Marietta KARAMANLI « Face à la crise financière et budgétaire en Europe, il faut une gouvernance économique et des mesures pour lutter contre la spéculation financière, l’évasion fiscale et diminuer les inégalités »

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A deux reprises le mois passé (les 16 et 17 février), je suis intervenue devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale pour suggérer que les gouvernements européens et l’Europe prennent des initiatives dans le sens d’une plus grande action contre l’instabilité économique.
Il y a quelques jours Paul KRUGMAN prix « Nobel » d’économie indiquait dans un de ses papiers (16 février 2010) que la situation de la GRECE, déficit et dettes budgétaires amenant à prendre des mesures « drastiques » résultait moins d’un « manque de discipline budgétaire », qui a néanmoins existé en Grèce, que de « l’arrogance des élites qui ont poussé l’Europe à adopter une monnaie unique bien avant que le continent n’y soit prêt » .
Il citait à l’appui le cas de l’Espagne, qui est d’après lui au « cÅ“ur de la crise » et dont le « problème majeur du pays est que les coûts et les prix ne sont plus en phase avec le reste de l’Europe. Faute de disposer de sa propre monnaie, l’Espagne ne peut recourir à la dévaluation ».
Pour lui il n’est néanmoins pas possible défaire l’euro, « le coût en serait immense et hautement perturbateur » mais à tout le moins, il faut aller de l’avant et faire Å“uvre de création.
Mes deux interventions devant la commission vont dans ce sens.
La première fois la commission recevait les sénateurs de la commission homologue au Sénat et les députés européens français, à cette occasion j’ai demandé des initiatives nouvelles en matière de politique industrielle au plan européen.
La seconde fois, lors de la rencontre avec la ministre de l’économie française, j’ai suggéré que des mesures soient prises pour lutter contre la spéculation financière, l’évasion fiscale et diminuer les inégalités.
J’ai aussi suggéré que soit autorisée la levée d’un impôt européen. Cette mesure serait de nature à marquer qu’il existe une gouvernance économique de l’Europe et donnerait à celle-ci une marge de manÅ“uvre pour intervenir lors de crise de cette nature.


Le texte de mes deux interventions

Intervention du 16 février 2010

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES, Mardi 16 février 2010, Réunion conjointe avec la Commission des affaires européennes du Sénat et avec les membres français du Parlement européen
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale et de M. Jean Bizet, Vice-président de la Commission des affaires européennes du Sénat
La séance est ouverte à 17 h 15
I. La mise en Å“uvre du traité de Lisbonne et la mise en place des nouvelles institutions

Mme Pervenche Berès. Députée Européenne, Présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen

Le débat sur la durabilité de la croissance est nécessaire et je souhaiterais que l’on rebaptise la stratégie UE 2020 « stratégie de solidarité et de durabilité ». Concernant la gouvernance économique, il faut partir du constat qu’après 10 ans d’Euro, les économies des Etats membres sont divergentes.
Le pacte de stabilité est un instrument inutile en l’absence d’union politique et de budget fédéral permettant des interventions contracycliques.
La réaction de l’Union européenne face aux difficultés de la Grèce donne une apparence de solidarité. Cependant, compte tenu de la divergence croissante des économies, les comportements individuels des Etats ne sont plus les seuls déterminants de la situation financière de la zone euro dans son ensemble.
L’intervention du FMI pour soutenir la Grèce s’opposerait aux perspectives d’émergence d’une gouvernance économique européenne. Il ne s’agit pas de réouvrir le débat sur le pacte de stabilité, que personne ne respecte, mais de définir un nouveau pacte permettant de lutter contre l’aggravation des divergences entre économies. La création d’un « Eurobond » €“ titre de dette obligataire qui réunirait progressivement l’ensemble des pays de la zone euro €“ telle que la propose une récente étude est intéressante si elle s’accompagne d’une surveillance multilatérale. Un véritable gouvernement économique devrait en effet s’intéresser à la nature des dépenses des Etats membres, or l’Union européenne se focalise sur les soldes budgétaires.
Les questions fiscales devraient également être abordées au niveau européen.
On peut regretter que lors des deux dernières négociations sur les perspectives financières, la position de la France se soit limitée à la défense de la politique agricole commune. Cependant, le contexte a évolué puisque la France est aujourd’hui contributeur net. La révision des perspectives financières doit permettre de définir la stratégie UE 2020 et de sortir des considérations sur le « juste retour ». J’ai évoqué avec M. Didier Migaud, Président de la Commission des finances, la nécessité d’un débat démocratique ouvert associant le Parlement européen et les Parlements nationaux et débouchant sur une initiative forte.

