Marietta KARAMANLI dénonce « des effritements réguliers et constants » pour les usagers des trains

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Le 12 décembre j’ai participé à un débat sur la chaîne LCP sur l’avenir du train dans notre pays après les changements intervenus en matière d’horaires et de cadencement.

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Retrouvez mes propos dans « Ã‡a Vous Regarde : le débat : SNCF : le grand remue-ménage ».
Y participaient

 Dominique Bussereau, député UMP de Charente-Maritime, ancien secrétaire d’Etat aux transports,

 Willy Colin, porte-parole de l’association AVUC (association des voyageurs usagers des chemins de fer ) et coordinateur de « SNCF ras le bol »

 Pascal Perri, économiste des transports.
et moi-même.

Cliquer sur le lien suivant :

http://lcp.fr/21047

De façon plus générale ma position est la suivante.
Le nouveau cadencement recouvre en fait trois problèmes traités simultanément :

 des travaux longtemps retardés,

 la mise en place de sillons pour des trains autres que la SNCF sur les lignes LGV dans le cadre de l’ouverture à la concurrence,

 le cadencement proprement dit qui consiste à assurer une régularité d’heure en heure.
Le choix de mener les trois opérations a un caractère politique », la SNCF, RFF et l’Etat souhaitant inscrire ces opérations dans leur bilan respectif.
Les changements intervenus sans concertation, sans coordination, sans financement supplémentaire se traduisent par des horaires décalés, des temps de parcours allongés et parfois des trains supprimés.
L’exemple de la Sarthe est malheureusement là pour montrer que les usagers ne sont que la « variable d’ajustement » d’un système ferroviaire conçu d’en haut.
Je soutiens ce constat par l’analyse faire par mon collègue Hervé MARITON (UMP) qui a montré que les finances publiques ne pourraient soutenir la création et le développement des lignes TGV et qu’il fallait choisir de soutenir la maintenance et la modernisation du réseau classique et de proximité.


Mon analyse des objectifs, conditions et financement des changements opérés dans le transport ferroviaire français des passagers

Le cadencement : ses motifs

Le 11 décembre fait figure de de date de changements avec la mise en place d’un cadencement pour de nombreux trains (85 % des horaires des 15 000 trains).
Le cadencement ce sont des horaires décalés, des temps de parcours allongés et parfois des trains supprimés.
Ces changements prennent, en fait, en compte

  la remise à niveau du réseau : des travaux longtemps retardés (ex la ligne LGV vers la Bretagne du fait de l’absence d’investissement ; la maintenance et la remise à niveau exigent des mesures urgentes et de grande envergure,

  la mise en place de nouveaux sillons pour les trains autres que l’opérateur historique qu’est la SNCF sur les LGV avec un effet domino pour les autres trains,

  le cadencement proprement dit qui consiste à faire partir les trains d’une ligne donnée à la même minute de chaque heure, chaque train ayant le même nombre d’arrêts sur sa ligne, même si ceux-ci sont différents.
La Suisse pratique ce cadencement depuis longtemps.

Sa mise en Å“uvre ou « le tout maintenant » !

A l’origine il y a la volonté du gestionnaire d’infrastructure (RFF) d’optimiser l’utilisation du réseau ferré pour offrir de nouvelles capacités de circulation et, par là-même, d’engranger de nouvelles recettes.
Par ailleurs l’Etat cherche à mener tous ses objectifs :

  développement du TGV,

  poursuite de la desserte des TER par les régions,

  maintien des trains classiques sur le réseau
à moyens si ce n’est constants disons très proches !
L’Etat souhaite pouvoir afficher à son bilan ces modifications avant la fin de la mandature en présumant qu’elle sert la qualité
RFF veut dégager des créneaux et montrer sa capacité de gestionnaire
La SNCF souhaite dans le contexte de la montée en charge de la concurrence montrer qu’elle est le bon gestionnaire.

Mes constats

Il s’agit d’un triple chantier mené dans la précipitation car motivé par la volonté d’en faire un élément de bilan avant les élections de 2012
Les trois autorités Etat, RFF et SNCF mènent sous un libellé unique trois projets distincts.
La concertation s’est réduite à l’information avec les élus des grandes métropoles et des régions€¦
Dans le département de la Sarthe, les députés ont été obligés de monter au créneau pour obtenir de la concertation.
Très concrètement « o »n n’a pas fait ce qu’une entreprise ayant la souci de la qualité du service aurait dû faire.
Comme je l’ai déjà dit :

 il y a eu absence de concertation avec les usagers et notamment le public régulier €“ lycéens et leurs familles, salariés. Peut-être aurait-il été possible de mener des enquêtes ciblées en amont directement auprès des établissements scolaires les plus importants et des entreprises et collectivités locales du bassin de vie, ce qui ne semble pas avoir été fait. L’existence de comités de ligne est indispensable mais à l’évidence ne suffit pas,

 il y a eu insuffisance de réflexion sur les habitudes de trajet en fonction des horaires proposés. Une arrivée à x h + 55 mns implique nécessairement que les usagers à horaires « d’heure à heure » (comme les scolaires ou les enseignants) auront du mal à être à l’heure (x+1) h 00 mns€¦de la même façon que les usagers finissant à Y heures 00 ne pourront prendre le train de Y + 03 mns sauf à travailler dans la gare même ! Il s’agit là me semble t-il, d’une question de bon sens. A la Ferté Bernard c’est le lycée qui semble devoir modifier ses horaires

