Marietta KARAMANLI « Une loi pour mieux reconnaître le vote blanc aux élections »

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Le 22 novembre dernier, je suis intervenue lors de l’examen d’une proposition de loi déposée par des députés de l’UDI (Messieurs Sauvadet, Borloo, et De Courson) visant à mieux prendre en compte le vote blanc lors des élections.
L’article 1 de cette proposition disposait que « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés et il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. »
J’ai apporté mon soutien à cette disposition modifiée par un amendement de la majorité ( les députés socialistes) et devenue « « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. ».
De la sorte le vote blanc est distingué du vote « nul » mais n’est pas agrégé dans le décompte des suffrages exprimés.
Comme je l’ai expliqué en séance :

 le vote blanc doit être pris en compte,

 le vote doit être distingué des suffrages exprimés car des situations pourraient se produire où des candidats, éventuellement en nombre croissant, pourraient être élus sans obtenir la majorité des suffrages exprimés ; par ailleurs une élection démocratique n’est pas une mesure de l’opinion ou un sondage…on vote pour trancher et faire valoir un intérêt de la société,

 le vote blanc n’est la thérapeutique qui fera revenir vers les urnes nos concitoyens qui, en trop grand nombre, se détournent du vote comme participation à la communauté nationale et civique et comme choix nous engageant tous.
Pour cela nous devons, autant que faire cela se peut, adopter des pratiques politiques responsables et humaines, faire correspondre les actes de gestion aux discours et les promesses de campagne et lutter contre les inégalités qui créent un sentiment d’impuissance chez ceux qui en sont les victimes!
Ainsi si la vote blanc est mieux reconnu et permet une expression de doute et d’interrogation sur l’offre politique, il n’est pas un suffrage exprimé qui tranche entre deux candidats et options politiques.
Il s’agit d’un pas utile mais pas encore suffisant pour lutter contre l’abstention.

 


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Assemblée nationale, XIVe législature, Session ordinaire de 2012-2013, Compte rendu intégral, Première séance du jeudi 22 novembre 2012

Reconnaissance du vote blanc

Mme Marietta Karamanli.

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons ce matin s’inscrit dans une longue tradition parlementaire, illustrée par de multiples propositions de loi visant à prendre en compte le vote blanc, comme l’a très justement rappelé Jean-Jacques Urvoas.

L’article 1er du texte pose un double principe. D’une part, il prévoit le décompte séparé des bulletins blancs. D’autre part, il dispose que les bulletins blancs seront pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés.

Je souhaite vous faire partager trois idées.

D’abord, il est nécessaire de mieux prendre en compte le vote blanc.

Ensuite, sa prise en compte dans les suffrages exprimés poserait des problèmes qui ne sont pas que juridiques.

Enfin, l’exercice effectif de la citoyenneté ne se décrète pas, il se construit socialement et politiquement.

Chacun de nous a conscience que l’abstention porte atteinte à la légitimité des élections et des élus qui ont la charge de l’intérêt général, au nom des valeurs et des projets qu’ils portent.

L’abstention a atteint près de 44 % au second tour des élections législatives de juin 2012. C’est un chiffre record sous la Ve République.

Certaines études électorales ont mis en évidence un lien entre l’abstention et le vote blanc, une sorte de relation en creux où lorsque l’un augmente, l’autre recule. Reconnaître le vote blanc serait en permettre la reconnaissance positive, voire protestataire, au regard de l’offre politique. À ce titre, il est positif de l’isoler des votes nuls.

Faut-il aller au-delà et agréger les bulletins blancs avec les suffrages exprimés ?

En l’état, l’exclusion des votes blancs tend mécaniquement à gonfler les suffrages remportés par les différents candidats. En les agrégeant, on rétablirait en quelque sorte l’audience exacte des candidats et on ferait justice des intentions réelles des électeurs dans leur diversité.

Néanmoins, cette prise en compte n’est pas sans créer des difficultés et poser des questions.

Les risques significatifs ne sont pas ceux liés à la complication des dépouillements, à la multiplication des seconds tours, à la possible supériorité en nombre des suffrages blancs sur les suffrages exprimés et à la question de savoir s’il y aurait alors un élu.

Non, la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés pose un problème de légitimité qu’il ne faut pas sous-estimer. Des situations peuvent se produire où des candidats en nombre croissant pourraient être élus sans obtenir la majorité des suffrages exprimés. Des situations pourraient naître où le vote blanc serait majoritaire de façon absolue au premier tour ou relative au second tour. Il y aurait alors une fragilisation des élus comme il n’y en a jamais eu.

Une élection démocratique n’est pas une mesure de l’opinion ou un sondage. On n’y vote pas pour soi, on vote pour trancher et faire valoir un intérêt de la société. La finalité des élections demeure la désignation d’un ou de plusieurs représentants ou la réponse à une question.

Dans ces conditions, assimiler le vote blanc à un suffrage exprimé conduirait à dénaturer l’élection. La légitimité démocratique en pâtirait et une telle situation serait loin de votre intention originelle.

II y aurait un effet d’aubaine pour tous ceux qui, cherchant à détourner des scrutins, en dévaloriseraient systématiquement les résultats quand bien même rien ne permettrait de conclure quant à leur signification. Dans ces conditions, si reconnaître le vote blanc paraît utile, l’assimiler à un choix clair de dénonciation ou à un choix par défaut est téméraire.

J’en viens brièvement à ma dernière idée. L’exercice effectif de la citoyenneté ne se décrète pas. Il se construit socialement et politiquement. Le vote blanc est un thermomètre qui ne dit pas en quoi le corps électoral est malade. Il ne peut donc pas être assimilé à un suffrage exprimé. Il n’est pas non plus la thérapeutique qui fera revenir vers les urnes nos concitoyens qui en trop grand nombre se détournent du vote comme participation à la communauté nationale et civique et comme choix nous engageant tous.

C’est plutôt en faisant retrouver aux Français les liens qui devraient exister entre les choix politiques et les réalités économiques et sociales vécues que nous pouvons espérer les compter à nouveau plus nombreux aux élections.
C’est en innovant par des pratiques politiques responsables et humaines, en faisant correspondre les actes de gestion aux discours et promesses de campagne et en luttant contre les inégalités qui créent un sentiment d’impuissance chez ceux qui en sont les victimes que nous retrouverons de l’engagement citoyen

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)