Mme Marietta Karamanli.

La Grèce n’est pas le seul Etat membre à rencontrer des difficultés budgétaires : l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et l’Italie sont aussi concernés et la situation de la France elle-même pourrait être préoccupante.
Il est certes légitime de rechercher la croissance économique mais pour cela, des mesures concrètes sont nécessaires.
La stratégie UE 2020 doit inclure des mesures de politique industrielle car la croissance ne peut reposer uniquement sur l’économie de la connaissance. Il serait notamment souhaitable de renforcer les financements du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation.

Intervention du 17 février

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mercredi 17 février 2010, Séance de 13 heures 45,
Présidence de M. Didier Migaud Président
Audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi sur la situation économique et financière de la zone euro et la situation budgétaire et financière de la Grèce

M. le président Didier Migaud.

Nous accueillons Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, qui a participé lundi à la réunion de l’Eurogroupe, et hier à celle de l’Écofin. Tous deux ont fait le point sur la situation économique et financière de la zone euro €“ après que le G7 eut discuté les 5 et 6 février des stratégies de sortie des programmes conjoncturels de relance et des déficits publics accumulés €“ ainsi que sur la situation budgétaire et financière de la Grèce.

Mme Marietta Karamanli.

Hier, nous nous sommes réunis avec les parlementaires européens et les sénateurs pour évoquer ces problèmes.
Le cas de la Grèce n’est pas isolé et, dans plusieurs pays, plus le déficit s’aggrave, plus il faut emprunter et plus la charge de la dette s’alourdit. Parallèlement, la gravité de la crise attise la spéculation et les taux d’intérêt grimpent. Ce sont les plus modestes qui paieront le prix fort. S’est ainsi amorcée une sorte de redistribution à l’envers.
L’Eurogroupe réfléchit-il à la lutte contre l’évasion fiscale ou à la réduction des inégalités ? Quelles sont les mesures concrètes qui pourraient être prises pour contrecarrer la spéculation qui s’attaque aux pays les plus en difficulté : la création d’un Eurogroupe économique, ou l’autorisation de lever un impôt européen ? €¦

Mme le ministre.

Concernant les opérateurs sur les CDS, on n’a, à ce stade, que des hypothèses. Dans la déclaration de Pittsburgh, les vingt chefs d’État et de gouvernement se sont engagés à ce que, le 31 décembre 2012 au plus tard, tous les marchés OTC soient organisés et transparents. À la même date, les produits dérivés seront réglementés et certains pourraient être interdits.
En ce qui concerne la directive sur les fonds alternatifs, le projet qui avait été soumis par la Commission européenne proposait le mécanisme du passeport européen, ce que nous ne pouvions accepter puisqu’il aurait permis à des fonds offshore, pourvu qu’ils aient acquis une certaine ancienneté, d’opérer librement sur les marchés européens. Cette disposition a été supprimée du texte en cours d’examen au Parlement européen. Ont en revanche été introduites des obligations concernant l’enregistrement, les fonds propres, la gouvernance, et les règles de conflit d’intérêts opposables aux gestionnaires de fonds.
La Grèce est en procédure pour excès de déficit depuis douze mois. La situation n’est donc pas tout à fait nouvelle.
La question de la pertinence des outils à notre disposition pour mieux anticiper se pose aussi. Aux termes du traité de Lisbonne, la Commission a un pouvoir d’avertissement et l’Eurogroupe, qui voit enfin son existence reconnue, peut intervenir dans les mécanismes d’assistance réciproque entre ses membres.
Quant aux statistiques de l’INSEE, elles sont plutôt fiables.
Madame Montchamp, nous avons le pacte de stabilité et de croissance qui laisse des marges de manÅ“uvre. S’il n’est pas respecté, les délais peuvent être longs avant que ne soit prononcée une mise en demeure.
En effet, la Grèce n’est pas seule, madame Karamanli. Je l’ai dit et répété : « La Grèce, c’est nous. » Nous sommes une zone monétaire à l’intérieur de laquelle la solidarité doit exister, dans les deux sens. Mais les États-membres ne sont pas tous dans la même situation.
La Grèce a certainement de bonnes marges de manÅ“uvre en matière de ressources fiscales, notamment en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés. L’engagement des banques françaises sur la Grèce se monte à 2,5 % de leur exposition internationale.