 il y a eu défaut de coordination entre la SNCF et les autres collectivités organisatrices de transports. Dans un cas, la modification de l’horaire en partance de Connerré vers La Ferté-Bernard se fait sans que l’horaire des bus desservant les communes alentours Connerré ne soit adapté ce qui revient à empêcher les habitants de ces communes de pouvoir venir à la gare autrement qu’en voiture automobile si tant est que les usagers en aient ou puissent les conduire (comme les lycéens). Parallèlement certaines liaisons assurées par les TIS ou la SETRAM paraissent poser problème aux usagers. Le temps mis par un certain nombre de lycéens pour aller à pied, ou en tram avec une partie marche, depuis leur arrivée à la gare multi-modale, les rend très dépendants soit des fluctuations mêmes mineures des horaires de trains ou de bus TIS à leur arrivée.
Enfin il y a eu faiblesse des explications données pour justifier des variations d’horaires somme toute modestes sur le papier mais significatives dans la vie de tous les jours et représentant à la fin d’une année des jours entiers perdus dans des déplacements non optimaux.
Si je comprends parfaitement la nécessité d’adaptations qui ne puissent satisfaire tous les usagers, je reste perplexe et en colère contre des raisonnements qui ne tiennent pas compte de l’impact de décisions pour un nombre significatif d’usagers qui n’ont que le service public pour se déplacer.
Si je prends l’exemple de la Suisse celle-ci a mis plusieurs années pour réaliser son cadencement horaire.
C’est moins la question du changement en lui-même que de ses effets sur la vie quotidienne€¦on a parlé de « big-bang », de « révolution »€¦il y a un effet d’optique à évoquer le pire ( les trains roulent) pour faire avaler la pilule d’un service qui se dégrade.

Pas d’effondrement mais des effritements successifs et répétés

Il n’y a pas d’effondrement, il y a des effritements réguliers, constants€¦
La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports qui ouvre à la concurrence internationale le réseau voyageurs a été adopté dans la précipitation.
Il n’y a pas eu de grande de loi de programmation ferroviaire qui aurait permis de débattre au fond des principes :

  de la création de nouvelles lignes,

  du rôle des gares,

  des dessertes à conserver,

  de la conciliation l’obligation de service public à développer dans le cadre des services d’intérêt économique général comme le permet nouveau règlement, adopté le 23 octobre 2007 par le Parlement européen et le Conseil.

La question des financements doit conduire à une réorientation en faveur de la maintenance et de renouvellement du réseau existant

Dans le rapport de M Hervé MARITON, député UMP, relatif au schéma national d’infrastructures de transport (SNIT) du 18 mai 2011, on peut y lire ce qui suite :

« L’évaluation montre que le contenu du schéma tel qu’il est aujourd’hui défini représente dans son ensemble, hors projet « Grand Paris », un effort, mesuré sur 25 ans, d’au moins 260 milliards d’euros dont 166 milliards d’euros de développement. Près de 86 milliards d’euros (32,8 %) seraient à la charge de l’État et 97 milliards d’euros (37,2 %) à la charge des collectivités territoriales, le reliquat, soit 30 %, étant pris en charge par les partenaires : gestionnaires d’infrastructures, concessionnaires, partenaires privés. Les investissements ferroviaires s’élèvent à 145 milliards d’euros, soit 55,6 %, des dépenses totales prévues dans le schéma national d’infrastructures de transport (SNIT). 103 milliards d’euros seront consacrés aux investissements de développement ferroviaire soit 62,2 % des investissements concernant le domaine du fer et 39,5 % des investissements totaux. »

Le rapporteur notait

  que les fonds publics devraient financer entre 45 et 90 % des 103 Mds ‚¬ ,

  que les recettes venant de l’exploitation seraient minoritaires, celles-ci étant par ailleurs souvent surestimées (lignes TGV Nord, Méditerranée et Eurotunnel),

  dans un contexte de forte tension sur les finances publiques, l’État et les collectivités territoriales se trouve(ro)nt donc devant une « montagne d’investissement » à réaliser et ne le pourront pas,

  que le reste du réseau est handicapé par un manque de financement.

Les investissements prévus par le SNIT dans le réseau existant représentent 40 milliards d’euros sur 20 ans alors que le simple prolongement des montants actuels représente une enveloppe de 65 milliards d’euros sur 25 ans, 40 milliards d’euros pour le renouvellement et 25 milliards d’euros pour la modernisation !

Il concluait « Ces insuffisances de financement [qui je le rappelle résultent de choix] font courir le risque d’un système ferroviaire à deux vitesses, avec d’un côté des lignes à grande vitesse performantes et toujours plus nombreuses et de l’autre côté un réseau de proximité ayant vocation à assurer les transports quotidiens souffrant de nombreux dysfonctionnements ».

Comme lui, je considère qu « Il y a des choix à faire et il faut donner priorité aux investissements de maintenance et de renouvellement du réseau existant !  »