Marietta KARAMANLI « Des propositions pour lutter contre la désertification médicale de certaines zones rurales »

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Les journaux locaux se sont faits l’écho, il y a quelques jours, des problèmes posés par la raréfaction des médecins notamment généralistes en zones rurales soulignant notamment le fossé qui se creuse dans notre département entre les zones urbaines où des médecins s’installent et les zones rurales où les médecins partis, notamment en retraite, ne sont pas ou plus remplacés. J’ai été à plusieurs occasions interrogée sur ce problème. J’avais dénoncé lors de la discussion de la dernière loi hospitalière l’absence de réponse crédible qu’y apportaient le gouvernement et la ministre de la santé. Je défends des solutions alternatives fondées sur le constat de solutions viables mises en Å“uvre dans d’autres pays mais adaptées aux caractéristiques de la formation et de l’exercice en France. Je défends notamment une réforme de l’accès au premier cycle de l’année de médecine, une formation qui fasse une meilleure place à la médecine générale enfin des exercices mixtes mêlant activités salariés et exercice libéral dans un équilibre pluridisciplinaire.

Extrait d’une réponse faite à un habitant d’un canton Sarthois où « il y avait, il y a quelques années, cinq médecins » et suggérant que « l’Etat oblige les médecins à travailler « là il faut des médecins et non pas là où pour des raisons personnelles ils le souhaitent ».

Ma réponse et mes propositions

Sur la question, en général, de l’installation des médecins en zones rurales
Le problème de l’installation des médecins dans des zones rurales n’est malheureusement pas seulement français et ce quelque soit le mode public, socialisé ou privé du financement de l’accès aux soins qu’ils dispensent.

Un récent magazine canadien indiquait « la pénurie de médecins en zone rurale est une réalité mondiale ! La Nouvelle Zélande, l’Angleterre, les Etats-Unis se posent les mêmes questions comment attirer des médecins en région€¦..Le gouvernement a mis en place un plan régional d’effectifs médicaux€¦ainsi le médecin ne peut plus pratiquer où il veut mais là il y a une place disponible€¦ » déplorant que le système puisse être « contourné ». Si je cite cet article, c’est qu’il montre qu’il faut non seulement des solutions mais aussi des solutions effectives et efficaces.

Une étude menée il y a deux ans sur « les désirs et attente des internes de troisième cycle de médecine générale » et portant sur un peu moins de neuf cent étudiants montraient que seulement 8 % d’étudiants voulaient s’installer en milieu rural et 42 % en milieu semi-rural. En cas de menace de déconventionnement, environs 50 % envisageaient de choisir un autre mode d’exercice plutôt que d’aller dans la zone « prescrite ». En revanche, plus de 50 % indiquaient choisir d’exercer en milieu rural si des solutions étaient apportées pour s’y installer. On peut notamment penser à une plus juste répartition de la permanence des soins.

Votre proposition de conditionner le droit aux études à la localisation d’un lieu d’exercice après réussite est au demeurant proche de celle visant le déconventionnement. Il s’agit en effet de lier, soit une dépense nécessaire pour faire les études, soit un revenu à venir après les études, à une installation dans un endroit donné.

Il y a lieu ici de remarquer que d’ores et déjà l’affectation des internes dans les établissements hospitaliers au titre de stages est conçue comme une contrepartie au financement par la collectivité d’une partie de leurs études. En l’espèce ils contribuent souvent à assurer la permanence des soins au sein des établissements d’accueil.

Sur les réponses apportées par la loi

S’agissant de la question de l’installation des médecins, les réponses apportées par la création à l’article 15 de la loi de juillet 2009, d’un contrat santé solidarité avec les médecins lorsque serait constatée une absence d’offre médicale sur un territoire (trois ans à compter de l’entrée en vigueur du schéma régional d’organisation des soins) et avec, en cas de refus de ce contrat, la mise en Å“uvre d’une sanction / contribution financière au plus égale au plafond mensuel de la sécurité sociale, ne me paraissent pas de nature à répondre efficacement au défi posé.

En effet nous ne savons même pas ce qu’impliquera ce contrat : doit-on s’en tenir à l’obligation, évoquée dans la presse, de remplacer des médecins en milieu rural ou d’assurer une permanence des soins ?

Par ailleurs, le dispositif ne traite pas de la motivation des médecins pour choisir la médecine générale ni assurer la qualité des soins dont ils seront en charge.

Sur les solutions qui pourraient et devraient être envisagées

Je regrette que le texte qui a été adopté ne traite ni de la formation en médecine générale au long des études de médecine, point clef pour avoir des médecins motivés de premier recours ni ne propose une réelle solution en vue de développer en milieu rural ou dans les petites villes des exercices « mixtes », le médecin étant payé par exemple par la collectivité pour suivre un groupe de patients et participer aux urgences tout en ayant un exercice libéral.
Cette solution mise en Å“uvre en Norvège apparaît apporter des résultats positifs tant en terme de présence de médecins, de permanence des soins et de qualité du suivi des patients.

D’ailleurs l’étude citée plus haut mettait en évidence une corrélation positive entre les étudiants venant d’universités situées en régions de basse densité médicale, et ayant fait des stages en médecins généralistes avec le choix de la médecine générale.

L’étude notait aussi qu’un exercice pour partie salarié, avec un équilibre pluridisciplinaire permettant de rompre l’isolement du médecin (j’ajouterai confronté à une complexité médicale et scientifique croissante), était jugé favorablement.

Une réforme de l’accès au premier cycle de médecine était jugée nécessaire en tant qu’elle viserait à égaliser l’accès aux études médicales entre candidats venant de différents milieux socio-professionnels, cet accès « renouvelé » pouvant rendre plus évident le choix de la médecine générale hors le seul milieu urbain.

Comme vous le voyez, je pense qu’il faut jouer sur différents outils (la formation, les obligations nées de la formation, les incitations par la rémunération, les données actuelles de l’exercice, etc€¦) pour parvenir à des solutions équitables, efficaces et pérennes.

En l’état, s’agissant des mesures prises, le compte n’y est pas.

Vous remerciant de votre contribution et de votre attention…

Marietta KARAMANLI