autre à 5,5 %, la suivante à 14 %, la suivante à 30 % et enfin le reste à 45 %.
Puis, l’impôt ainsi calculé sera multiplié par 4 (montant du quotient). Par exemple, pour une plus-value de 500 000 euros (422 500 nets après prélèvements sociaux), l’impôt dû par la personne serait de 120 000 euros, soit un taux effectif de 28,5 % au lieu des 45 % apparents.
Si les titres générateurs de plus-values ont été détenus au moins douze ans (ce qui est généralement le cas de bon nombre chefs d’entreprises de PME), la plus-value prise en compte pour le calcul de l’impôt sera réduite de 40 %.
Dans le cas d’une personne réalisant une plus-value d’un million, le cumul de ces deux dispositions devrait ramener son impôt à 154 000 euros (18 % effectifs au lieu des 45 % annoncés), et à 54 000 euros si la plus-value initiale est de 500 000 euros (soit un taux d’imposition de 13 %). Enfin, si la plus-value est perçue par un patron qui prend sa retraite ou qui la réinvestit à 80 % dans les trois ans qui suivent, le régime antérieur (prélèvement fiscal libératoire de 19 %) s’appliquera.
Au final le dispositif sera moins dur qu’il n’y paraît. Les véritables créateurs, ceux qui, après avoir pris le risque de se lancer dans l’aventure de l’entreprise et de l’innovation et cherchent avant tout à faire grandir leur création / entreprise seront, certes plus imposés que précédemment mais désormais en fonction de l’importance croissante des plus-values de cession qu’ils réaliseront.
Je note que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 29 décembre 2012, validé dans son ensemble la réorientation fiscale du gouvernement et notamment l’alignement de la fiscalité du capital sur la fiscalité du revenu prévue par la loi de finances pour 2013.

Les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

Votre dénonciation de la situation faite aux entrepreneurs visait aussi des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et notamment l’article 11 du projet.
L’article 11 concerne quatre dispositifs relatifs aux cotisations des travailleurs indépendants : le déplafonnement des cotisations maladie; la suppression des 10 % des frais professionnels pour les gérants majoritaires ; la situation des auto-entrepreneurs et le régime des dividendes.
S’agissant de la suppression des 10 % des frais professionnels, ceux-ci sont déduits du résultat de l’entreprise quand celle-ci est assujettie à l’impôt sur les sociétés. Ils ne sont pas méconnus, ils ne sont pas négligés. Ils sont pris en compte à hauteur de 10 %, comme le veut la règle de notre système fiscal. En l’état ne sont pas concernées et que la double déduction n’est pas apparue justifiable dans un contexte contraint. Il n’y a aucune méconnaissance de l’intérêt des entreprises ni de l’engagement au travail de ceux qui les dirigent.

Des mesures en faveur de la compétitivité des entreprises

Enfin je me permets de rappeler, ici, que l’article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012 issu d’un amendement du Gouvernement déposé en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 novembre 2012 a instauré un « crédit d’impôt compétitivité emploi » qui a pour objet le financement de l’amélioration de la compétitivité des entreprises « à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ».
Le gouvernement et la majorité à l’Assemblée Nationale ont souhaité améliorer la compétitivité des entreprises françaises dont les difficultés se traduisent par une croissance du déficit de nos échanges extérieurs devenu aujourd’hui massif. Le choix gouvernemental a été, à titre principal, d’opérer au travers d’une réduction de l’impôt sur les sociétés.

Espérant avoir répondu à vos interrogations, et restant à votre disposition, je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de mes salutations les meilleures.

Marietta KARAMANLI