Marietta KARAMANLI « Gilles FINCHELSTEIN au MANS, le refus des identités qui enferment, le choix d’un débat politique qui traite de l’égalité »

Le 5 mars dernier au Théâtre de la Bertoche, aux Sablons au Mans, Gilles FINCHELSTEIN, auteur de « Piège d’identité » est venu présenter son livre.
Son objectif était de discuter de ce thème et de ses thèses avec le public. Celui-ci avait répondu à l’invitation, environ 80 personnes sont venues en débattre avec lui.
Préalablement en guise d’introduction j’ai souhaité rappeler les qualités de l’auteur puis le contexte dans lequel l’idée d’identité s’est affirmée au cours de ces dernières décennies au détriment de l’idée d’égalité.
De son côté Gilles FINCHELSTEIN a indiqué la façon dont cette réflexion s’était faite : son expérience de terrain où il a pu constater que les individus dans des contextes très différents marquaient leur appartenance à un groupe et s’y tenaient sans avoir la volonté ni l’opportunité d’en sortir. Dans ces cas l’un se définit de façon invariable et en opposition à l’autre. En politique et dans le choix démocratiques, les identités apparaissent mobiles et la recherche de l’égalité ne rassemble plus comme elle le faisait. Dans beaucoup d’études d’opinion, l’identification des électeurs illustre cette perte de repère classique avec une part de l’opinion tentée par un recul de la démocratie et des institutions qui la portent. De nombreuses questions ont ponctué les échanges montant l’intérêt des participants sur un sujet à la fois important et une question sensible.


Marietta KARAMANLI aux côtés de Gilles FINCHELSTEIN

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Marietta KARAMANLI dans la salle pour recueillir les questions nombreuses et variées

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Mon mot d’accueil
Je souhaite vous dire quelques mots sur la personne que nous accueillons et sur le thème dont Gille est venu débattre avec vous tous.
D’une part Gilles est quelqu’un, de brillant, de pédagogique et d’humble.
Quelqu’un qui doute et qui, à ce titre, fait avancer la réflexion collective en s’interrogeant et en nous interrogeant.
Il vient nous présenter « Piège d’Identité », aux éditions Fayard.
D’autre part, il pose dans son ouvrage la question de ce qui structure le débat politique, de ce qui fédère et sépare les forces qui « en mouvement » vont inspirer le cadre de nos vies individuelles.
L’historien anglais Donald SASSOON a bien mis en évidence dans un ouvrage, jamais traduit en Français, dont le titre est « Cent ans de socialisme » que la Gauche, en Europe, était née et s’était structurée, il y a plus de 100 ans en Europe autour de l’idée d’égalité, une idée fédératrice.
Aujourd’hui dans les débats, sur la scène politique et sociale ce qui s’impose c’est une nouvelle idée, celle d’identité.
Je dois vous dire que j’ai beaucoup pensé en lisant l’ouvrage « Piège d’identité » à un très grand sociologue Norbert Elias, qui avait montré qu’il pouvait exister des lignes de fracture fondées sur des associations d’ancienneté reconstruites ou reconstituées entre communautés d’une même ville (cela se passait dans une cité de Banlieue d’Angleterre dans les années Cinquante) et qui structuraient le paysage social.
En l’espèce les plus récents arrivés étaient toujours les intrus de la vague précédente, ce qui leur permettait à ceux d’avant de se penser au-dessus des autres.
Quelque part, les deux notions égalité et identité sont très liées.
Cette affirmation de l’idée d’identité se fait à un moment où le marché a depuis un certain temps choisi un cadre mondial et où les politiques sociales sont restées de l’ordre des questions intérieures à chaque Etat.
Cette situation conforte l’idée que la société de marché est en train de gagner la partie et que la solidarité fondée sur la recherche de plus d’égalité, est en train de la perdre.
La Gauche et la sociale-démocratie ne doivent pas avoir peur d’affirmer qu’elles sont réalistes, réformistes mais aussi « radicales » pour engager aujourd’hui des actions dont le cumul, l’articulation et l’appropriation collective donneront à terme moins d’inégalités entre tous et plus de possibilités à chacun.
Ca fait toute la différence entre ceux qui pensent qu’il y a un ordre éternel immuable et ceux qui pensent que nous construisons du social en le réingéniérant constamment.
Je laisse maintenant la parole à notre invité qui sera, j’en suis sûre, vous dire en termes simples et intelligents quelle est sa thèse et ses constats mais aussi ses et vos interrogations.